Si dans une grande partie du monde musulman ce mois sacré du jeûne est signe de célébrations, avec de copieux repas en famille le soir, les Palestiniens de Gaza n’ont cette année pas le coeur à la fête.
«Ce ramadan n’a pas le goût d’un ramadan. Il a plutôt le goût du sang, de la misère, de la séparation et de l’oppression», lance Oum Mohammed Abou Matar, Palestinienne qui fait cuire des pains pitas dans un four de fortune au feu nourri par des bouts de carton glanés ici ou là.
«Nous ne ressentons pas la joie du ramadan, nous l’avons perdue parce que l’occupation nous a déplacés et a détruit nos maisons. Regardez les gens qui vivent dans des tentes (...) Nous souffrons beaucoup. Ce ramadan est très différent de ceux des années précédentes», renchérit Mohammad al-Masry, déplacé à Rafah, ville jouxtant la frontière égyptienne où s’entassent plus de la moitié des 2,4 millions de Gazaouis.
Sur place, à Rafah, des familles ont pu se réunir devant des plats de riz garnis d’un petit morceau de viande. Dans le nord du territoire, «plus de 2.000 employés des services de santé ne sont pas en mesure de trouver de quoi manger pour rompre le jeûne», a affirmé le ministère de la Santé du Hamas, qui a d’ailleurs fait état d’enfants morts de malnutrition et de déshydratation ces derniers jours.
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«Le temps presse» pour éviter la famine dans le nord de la bande de Gaza «en proie à une catastrophe humanitaire» faute d’aide alimentaire suffisante, a alerté la cheffe du Programme alimentaire mondial (PAM), Cindy McCain.
Le patron de l’ONU Antonio Guterres s’est dit «atterré que le conflit se poursuive à Gaza pendant le mois sacré» du ramadan. D’intenses pourparlers ces dernières semaines visaient à parvenir, avant cette échéance, à une trêve entre Israël et le Hamas assortie de libérations d’otages israéliens détenus à Gaza, de prisonniers palestiniens écroués en Israël et de l’afflux d’aide pour la population assiégée.
Aide par bateau
L’aide internationale, contrôlée par Israël, n’entre qu’au compte-gouttes dans la bande de Gaza dévastée, où les besoins sont de loin supérieurs à ceux d’avant la guerre, selon l’ONU.
Au cours des derniers jours, différents pays ont largué de l’aide au dessus de la bande de Gaza. Un navire de l’ONG espagnole Open Arms chargé de 200 tonnes de vivres a quitté mardi le port chypriote de Larnaca, à environ 370 kilomètres des côtes de Gaza, dans le cadre d’un couloir maritime que l’Union européenne et des pays comme les États-Unis et les Émirats arabes unis veulent mettre en place.
Le navire de l’ONG espagnole Open Arms, transportant 200 tonnes de vivres qui doivent être distribuées à Gaza par l’organisation du chef hispano-américain José Andrés, World Central Kitchen, «est parti» vers 06H50 GMT, a déclaré Laura Lanuza, porte-parole d’Open Arms.
Un navire militaire américain a parallèlement quitté samedi les États-Unis avec le matériel nécessaire à la construction d’une jetée pour débarquer les cargaisons d’aide, qui pourrait prendre jusqu’à 60 jours.
Mais l’envoi d’aide par mer et les parachutages par plusieurs pays, devenus quotidiens ces derniers jours, ne peuvent se substituer à la voie terrestre, martèle l’ONU.
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Cette guerre a été déclenchée par une attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre qui a fait quelque 1.160 morts, essentiellement civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des chiffres officiels.
En représailles, Israël a juré «d’anéanir» le Hamas, mouvement islamiste au pouvoir depuis 2007 dans la bande de Gaza, et lancé une vasté opération qui a fait 31.112 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.
«Nous les aurons tous»
Lundi, l’armée a annoncé une frappe aérienne dans la nuit de samedi à dimanche contre le N°2 de la branche armée du Hamas, Marwan Issa, dans le centre de la bande de Gaza, sans pouvoir dire s’il avait été tué.
«Nous les aurons tous», a lancé le Premier ministre Benjamin Netanyahu en parlant des autres chefs du mouvement palestinien considéré comme une organisation terroriste par Israël, l’UE et des États-Unis.
Le président américain Joe Biden, de plus en plus frustré par son allié israélien, et critiqué dans les rangs de ses électeurs démocrates pour son soutien jusque-là indéfectible à la politique menée par Israël, a eu des mots inhabituellement durs ce weekend pour M. Netanyahu disant qu’il «fait plus de mal que de bien à Israël».
«Nous sommes en accord sur les objectifs principaux, mais nous avons des désaccords sur les moyens de parvenir à ces objetifs», a déclaré lundi M. Netanyahu à la chaîne américaine Fox, ajoutant que la perception d’un désaccord entre Israël et les États-Unis «n’aidait pas» l’État hébreu dans sa guerre contre le Hamas.
Si M. Netanyahu répète que l’armée israélienne est sur la voie d’une «victoire totale», le bureau qui coordonne l’ensemble des agences américaines de renseignement (ODNI) a suggéré dans un rapport rendu public lundi que «Israël sera probablement confronté pendant les années à venir à une résistance armée du Hamas» tout en soulignant les risques d’escalade régionale impliquant notamment le Hezbollah libanais.
Dans la nuit, des frappes aériennes israéliennes ont ciblé le secteur de Baalbek, bastion du Hezbollah dans l’est du Liban, à une centaine de kilomètres de la frontière, deuxième raid israélien dans cette région depuis le début des échanges de tirs transfrontaliers provoqués par la guerre à Gaza.