Le communiqué émis à cette occasion restera sans doute dans les annales. L’agence officielle de presse algérienne, l'APS, a consacré une dépêche à un adjudant-chef.
Beaucoup de très hauts gradés de l’armée algérienne, des officiers supérieurs ainsi que des généraux de l'Armée nationale populaire, qui ont été arrêtés et emprisonnés, n’ont pas eu les honneurs de faire l'objet d’une dépêche officielle.
Pour prendre la pleine mesure de l’importance que revêt la personne de ce sous-officier, du nom de Guermit Bounouira, il faut savoir que c’est le président algérien, Abdelmadjid Tebboune lui-même qui s’est impliqué dans son arrestation: «sur ordre du président de la République, chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, et en coordination entre nos services de sécurité et les services de sécurité turcs, l’adjudant-chef à la retraite Guermit Bounouira, qui avait fui le pays, a été remis jeudi aux autorités. Il comparaîtra devant le juge d'instruction militaire lundi», explique la dépêche de l’APS, datée d'hier, lundi 2 août 2020.
Le chef de l’Etat s'est lui-même mobilisé pour l’arrestation d’un sous-officier.
Selon des médias officiels, il aurait fallu que Abdelmadjid Tebboune appelle personnellement le président turc Recep Tayyip Erdogan pour que celui-ci accepte de remettre aux autorités algériennes Guermit Bounouira, qui se trouvait en Turquie.
Ce lundi, les médias algériens saluent la fermeté du président Abdelmadjid Tebboune, qui aurait expliqué à son homologue turc que cette affaire est un «casus belli et un acte hostile contre les intérêts fondamentaux de l’Algérie».
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En réalité, Recep Tayyip Erdogan n’avait rien à perdre, mais tout à gagner, en accédant à la requête de Abdelmadjid Tebboune.
Rien à perdre, parce que les services turcs ont eu tout le temps, sur plusieurs mois, d'obtenir toutes les informations stratégiques de la part de Guermit Bounouira. Ils ont rendu à l’Algérie une "boîte noire" après avoir pris possession de son contenu.
Mais d'un autre côté, Recep Tayyip Erdogan a aussi eu tout à gagner, parce qu’en acceptant cette extradition, il sait pertinemment qu’il la monnayera au prix fort. D’abord en neutralisant toute opposition, vivement marquée, de la part de l'Algérie à la présence de l’armée turque en Lybie.
Ensuite, en ouvrant la voie aux entreprises turques pour qu'elles s’emparent des juteux marchés publics algériens. Et tout cela, sans parler de la nostalgie qu'entretient Recep Tayyip Erdogan pour les anciennes colonies de l’empire ottoman, qui a administré, de 1512 à 1830, les principales villes du littoral algérien.
Erdogan, qui met beaucoup d’énergie à rendre exsangue le traité de Sèvres, lequel avait dépecé l’empire ottoman au lendemain de la Première Guerre mondiale, pourra s’enorgueillir de l’aura et la toute-puissance de la culture et de l’économie turques en Algérie.
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Qui est Guermit Bounouira?Bounouira Guermit est le secrétaire particulier de l’ancien chef d’état-major de l'Armée nationale populaire, feu Ahmed Gaïd Salah. A ce titre, il avait eu accès à l'ensemble des dossiers de l'ancien tout-puissant vice-ministre de la Défense, et on le crédite d'avoir eu une influence considérable sur Gaïd Salah. Tout cela, faisait de cet adjudant-chef un homme à la fois craint et adulé par les généraux algériens.
Pour mesurer encore un peu toute l’importance que revêt ce sous-officier, il suffit de rappeler qu’il a fui l’Algérie, le 5 mars 2020 en compagnie de son épouse et de ses deux enfants, grâce à la complicité du général Wassini Bouazza, ex-bras droit de Gaïd Salah et ex-patron des services secrets algériens, ainsi qu'avec l'aide du général Abdelkader Lachkhem, l’ancien patron des transmissions.
Deux très hauts gradés se sont donc mis au service d’un sous-officier, en vue de l’exfiltrer d’Algérie. Dans ses bagages, Guermit Bounouira a emporté les dossiers classés secret défense de l’Etat algérien, qui étaient conservés dans le coffre-fort de Gaïd Salah. D’où, par conséquent, tout l’émoi qu'avait provoqué sa fuite. On l’a d’abord donné ayant établi ses quartiers aux Emirats Arabes Unis, avant que la piste turque n’émerge et ne se confirme finalement par son extradition, annoncée hier comme un exploit par l’APS.
Ce coup de maître, supposé avoir été réalisé par les services secrets algériens, n’est en fait qu'une annonce déjà éventée. C’est un soldat qui a déjà livré tous ses secrets que les Turcs viennent de rendre aux Algériens.
On ose à peine imaginer les sévices auxquels les services algériens s'apprêtent à soumettre l’adjudant-chef Guermit Bounouira à la seule fin de savoir quels sont exactement les documents et les informations qu'il a pu remettre à une, ou plusieurs, puissances étrangères. La liste est probablement très, très longue.