Le général Nezzar impliqué dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité par le ministère public suisse

Le général algérien à la retraite, Khaled Nezzar.

Le général algérien à la retraite, Khaled Nezzar. . DR

C’est une séquence effrayante qui s’ouvre pour la junte algérienne. L’ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar, a été auditionné entre le 2 et 4 février par le le ministère public de la Confédération suisse, qui a retenu contre lui les charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La junte algérienne est groggy.

Le 09/02/2022 à 16h55

«Il s’agit d’un pas de géant dans la lutte contre l’impunité». C’est en ces termes que Trial International, une organisation suisse non-gouvernementale, à l’origine de la procédure contre le général Khaled Nezzar, salue la décision du Ministère public de la Confédération suisse (MPC). Cette organisation précise que le général Khaled Nezzar a été auditionné entre le 2 et 4 février par le MPC, qui «retient que de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité ont été commis alors que M. Nezzar dirigeait la junte militaire et officiait comme Ministre de la Défense au début de la guerre civile algérienne».

Et Trial International de poursuivre que la fin de la procédure «ouvre la voie à un prochain renvoi en jugement de M. Nezzar devant le Tribunal pénal fédéral (TPF) pour des faits gravissimes constitutifs de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, notamment des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et des disparations forcées».

«Le MPC reproche en effet à Khaled Nezzar d’avoir participé comme complice à la commission de multiples crimes de guerre (meurtres, torture, de traitements inhumains, détentions illégales) ainsi qu’à des assassinats dans le contexte d’une attaque systématique et généralisée contre la population civile entre janvier 1992 et janvier 1994, alors qu’il était l’homme fort du Haut Conseil d’Etat et officiait comme Ministre de la Défense. Une décision formelle du MPC renvoyant l’intéressé en jugement devant le TPF pourrait très prochainement être rendue», précise l’organisation suisse.

A l’origine de cette procédure contre Khaled Nezzar, une plainte déposée par Trial International en 2011. Onze ans plus tard, cette plainte a abouti au renvoi en jugement de Khaled Nezzar, 85 ans, pour ces faits gravissimes.

Après la décision du MPC, c’est l’effroi au sein de la junte algérienne, dont de nombreux hommes aux commandes sont impliqués dans les crimes commis durant la décennie noire. Le site de propagande du général Nezzar a rendu public un communiqué des avocats de l’ancien ministre de la Défense qui précisent qu’ «il est reproché au général Khaled Nezzar d’avoir, entre le 14 janvier 1992 et le 31 janvier 1994, contribué, désormais en tant que complice et non en tant qu’auteur, à des exactions qualifiées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité». Les avocats de Nezzar ont précisé que leur client a contesté les accusations et a pu «quitter libre les locaux du ministère public de la Confédération, malgré la demande des parties plaignantes qu’il soit incarcéré».

Trial International regrette que Nezzar ait pu quitter les locaux du MPC sans être incarcéré au regard de l’extrême gravité des charges retenues contre lui. L’organisation précise qu’elle «s’inquiète de ce que la détention de l’ancien homme fort d’Alger n’ait pas été ordonnée, le risque de fuite, de collusion et de pression sur les témoins et victimes paraissant important».

Les intimidations en direction des victimes de Nezzar ont déjà commencé. L’un des porte-voix de la junte, un youtubeur actif depuis le Royaume-Uni, Said Bensedira, a consacré une vidéo pour sommer l’un des témoins clefs dans le dossier, Seddik Daâdi, de retirer sa plainte. Il lui a promis, contre ce retrait, le fait que la junte algérienne lui déroulerait le tapis rouge.

L’implication de Khaled Nezzar dans des crimes de guerre et crimes contre l’humanité ouvre la voie à des poursuites contre d’autres généraux de l’armée algérienne qui sévissaient dans la décennie noire. Nombre de ces généraux ont été rappelés aux commandes après le décès de l’ancien chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah. Ces hommes fort qui travaillaient, sous les ordres de Nezzar et Mohamed Médiène, dit Toufiq, occupent des postes stratégiques aujourd’hui dans les renseignements algériens. En plus de Nezzar et de Toufiq, Nasr El Jenne, Djebbar Mhenna, Houcine Boulahya et le général Hassan sont tous impliqués dans de graves crimes commis pendant la décennie noire.

L’actuel chef d’état-major de l’armée algérienne, Saïd Chengriha, est également impliqué dans des assassinats, au cours de cette même décennie noire, comme en a témoigné l’ancien officier parachutiste, Habib Souaidia, actuellement exilé en France, dans son livre publié en 2001: «La sale guerre. Le témoignage d'un ancien officier des forces spéciales de l'armée algérienne». Et c’est ce qui explique sans doute l’onde de choc qui a succédé à cette implication de Khaled Nezzar dans de multiples crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Par Wadie El Mouden
Le 09/02/2022 à 16h55