Aucune des six vice-présidences, pas de poste de questeur sur les trois en jeu, pas même un secrétaire sur douze: Marine Le Pen et ses alliés sont restés à l’écart des postes du bureau de l’Assemblée, sa plus haute instance exécutive.
«Ces décisions rendent pour l’avenir les décisions de ce bureau parfaitement illégitimes», a estimé Marine Le Pen autour de minuit, annonçant que son groupe ne prendrait pas part à la dernière élection, concernant les secrétaires.
Vers 04H00 du matin, surprise supplémentaire au terme d’une journée qui n’en a pas manqué: le Nouveau front populaire est parvenu à rafler neuf des 12 postes de secrétaires, s’assurant la majorité au sein du bureau de l’Assemblée, chargé notamment de décider des sanctions contre les députés.
Le député PS Arthur Delaporte a salué «la victoire du barrage républicain».
«Nous obtenons la majorité des postes (au bureau), c’est la démonstration que le NFP est le pôle le plus large à l’Assemblée nationale», s’est de son côté félicitée Mathilde Panot (LFI), appelant le président de la République à «nommer un Premier ministre issu du NFP».
L’Insoumise Clémence Guetté a été élue première vice-présidente. Les autres vice-présidences ont été remportées par Nadège Abomangoli (LFI), l’ancienne vice-présidente Horizons Naïma Moutchou, Xavier Breton et la députée Annie Genevard (tous deux de la Droite républicaine), et le ministre de l’Industrie démissionnaire Roland Lescure (Ensemble pour la République, ex-Renaissance).
Brigitte Klinkert (EPR), Michèle Tabarot (Droite républicaine), Christine Pirès-Beaune (PS) ont chacune hérité d’un poste à la questure.
Les convoitées présidences de commission seront, elles, attribuées samedi à partir de 10H00, dont la stratégique commission des Finances, dévolue à un groupe d’opposition.
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La droite de Laurent Wauquiez - qui a pourtant noué une entente avec la macronie, qui se dit de la «majorité» - s’est déclarée officiellement comme un groupe d’opposition, et revendique ce poste pour Véronique Louwagie.
La majorité sortante devra, pour lui apporter ses voix, prendre part au vote, ce qui est contraire aux usages. «Une honte», a dénoncé par avance Manuel Bompard (LFI). Le sortant Eric Coquerel (LFI) sera candidat au nom du Nouveau Front populaire, assure-t-il.
«Achats de poste»
Il y a deux ans, la macronie avait concédé au Rassemblement national deux vice-présidences, dans le souci d’une représentation équitable des groupes, comme le préconise le règlement de l’Assemblée.
Cette fois-ci, rien de tel: le groupe Ensemble pour la République (EPR) présidé par Gabriel Attal avait décidé lundi de ne mettre aucun bulletin «ni pour le RN, ni pour LFI», et de s’affranchir de cette proportionnalité.
Une consigne qui a opportunément permis à la macronie d’offrir à ses propres troupes et à ses alliés de La Droite républicaine plusieurs postes clés, prix de leur soutien à la candidature de Yaël Braun-Pivet, réélue jeudi au perchoir malgré la défaite du camp présidentiel au second tour des législatives.
Marine Le Pen s’est empressée de dénoncer des «magouilles» et des «achats de poste» qui «foulent aux pieds la démocratie», privant les «11 millions d’électeurs» du RN de représentants dans les instances de l’Assemblée.
Joignant le geste à la parole, son propre groupe a voté pour des représentants des trois blocs qui se partagent l’Assemblée, a-t-elle assuré.
Un «coup tactique», selon Benjamin Lucas (groupe Ecologiste et Social). «Le RN avait perdu. Ce qu’il a cherché à faire avec son pseudo-coup d’éclat», c’est «masquer le fait qu’ils sont perdants d’office, laisser entendre qu’il pourrait y avoir des retours d’ascenseur», a décrypté la députée LFI Sarah Legrain.
«Fraude»
Dans l’hémicycle, la macronie n’a pas manqué de relever que les vice-présidentes insoumises avaient été élues en partie avec le soutien du RN. «LFI étant élue avec les voix du Rassemblement national, ils pourraient au moins leur serrer la main», a lancé le ministre de l’Intérieur démissionnaire Gérald Darmanin.
«C’est vous qui aviez voté en 2022 pour élire des vice-présidents de l’Assemblée nationale» RN, a vertement répliqué Mathilde Panot, dans une ambiance électrique.
Plus tôt dans la journée les opérations de vote avaient été marquées par un incident sans équivalent de mémoire d’administrateur: l’apparition de dix enveloppes surnuméraires dans les urnes, qui a contraint à annuler un scrutin.
«Honte à ceux qui ont pratiqué cette fraude», a tonné dans l’hémicycle le député PS Jérôme Guedj (PS), demandant une enquête et la révision des modalités de vote.
Une entrée en piste qui laisse présager des fortes tensions qui traverseront cette 17ème législature, et de l’étroitesse du chemin pouvant conduire à une majorité susceptible d’appuyer un gouvernement de coalition, tel que le président de la République l’appelle de ses vœux.