Peu après minuit jeudi, une équipe de l’AFP a fait état de nombreux tirs d’artillerie à Rafah, près de la frontière égyptienne. L’armée israélienne a annoncé des frappes contre des «positions du Hamas» dans le centre du territoire palestinien ravagé par sept mois de guerre.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu menace de lancer une offensive terrestre contre la ville de Rafah, où se cachent selon Israël les derniers bataillons du Hamas mais où s’entassent aussi 1,4 million de Palestiniens, en majorité déplacés par la guerre.
À Washington, le président Joe Biden a reconnu, dans un entretien à CNN, que «des civils ont été tués à Gaza à cause» de bombes américaines, et a posé pour la première fois des conditions à l’aide militaire à Israël.
«S’ils entrent à Rafah, je ne leur livrerai pas les armes qui ont toujours été utilisées (...) contre des villes», a déclaré Joe Biden alors que l’armée israélienne a dit préparer une offensive «limitée» à Rafah, faisant craindre à l’ONU un «bain de sang».
Un haut responsable américain a confirmé sous couvert d’anonymat la suspension la semaine dernière d’un transfert vers Israël «de 1.800 bombes de 2.000 livres (907 kg) et de 1.700 bombes de 500 livres (226 kg)», utilisées pendant la guerre.
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Plus tôt cette semaine, l’armée israélienne a déployé des chars dans Rafah et pris le contrôle du passage frontalier avec l’Égypte, coupant la principale porte d’entrée pour les convois d’aide humanitaire vers le territoire palestinien assiégé.
L’autre point de passage proche de Rafah, celui israélien de Kerem Shalom, qui avait été fermé dimanche après des tirs revendiqués par le Hamas, a été visé mercredi par des tirs de roquettes peu après sa réouverture, a annoncé l’armée.
Tirs «ininterrompus»
Les soldats israéliens ont poursuivi mercredi leurs «opérations ciblées du côté gazaoui du point de passage, dans l’est de Rafah, sur la base d’informations faisant état de militants opérant dans le secteur».
«Il y a des tirs d’artillerie israéliens ininterrompus et aveugles sur l’est et le centre de Rafah, qui ont fait de nombreux tués et blessés et visent les étages supérieurs d’immeubles d’habitation», a déclaré à l’AFP Ahmed Radwan, un responsable de la Défense civile à Gaza.
«Nous avons très peur. L’armée d’occupation continue de tirer à l’aveugle des obus sur des quartiers de l’est de Rafah, en plus d’une intensification des frappes aériennes», a raconté à l’AFP un habitant de la ville, Mouhanad Ahmad Qishta. «Même les zones présentées comme sûres par l’armée israélienne sont bombardées», a-t-il ajouté.
La fermeture des points de passage et les opérations militaires à Rafah font craindre une aggravation de la crise humanitaire sur place.
Il ne restait mercredi que «trois jours de carburant» aux hôpitaux du sud de Gaza, «ce qui signifie qu’ils pourraient bientôt cesser de fonctionner», a averti le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Un médecin urgentiste britannique, James Smith, en mission dans le sud de Gaza, a décrit une situation sanitaire «catastrophique» et une odeur d’eaux usées «omniprésente» dans les hôpitaux dont plusieurs ont été ravagés par les combats et les frappes.
Cette guerre a éclaté le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont mené une attaque contre Israël, sans précédent dans l’histoire de ce pays, qui a fait plus de 1.170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l’armée.
En riposte, l’armée israélienne a lancé une offensive dans la bande de Gaza qui a fait jusqu’à présent 34.844 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas.
«Convergence» de vues
Au Caire, les négociations indirectes entre Israël et le Hamas, via des pays médiateurs (Qatar, Égypte et États-Unis), ont repris mercredi matin pour tenter de parvenir à un compromis sur une trêve et éviter un assaut à Rafah.
Elles se poursuivaient encore mercredi dans la soirée, selon le média Al-Qahera News, proche du renseignement égyptien, qui a fait état d’une «convergence» de vues sur certains points.
À Jérusalem, Benjamin Netanyahu a rencontré mercredi le directeur de la CIA, William Burns, pour discuter d’une possible «pause» dans les opérations militaires dans le sud de la bande de Gaza en échange de libérations d’otages, selon un responsable israélien.
Lundi, quelques heures avant le déploiement de troupes israéliennes à Rafah, le Hamas avait donné son feu vert à une proposition présentée par les médiateurs.
Celle-ci, selon un responsable du mouvement, Khalil al-Hayya, comprend une trêve en trois phases, chacune d’une durée de 42 jours, incluant un retrait israélien du territoire ainsi qu’un échange d’otages retenus à Gaza et de Palestiniens détenus par Israël, dans le but d’un «cessez-le-feu permanent».
Israël a répondu que cette proposition était «loin de ses exigences» et répété son opposition à un cessez-le-feu définitif tant que le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, ne serait pas vaincu.
Benjamin Netanyahu a dit avoir donné pour consigne à sa délégation au Caire de «continuer à se montrer ferme sur les conditions nécessaires à la libération» des otages et «essentielles» à la sécurité d’Israël.
«Israël ne souhaite pas sérieusement un accord», a rétorqué dans la nuit Izzat al-Rishq, membre du bureau politique du Hamas, accusant Benjamin Netanyahu de «vouloir faire porter» la responsabilité d’un échec des négociations au Hamas pour ainsi «envahir» Gaza.