«La réalité, en ce moment, c’est que le seul obstacle entre le peuple de Gaza et un cessez-le-feu, c’est le Hamas», a affirmé vendredi soir le secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui avait déjà qualifié d’«extraordinairement généreux» le projet de trêve proposé par Israël.
Dans un communiqué publié tard vendredi, le mouvement islamiste palestinien a dit être dans un «esprit positif».
«À la lumière des récents contacts avec les frères médiateurs en Égypte et au Qatar, la délégation du Hamas se rendra au Caire samedi pour achever les discussions», a-t-il ajouté.
Au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, le Hamas est toutefois «déterminé» à obtenir «un arrêt total de l’agression» israélienne, «le retrait» des forces israéliennes et «un arrangement sérieux pour l’échange» d’otages israéliens contre des prisonniers palestiniens.
Un haut responsable du Hamas a confirmé à l’AFP que la délégation arrivera en matinée au Caire et sera menée par Khalil al-Hayya, N.2 de la branche politique du mouvement dans la bande de Gaza.
Et selon le site Axios, le chef de la CIA, William Burns, est déjà arrivé vendredi soir dans la capitale égyptienne, signe que l’heure des décisions clés a sonné après des mois de tractations.
Les médiateurs - Égypte, Qatar et États-Unis - attendent depuis près d’une semaine la réponse du Hamas à une nouvelle offre de trêve soumise fin avril.
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La délégation du mouvement islamiste avait alors annoncé quitter Le Caire, lieu des derniers pourparlers, pour se rendre au Qatar afin d’étudier cette offre de trêve tout en promettant de retourner en Égypte pour transmettre sa réponse.
Trêve ou Rafah ?
L’offre comprend une pause de l’offensive israélienne et la libération de prisonniers palestiniens contre celle d’otages enlevés lors de l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël, qui a déclenché la guerre.
Or le Hamas insiste sur un cessez-le-feu définitif, ce que refuse Israël qui insiste pour mener une offensive terrestre sur le secteur de Rafah (sud), dernier grand bastion du mouvement islamiste où s’entassent plus d’un million de Palestiniens, en majorité des déplacés par les violences.
«Nous ferons ce qui est nécessaire pour gagner et vaincre notre ennemi, y compris à Rafah», a répété cette semaine le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en réaffirmant son intention de lancer cette offensive «avec ou sans accord» de trêve.
Mais pour Hossam Badran, membre du bureau politique du Hamas, les déclarations de Netanyahu sur un assaut à Rafah «visent clairement à faire échouer toute possibilité d’accord».
Dans la nuit de vendredi à samedi, des sources hospitalières ont fait état de frappes israéliennes à Rafah, mais aussi dans la ville voisine de Khan Younès, détruite après une opération terrestre israélienne et d’intenses combats avec le Hamas.
Bain de sang
Selon le Wall Street Journal, qui cite des sources égyptiennes, Israël donnerait encore une semaine aux pourparlers en vue d’une trêve, sans quoi son armée lancera son offensive promise depuis des semaines sur le secteur de Rafah, situé à la lisière de l’Égypte.
Les États-Unis, grand allié d’Israël, ont manifesté à plusieurs reprises leur opposition à cette attaque.
Selon Blinken, Israël n’a présenté aucun plan pour protéger les civils de Rafah. «En l’absence d’un tel plan, nous ne pouvons pas soutenir une opération militaire d’envergure à Rafah, car les dommages qu’elle causerait seraient au-delà de ce qui est acceptable», a-t-il averti.
«Une opération militaire à grande échelle à Rafah pourrait conduire à un bain de sang», a prévenu lui aussi vendredi Tedros Adhanom Ghebreyesus le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui prépare un plan d’urgence pour «faire face à une augmentation des blessés et des morts» en cas d’opération à Rafah.
«Ce plan d’urgence n’est qu’un pansement», a déclaré Rik Peeperkorn, le représentant de l’OMS dans les territoires palestiniens. «Le système de santé en difficulté ne sera pas en mesure de résister à l’ampleur potentielle de la dévastation que l’incursion causerait», a-t-il ajouté.
L’aide internationale, strictement contrôlée par Israël, arrive au compte-gouttes principalement d’Égypte via Rafah, et reste très insuffisante pour répondre aux besoins des quelque 2,4 millions de Gazaouis.
Face aux difficultés d’acheminement de l’aide par la route, des vivres sont parachutés par plusieurs pays sur Gaza. Les États-Unis construisent de leur côté un port artificiel au large de Gaza et une jetée afin de faciliter l’acheminement de l’aide par voie maritime.
Premier allié d’Israël, Washington s’oppose à une vaste opération sur Rafah qui causerait des dommages «au-delà de l’acceptable» a souligné Blinken qui avait dit plus tôt cette semaine ne pas avoir vu jusqu’à présent de plan israélien pour protéger les civils sur place.
Ces enfants dormaient
Une opération à l’heure actuelle interviendrait dans un contexte déjà tendu aux États-Unis avec la multiplication des manifestations contre la conduite de la guerre à Gaza sur les campus.
Et 88 parlementaires dans les rangs des démocrates américains ont exhorté vendredi le président Joe Biden à envisager d’interrompre ses ventes d’armes à Israël si le gouvernement israélien ne change pas sa conduite de la guerre contre le Hamas.
Cette guerre Israël-Hamas a débuté le 7 octobre par une attaque de commandos du mouvement islamiste dans le Sud israélien qui a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
Durant l’attaque, plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 35 sont mortes, selon l’armée.
En représailles, Israël a lancé une offensive de grande envergure à Gaza qui a fait jusqu’à présent 34.622 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Vendredi, dans un quartier de Rafah, plusieurs corps dont ceux d’enfants ont été retrouvés sous les décombres de la maison de la famille Chahine touchée par une frappe israélienne avant l’aube.
Sur place, Sanaa Zourob, une Palestinienne qui a perdu sa sœur et six de ses neveux et nièces dans ce bombardement n’en pouvait plus de cette guerre. «Quelle est leur faute à ces enfants? Qu’ont-ils fait pour que leur immeuble soit bombardé? Ces enfants dormaient!».