La sortie télévisuelle du président français, hier mercredi 22 mars, était censée «calmer le jeu» et apaiser le climat délétère qui règne dans le pays depuis le passage en force du gouvernement pour faire adopter sa réforme des retraites. Mission non accomplie, pourrait-on conclure, tant Emmanuel Macron a échoué à convaincre, notamment la presse française qui le voit amplifier encore la crise politique et sociale.
«Le grand tisonnier», titre Libération, qui accuse le président d’avoir «jeté de l’huile sur le feu» et d’avoir «pris le risque d’aggraver la crise» au lieu de «chercher à apaiser».
«Il oscille entre le mépris qu’il dégage, la haine qu’il engendre et la concorde qu’il recherche sous son nom»
— Alexandre Poplovsky, éditorialiste du Républicain Lorrain
Dans son éditorial, intitulé «Piège», Paul Quinio s’étonne du «choix fait par Macron de taper sur les syndicats» tout en leur «tendant la main» en évoquant la nécessité de penser les fins de carrière, les carrières longues et les carrières pénibles. Une manière de souffler le «froid et chaud qui dit bien à quel point la porte de sortie est étroite», estime M. Quinio pour qui, il a ainsi qu’il a «surtout démontré qu’il naviguait à vue ».
Pour Aurore Chabaud, dans l’Est Eclair, M. Macron a été «droit dans ses bottes, fidèle à lui- même, (...) au risque que cela dégénère». Même son de cloche dans Le Républicain Lorrain, Alexandre Poplovsky, jugeant le Président «stoïque, droit dans ses bottes, imbu, mû d’une détermination imperturbable» et «dans un détachement total au brouhaha du peuple» tout en étant inflexible face à la colère sociale qui balaye le pays». «Une drôle de manière d’apaiser les tensions à la veille d’une nouvelle journée de mobilisation», pointe l’éditorialiste, qui estime que c’est «un drôle de pari sur son avenir et celui du pays».
«Le mal trop profond, l’entente impossible»
Plus sévère, Alexandre Poplavsky le dit «osciller entre le mépris qu’il dégage, la haine qu’il engendre et la concorde qu’il recherche sous son nom».
Cela n’a rien d’étonnant, pour Yves Thréard du Figaro selon qui, «comme prévu, le président a fait chou blanc. Comme prévu, entre les opposants à la réforme et l’exécutif, le face-à-face continue. Et, comme prévu, la porte de sortie, forcément étroite, reste à trouver».
De son côté, Christophe Lucet, dans Sud Ouest, regrette que la France ne soit pas «sortie de l’auberge». Et son collègue de Midi Libre, Olivier Biscaye, de surenchérir, regrettant qu’entre le chef de l’Etat et le peuple français «ce sont bien deux visions qui s’opposent, (...) irréconciliables, le mal est trop profond, l’entente impossible».
Jean-Marc Chevauché, du Courrier Picard, se veut nostalgique de l’époque où «la France a rencontré des présidents pétris d’idéologie mais prompts à entendre le peuple». Pour lui, M. Macron «n’est pas un homme d’État». «Si c’était le cas, d’une façon ou d’une autre, devant le tel brouhaha qui s’annonce, il donnerait la parole au peuple pour purger la situation».
Jérôme Chapuis, dans La Croix, veut croire que M. Macron «mise sur l’essoufflement» mais «pour l’heure, à l’aube d’une nouvelle mobilisation, cela relève du vœu pieux». Le Parisien, qui a titré à sa Une «Macron assume tout», s’inquiète qu’à terme le risque est que cela «contribue au sentiment croissant que le politique n’a plus prise sur les choses, et que voter ne vaut plus la peine». Florence Chédotal, dans La Montagne, se demande s’il est «aujourd’hui possible de réparer dans cette dangereuse relation directe que le Président a nouée avec les Français? Car avancer seul n’a pas de sens».