Comme il s'y était engagé devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre dernier après les attentats de Paris, François Hollande a décidé d'inscrire dans son projet de révision constitutionnelle la déchéance de nationalité pour acte de terrorisme.
Cette disposition permettra ainsi d'étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français et non plus seulement aux binationaux par acquisition.
Jusqu’alors, la déchéance de la nationalité pouvait être prononcée à l’encontre de personnes naturalisées, ayant conservé leur ancienne nationalité, mais pas pour les Français de naissance. Désormais, elle touchera les personnes nées d’un ou deux parents étrangers et ayant conservé leur nationalité étrangère.
A droite et à l'extrême droite, cette prise de position est saluée mais du côté de la majorité présidentielle, l’annonce passe très mal. Cette déchéance ne concernera que très peu d'individus et ne sera pas d'une grande efficacité face notamment à des terroristes kamikazes, estime-t-on à gauche.
Malgré l'opposition d'une partie des socialistes, le chef de l'Etat compte aller jusqu'au bout de sa promesse, quitte à désavouer sa garde des Sceaux Christiane Taubira, farouchement opposée à cette disposition. Mais elle n'est pas seule.
"La déchéance de nationalité est contraire aux fondements de la République et n'a aucune efficacité contre le terrorisme. Pourquoi alors?" s'est inquiété dans un tweet l'ancien minister Arnaud Montebourg.
Certains, comme le depute PS "frondeur" Pascal Cherki, ont d'ores et déjà annoncé leur intention de voter contre. Même intention chez l'ex-ministre EELV Cécile Duflot, selon qui "à force de vouloir couper l'herbe sous le pied du FN, on risque d'appliquer son programme".
"Voter contre s'impose. J'appelle toutes les consciences républicaines à se réveiller et à refuser cette pente glissante. Il faut savoir poser des bornes infranchissables", déclare-t-elle dans Libération. François Hollande réussira-t-il son pari de réunir une majorité des trois cinquièmes au Congrès (577 députés et 348 sénateurs réunis à Versailles), en gagnant l'appui de la droite quitte à perdre des voix dans son camp?
Silence radio chez les ténors de droite
"J'espère que François Hollande ne trouvera pas la majorité des 3/5, sinon il doit se présenter à la primaire de la droite. Il est le parfait président de la droite", a critiqué sur Europe-1 l'ancien leader écologiste Daniel Cohn-Bendit, dénonçant "une erreur morale, une faute terrible".
Le gouvernement s'employait jeudi à déminer, avant l'arrivée du texte à l'Assemblée le 3 février. "Il y a beaucoup d'émotion autour de tout cela, un peu de surprise, beaucoup de confusion aussi. Donc il va falloir que les choses redescendent et que nous traitions au fond de ce sujet, c'est le travail des parlementaires", a souligné Jean-Marie Le Guen, le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement sur BFMTV/RMC.
Le Figaro, seul satisfaitLa presse, en dehors du Figaro satisfait, se montrait elle aussi sévère à l'encontre de François Hollande: "débat malsain" (Libération); idéaux piétinés "d'une gauche qui n'en finit pas de manger son chapeau" (DNA) et d'un président qui ajoute "au doute ambiant sur la capacité du gouvernement à mener les affaires de manière sereine, sérieuse et à l'unisson" (Journal de la Haute-Marne).
Le chef de l'Etat a surtout tenu à ne pas se dédire de son annonce faite devant le Congrès le 16 novembre, trois jours après les massacres de Paris, comme l'a rappelé Manuel Valls mercredi en présentant la réforme, dont le principal volet, l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution, est passé au second plan.
"Il aurait été absolument désastreux qu’après un engagement aussi solennel, qu’on en pense ce que l’on veut sur le fond, le président revienne sur sa parole", a reconnu le député Les Républicains Henri Guaino.
La droite, qui était déjà prête à tomber à bras raccourcis sur le président s'il avait à nouveau renoncé à une promesse, doit se contenter d'attaquer la ministre de la Justice Christiane Taubira, qui avait critiqué la mesure et annoncé à tort son abandon.
Le silence radio était de mise chez les ténors de la droitte: de Nicolas Sarkozy à Alain Juppé en passant par François Fillon, aucun n'avait encore réagi jeudi.
Quant au FN, qui estime avoir remporté "une bataille idéologique" sur la déchéance, ses quatre députés et sénateurs devraient voter pour.