Le dialogue, enfin? Les syndicats français sont attendus en début de semaine prochaine à Matignon, à l’invitation de la Première ministre Élisabeth Borne. C’est un rendez-vous inédit entre les syndicats et l’exécutif depuis des semaines, et avant une nouvelle journée de mobilisation prévue le 6 avril.
Au lendemain d’une 10ème journée d’actions moins fournie et moins chaotique que prévu, les deux parties se donnent un peu d’air pour faire retomber la tension avec la perspective de cette rencontre, alors que le conflit dans la rue est entré dans son troisième mois. Le mardi 28 mars, le ministère de l’Intérieur a parlé de 740.000 manifestants dans toute la France, dont 93.000 à Paris, alors que la CGT a cité «plus de 2 millions», dont 450.000 dans la capitale.
De là à envisager une sortie de crise ? Il y a loin de la coupe aux lèvres et l’intersyndicale a prévu une 11ème journée d’actions le 6 avril. D’ici là, les syndicats ont rendez-vous avec Elisabeth Borne. Lundi, mardi ou mercredi ? La date n’est pas encore arrêtée mais «on ira», a révélé le n°1 de la CFDT Laurent Berger sur TMC jeudi soir, visiblement pas mécontent de ce petit coup de théâtre.
«On ira. On en a parlé entre nous. Oui, on pense collectivement qu’il faut y aller pour porter nos propositions», a déclaré Laurent Berger. «Y compris» la proposition de médiation dans le dur conflit des retraites dont l’hypothèse avait pourtant été balayée par Olivier Véran dans la journée. Matignon a confirmé l’invitation, mais n’a fait aucun commentaire sur son ordre du jour.
«Ce qui est sûr c’est que nous, on ira discuter des retraites. Et du travail parce que ça va avec, mais surtout des retraites!»
— Laurent Berger, Secrétaire général de la CFDT.
«Ce qui est sûr c’est que nous, on ira discuter des retraites. Et du travail parce que ça va avec, mais surtout des retraites!», a insisté M. Berger. Interrogés dans la foulée, des syndicats ont semblé nuancer les affirmations de Laurent Berger. «On a encore besoin d’en discuter en intersyndicale», a fait valoir la codéléguée de Solidaires, Murielle Guilbert. «Ça nécessite une discussion entre nous au préalable», dit également François Hommeril, président de la CFE-CGC.
Alors que la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites est attendue d’ici trois semaines, et sur fond de montée de la violence, la Première ministre Elisabeth Borne, avait promis ce week-end de «mettre de l’apaisement».
Dialogue de sourds?
À l’Elysée, où Emmanuel Macron a reçu lundi les cadres de la majorité et du gouvernement, le chef de l’Etat a dit vouloir «continuer à tendre la main aux forces syndicales», mais sur d’autres sujets que les retraites, selon un participant. Et l’exécutif de camper fermement sur sa position: la réforme qui prévoit le report de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans s’appliquera. Le coeur de son projet. Celui aussi de la contestation.
Par la voix d’Olivier Véran son porte-parole, le gouvernement a encore écarté à l’issue du Conseil des ministres mardi, l’hypothèse d’une pause dans l’application de la réforme. Membre de la majorité, le Modem n’a pas dit non à l’idée d’une médiation.
Selon M. Véran, rien n’empêche «dans l’intervalle» de la décision du Conseil constitutionnel, «de commencer à discuter des modalités d’application des différents éléments du texte» qui envoie régulièrement plus d’un million de personnes dans les rues depuis deux mois.
Même son de cloche du côté du ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester, qui indique que le report de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans «est le cœur de la réforme sur lequel, depuis le départ, il n’y a pas d’accord». «Les 64 ans sont dans le texte», a renchéri François Bayrou, le président du MoDem, «on ne peut pas changer de ligne à ce point. Mais il y a matière à discuter».
Si elles ont bien lieu, les retrouvailles entre gouvernement et syndicats mettront-elles seulement en scène un dialogue de sourds?