Des dizaines de manifestants ont forcé une grille et se sont affrontés aux services d’ordre samedi à l’intérieur du Salon de l’agriculture à Paris, où le président français Emmanuel Macron est venu rencontrer des syndicats, avant de tenter d’inaugurer officiellement l’événement placé sous haute présence policière.
Des manifestants exaspérés sont entrés dans le Salon sans être fouillés avant l’ouverture officielle. Parmi eux, des agriculteurs des principaux syndicats -la FNSEA, les Jeunes agriculteurs et la Coordination rurale- reconnaissables à leurs drapeaux et casquettes distinctives. Souhaitant interpeller verbalement le président de la République, ils en sont venus aux mains avec le service d’ordre du salon qui tentait de leur barrer la route, selon des journalistes AFP.
De nombreux policiers ont ensuite été déployés à l’intérieur du salon et les manifestants ont pu être contenus, dans une ambiance de sifflets et huées assourdissants. «Macron démission!», «la chasse au Macron est ouverte!», «il est où?» ont crié certains agriculteurs.
«On ne voulait pas que Macron entre sans avoir donné sa vision pour l’agriculture sur 20 ans. Ça fait 22 jours qu’on attend des réponses et on n’a pas le début d’une réponse, c’est inadmissible», s’est insurgé auprès de l’AFP un manifestant, Jean Lefevre, agriculteur en région parisienne. Pendant ce temps, le président était ailleurs, en sécurité, pour rencontrer autour d’une table les responsables syndicaux.
Au petit matin, le président du syndicat majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau, avait déclaré vouloir «écouter ce que le président a à nous dire dans une forme de respect du cadre». Cela «risque parfois d’être un peu tendu», avait ajouté le responsable syndical.
Macron face aux syndicats
«On attend des réponses très claires, une vision très claire. Il a toutes les clés en main pour amener des réponses», a complété Arnaud Gaillot, pour le syndicat allié Jeunes agriculteurs (JA). Des adhérents de la FNSEA et des JA ont passé la nuit sur l’esplanade devant le parc des expositions. Quelques uns ont dormi sur la paille, d’autres dans des cars.
La crise, qui couvait depuis l’automne, a explosé à partir du 18 janvier, menant à deux semaines de blocages d’autoroutes, finalement levés le 1er février. Le Premier ministre Gabriel Attal a fait plusieurs salves d’annonces sur des dizaines de sujets: pesticides, normes, simplifications administratives, aides aux éleveurs ou aux viticulteurs, contrôles dans les grandes surfaces contre la fraude sur l’origine française des produits, nouvelle loi consacrant l’agriculture comme un intérêt fondamental de la nation...
Les ONG environnementales dénoncent pour leur part un recul écologique, notamment sur les pesticides dont l’usage ne sera plus mesuré comme auparavant, mais leur discours contre l’agriculture intensive, tout comme celui du syndicat altermondialiste Confédération paysanne, est peu audible face aux protestations existentielles des agriculteurs.
Ceux-ci ont accepté de débloquer les routes car ils apprécient que leurs revendications commencent à être prises en compte par l’exécutif. Mais ils continuent d’exiger des actes rapides et concrets pour améliorer leurs revenus, et répondre à leur demande de dignité.
Fiasco du grand débat de Macron
Les adhérents des syndicats majoritaires, surtout dans les grandes cultures céréalières, ont été furieux d’apprendre que la présidence française voulait les faire débattre samedi, parmi d’autres ONG, avec le collectif radical des Soulèvements de la Terre, qui s’était illustré en mars 2023 lors d’une journée d’affrontements autour d’un chantier de réservoir artificiel d’eau et que le gouvernement a échoué à dissoudre.
«Le président, il nous a fait un énorme bras d’honneur hier alors, ce qu’on attend maintenant c’est qu’il annonce des choses», a expliqué vendredi Vincent Bouvrain, agriculteur en Seine-et-Marne, qui manifestait à Paris.
L’idée d’un grand débat, marque de fabrique du président Macron, a donc tourné au fiasco, conduisant à son annulation vendredi soir. Reste à savoir combien de temps Emmanuel Macron ira samedi «au contact» des participants au Salon.