L’ex-ministre de la Défense qui succède à Joko Widodo, surnommé «Jokowi», au pouvoir depuis 2014, l’avait très largement emporté dès le premier tour de l’élection présidentielle en février dernier face à deux autres candidats, malgré des accusations d’atteintes aux droits humains sous l’ère Suharto.
«Je jure que je remplirai les fonctions de président de la République d’Indonésie le mieux possible et le plus équitablement possible, que je respecterai la Constitution et que j’appliquerai toutes les lois et réglementations aussi strictement que possible», a déclaré Prabowo devant la réprésentation nationale.
Après sa prestation de serment, le nouveau chef de l’Etat doit se rendre au palais présidentiel Merdeka où Joko Widodo lui remettra les rênes après une décennie au pouvoir.
En matière de politique étrangère, Prabowo s’est engagé à s’inscrire dans la stratégie des non-alignés chère à l’Indonésie, tout en promettant d’être plus audacieux.
Soutenu par Jokowi
Après une première visite en Chine à la suite de son élection, il s’est rendu en Russie, en Arabie saoudite et en Australie où il signé un nouvel accord de sécurité.
L’ex-militaire hérite de la plus grande économie d’Asie du Sud-Est et des plus grandes réserves mondiales de nickel. Il prend la tête d’un pays de 280 millions d’habitants dont environ la moitié a moins de 30 ans.
Pour assurer son élection à sa troisième tentative, ses détracteurs lui reprochent d’avoir bénéficié d’un fort soutien de Jokowi, accusé d’avoir mis les ressources de l’Etat au service du candidat et de son colistier Gibran, qui n’est autre que le fils aîné du président sortant, âgé de 37 ans.
La sécurité a été renforcée à Jakarta pour la cérémonie d’investiture avec environ 100.000 policiers et militaires mobilisés. La circulation est restreinte dans le centre de la capitale alors que Prabowo doit parader entre le Parlement et le palais présidentiel.
Des dizaines de milliers d’Indonésiens étaient attendus le long du parcours pour saluer le huitième dirigeant du pays devenu indépendant en 1945, après des siècles de domination néerlandaise.
Lire aussi : Exportations: les myrtilles marocaines confirment leur succès en Asie du Sud-Est
Plusieurs dirigeants ou responsables étrangers ont assisté à la cérémonie d’investiture, dont le ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy et le vice-président chinois Han Zheng.
«Grand-père sympa»
Des ONG et d’anciens chefs militaires accusent Prabowo, alors à la tête d’une unité de forces spéciales, d’avoir ordonné l’enlèvement de militants pro-démocratie sous le régime du dictateur Suharto, à la fin des années 1990.
Selon la Commission des disparus et des victimes de violences (Kontras), 23 militants ont été enlevés entre 1997 et 1998.
Neuf ont été retrouvés vivants, un a été retrouvé mort et 13 sont toujours portés disparus.
Démis de ses fonctions militaires en 1998 en raison de ces disparitions, Prabowo a toujours rejeté ces accusations et n’a jamais été inculpé.
Longtemps privé de visa par les États-Unis et par l’Australie pour ces allégations de violation des droits humains, il a connu un retour en grâce en tant que ministre de la Défense et a effectué de nombreuses visites à l’étranger dans ces fonctions, y compris à Washington et Canberra.
Durant la campagne électorale, son équipe a remodelé son image pour en faire un «grand-père sympa», grâce notamment à une très forte présence sur les réseaux sociaux.
La décision de choisir Gibran comme colistier pour la vice-présidence s’est également révélée populaire, mais a aussi suscité la controverse. Il a en effet fallu une modification de la loi électorale par une commission présidée par le propre beau-frère de Jokowi pour abaisser l’âge des candidats et permettre ainsi à Gibran de se présenter.
Si Jokowi laisse un pays qui connaît une croissance stable autour de 5%, Prabowo se veut encore plus ambitieux avec un objectif élevé de 8% de croissance.
Portrait du président
L’ex-général Prabowo Subianto, au passé militaire controversé sous l’ère Suharto, est devenu dimanche à sa troisième tentative le huitième président de l’Indonésie, dans la continuité de son successeur mais avec de plus grandes ambitions pour son pays.
«À 18 ans, j’ai fait un vœu: j’étais prêt à mourir pour le peuple et la nation. Je n’ai pas renoncé à ce vœu. Je suis prêt si Dieu m’appelle», avait-il déclaré lors d’un rassemblement électoral avant les élections, évoquant son engagement militaire.
S’appuyant sur une confortable fortune et le choix stratégique du jeune fils de Jokowi comme colistier, Prabowo Subianto a finalement accédé à la magistrature suprême après 15 ans passés à chercher à accéder au pouvoir. Dès 2009, il avait été candidat à la vice-présidence au côté de l’ex-présidente Megawati Sukarnoputri, finalement battue.
Mais son arrivée à la présidence ne manque pas d’inquiéter certains groupes de défense des droits humains qui rappellent son passé controversé et redoutent une possible remise en cause des avancées démocratiques.
Mais grâce notamment à une large campagne sur les réseaux sociaux, l’homme a adouci son image auprès des jeunes Indonésiens, la moitié des électeurs, qui ignorent souvent les accusations portées contre lui et apprécient sa promesse de poursuivre la politique du très populaire Jokowi, selon les analystes.
«Nous nous battrons pour apporter la prospérité à tous les Indonésiens. Nous poursuivrons ce qui a déjà été construit par les présidents précédents», a déclaré Prabowo dans son dernier discours de campagne.
Retour en grâce
Né en 1951 au sein d’une famille aisée, Prabowo Subianto est le fils de Sumitro Djojohadikusumo, plusieurs fois ministre à la fois sous Sukarno, le père de l’indépendance, dans les années 1950, puis sous son successeur Suharto.
Alors que son père, impliqué dans un mouvement séparatiste, avait choisi l’exil, Prabowo Subianto a vécu enfant à l’étranger, à Singapour, en Suisse, ainsi qu’en Angleterre. A son retour en Indonésie, il a embrassé la carrière militaire en 1970.
Marié en 1983 à Siti Hediati Hariyadi, l’une des filles de Suharto, il a ensuite divorcé. Leur fils, Didit Hediprasetyo, créateur de mode, partage son temps entre Paris et Jakarta.
Entre 1997 et 1998, lorsque des enlèvements de militants ont eu lieu, Prabowo dirigeait la force militaire d’élite connue sous le nom de Kopassus, utilisée par Jakarta pour des opérations spéciales visant à apaiser les troubles internes.
Plus d’une dizaine de militants sont toujours portés disparus ou présumés morts et des témoins accusent également l’unité militaire de Prabowo d’avoir commis des atrocités au Timor oriental occupé alors par l’Indonésie.
L’ex-général a toujours rejeté ces accusations et n’a jamais été inculpé.
Démis de ses fonctions militaires en 1998, il s’était exilé en Jordanie avant de revenir plusieurs années plus tard pour se lancer dans les affaires, dans la pâte à papier, l’huile de palme ou encore l’énergie.
Longtemps privé de visa par les Etats-Unis et par l’Australie pour des allégations de violation des droits humains, il a connu un retour en grâce en tant que ministre de la Défense et a effectué de nombreuses visites à l’étranger dans l’exercice de ces fonctions, y compris à Washington et Canberra.