Le 19 novembre 2013, Fabienne Kabou prend le train à la Gare du Nord, à Paris, avec Adelaïde, 15 mois, et arrive "vers 16h00" à Berck-sur-Mer où elle demande à des passants de lui indiquer un hôtel "proche de la plage".
"Je trouve ça ridicule qu'un criminel s'adresse à autant de gens avant de commettre son acte. Quand on prémédite un crime, on ne souhaite pas qu'on remonte à l'assassin", analyse sans sourciller Fabienne Kabou, élégante femme de 39 ans aux traits fins, se moquant d'elle-même.
Dans la soirée, après avoir "joué avec Ada", lui avoir "donné le sein", elle rejoint la plage quand la fillette s'est assoupie et la dépose sur le sable. Elle raconte sur un ton neutre : "Elle ne bouge pas, elle est silencieuse", alors "je m'enfuis, je rebrousse chemin en courant".
J'ai compris que la mer était sur ma fille à mes bottes enfoncées dans l'eau", se souvient-elle. Et de détailler : "Il faisait tellement noir, la lune était comme un projecteur, comme un appel de phare".
Elle décrit "une belle machine", "qui se passe bien jusqu'à la fin, le bus, le train, les gens charmants". "Je fais tout ça parfaitement machinalement, c'est comme si une partie de moi était anesthésiée".
Le lendemain du crime, elle rentre à Saint-Mandé, en région parisienne, "avec l'attitude de quelqu'un qui est allé faire les courses" et ne quitte pas son domicile jusqu'à son interpellation dix jours plus tard par la police qui a remonté sa trace grâce "aux petits cailloux qu'elle a semés".
“On ne peut même pas en rire”
"Qu'est-ce qui aurait pu expliquer que je commette cet acte? Je suis toujours à la recherche d'une explication rationnelle d'un geste qui ne l'est pas", poursuit-elle, faisant les questions et les réponses. Alors "par défaut", parce que "quelque chose s'est réalisé à mon insu, je me tourne vers des explications irrationnelles", analyse Fabienne Kabou.
Lundi, au premier jour du procès, elle avait affirmé n'avoir "pas d'autres explications que la sorcellerie" à son geste. "Je ne veux pas tuer cet enfant, mais c'est bien de mes mains qu'elle est morte. Je suis contrainte au moment où je le fais", insiste-t-elle.
Mais ses explications mystiques semblent agacer l'avocat général, Luc Frémiot: "Comment osez-vous dire que vous n'avez pas voulu tuer cette gamine alors que, depuis le début, vous niez son existence ?" lance-t-il.
Il enchaîne: "Depuis le départ, vous mettez cet enfant au danger, en ne la déclarant pas, en la cachant à tout le monde, en accouchant seule, sans aucun suivi médical".
"Si je ne voulais pas d'Ada, je ne l'aurais pas portée neuf mois. Je ne l'aurais pas élevée quinze mois. Je ne l'aurais pas aimée", répond-elle, en sanglotant. Elle était "émerveillée de la voir courir, de l'entendre dire "maman", de la voir montrer le chocolat noir parce qu'elle adore ça".
Lundi, les proches de Fabienne Kabou ont tous affirmé avoir jusqu'au drame ignoré l'existence de cette fillette. Alors finalement, "si le corps (découvert par un pêcheur de crevettes, ndlr) avait été emporté par la marée, comme vous le pensiez, personne n'aurait jamais su qu'une vie était partie ?", questionne l'un des avocats des parties civiles, Me Jean-Christophe Boyer.
"C'est la première fois que les choses m'apparaissent de cette façon...", lui répond l'accusée simplement. "Je ne comprends pas ce qui m'est arrivé. Je ne me reconnais pas dans mon geste, stupide, grotesque...", insiste-t-elle encore, avant d'ajouter, devant une salle ébahie : "On ne pourrait même pas en rire, c'est terrible".