France: le nouveau Premier ministre François Bayrou face à «un Himalaya» de difficultés

Le nouveau Premier ministre français François Bayrou arrive pour assister à la cérémonie de passation de pouvoir à l'Hôtel Matignon à Paris le 13 décembre 2024

Le nouveau Premier ministre français François Bayrou arrive pour assister à la cérémonie de passation de pouvoir à l'Hôtel Matignon à Paris le 13 décembre 2024. AFP or Licensors

Le nouveau Premier ministre français, le centriste François Bayrou, a fait état d’«un Himalaya» de difficultés notamment budgétaires à résoudre, en prenant ses fonctions vendredi à la tête d’un pays plongé dans une grave crise politique.

Le 14/12/2024 à 07h00

«Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation. J’ai pris des risques inconsidérés dans ma vie politique pour poser la question de la dette et des déficits», a déclaré ce vétéran de la scène politique âgé de 73 ans, lors de la passation de pouvoirs avec son prédécesseur Michel Barnier.

«Je n’ignore rien de l’Himalaya qui se dresse devant nous, des difficultés de toute nature», a lancé cet allié de longue date du président Emmanuel Macron, qui devra doter la France d’un budget pour 2025, dans une Assemblée nationale sans majorité.

Le déficit de la deuxième économie de la zone euro qui atteint 6,1% du PIB, et sa dette, dont les intérêts se montent à 60 milliards d’euros par an, posent «un problème moral, pas un problème financier seulement», a-t-il insisté.

Le jour même de la nomination de M. Bayrou, l’agence de notation Moody’s a en outre annoncé dégrader la note souveraine de la France d’un cran en raison d’une «fragmentation politique plus susceptible d’empêcher une consolidation budgétaire significative» au cours des prochaines années.

La note souveraine du pays s’établit désormais à Aa3 avec perspective stable.

François Bayrou a également mis en garde contre «le mur de verre qui s’est construit entre les citoyens et les pouvoirs», alors que le pays s’est enfoncé dans la crise politique depuis la dissolution surprise par M. Macron de l’Assemblée en juin.

«Il y a un chemin à trouver qui réunisse les gens au lieu de les diviser. Je pense que la réconciliation est nécessaire», avait déclaré M. Bayrou juste après sa nomination, vendredi à la mi-journée.

Gouvernement «resserré»

La nomination de M. Bayrou est intervenue neuf jours après la chute du gouvernement de Michel Barnier, renversé le 4 décembre, après seulement trois mois en poste, par une censure historique votée par des députés de gauche et d’extrême droite.

M. Bayrou devient ainsi le sixième locataire de Matignon depuis la première élection d’Emmanuel Macron en 2017 - et le quatrième en 2024, une instabilité de l’exécutif que n’avait pas connue la France depuis des décennies.

Le patronat s’est réjoui de sa nomination, exprimant l’espoir d’un retour de la «visibilité» qui manque depuis la dissolution, au risque de menacer la solidité des entreprises.

M. Bayrou doit maintenant s’atteler sans tarder à la composition de son gouvernement, qu’il veut compact et dominé par des personnalités d’expérience.

Son premier week-end sera ainsi placé «sous le signe des consultations», a indiqué son entourage. Le Premier ministre recevra notamment samedi la présidente macroniste de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet et le président (droite) du Sénat Gérard Larcher. Il devrait également s’entretenir avec les chefs de groupes parlementaires.

Une tâche redoutable attend M. Bayrou, avec pour priorité le budget pour 2025. En attendant, un projet consensuel de loi spéciale permettant d’éviter une paralysie de l’Etat sera examiné lundi par l’Assemblée.

Défi politique

Le nouveau Premier ministre devra naviguer sur la scène politique éclatée, avec une Assemblée fracturée en trois blocs (alliance de gauche / macronistes et centre-droit / extrême droite), aucun ne disposant de la majorité absolue.

M. Bayrou doit «dialoguer» avec les partis hors Rassemblement national (extrême droite) et LFI (gauche radicale) pour «trouver les conditions de la stabilité et de l’action», a fait savoir l’entourage de M. Macron.

S’il n’y aura pas de censure «a priori» venant du RN, selon son président Jordan Bardella, LFI a à l’inverse affirmé qu’il voterait la censure de M. Bayrou car celui-ci n’est pas issu de la gauche.

Les Républicains (LR, droite), ont eux conditionné leur participation au gouvernement à sa feuille de route.

À gauche, pour prix de leur non-censure, les socialistes demandent à M. Bayrou de s’engager à renoncer à recourir au 49.3 - un article de la Constitution qui permet d’adopter un texte sans vote - et à procéder à une «réorientation de la politique gouvernementale». Les communistes ont exprimé une position voisine.

Les Ecologistes eux ont déjà menacé de censure le nouveau Premier ministre s’il poursuit la même politique et garde Bruno Retailleau au poste de ministre de l’Intérieur, qu’ils jugent trop à droite.

M. Bayrou veut trouver, selon sa formule, les contours d’un «accord de coopération démocratique»: le gouvernement s’engagerait à ne pas recourir au 49.3 pour imposer ses lois, et les opposants de leur côté ne le censureraient pas.

Inlassable défenseur d’un centre indépendant, François Bayrou a été trois fois candidat à la présidentielle de 2002 à 2012, sans jamais parvenir au second tour.

Son alliance avec M. Macron en 2017 avait dégagé la voie à l’élection du plus jeune président français.

Par Le360 (avec AFP)
Le 14/12/2024 à 07h00