Dans la dernière ligne droite avant le jour J, les spécialistes avouent leur désarroi: les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, la famine au Soudan et le péril climatique dressent un tableau sinistre qui ne se prête guère aux conjectures sur un prix de la paix.
Des candidats, on ne connaît que le nombre: 286 cette année, soit 197 individus et 89 organisations. Leur identité, elle, est tenue secrète pendant 50 ans, à moins que leurs parrains ne choisissent de révéler le nom de leur poulain.
Collectif d’ONG pacifistes, le Conseil norvégien pour la paix a fait de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) son favori alors que le conflit dévastateur entre Israël et le Hamas, déclenché par les attaques perpétrées sur le sol israélien par le mouvement islamiste le 7 octobre 2023, menace d’embraser la région.
«Un prix de la paix pour l’Unrwa serait une reconnaissance appuyée de leur travail face à des situations politiques et économiques difficiles», estime le collectif.
L’Unrwa vient en aide à des millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans les pays voisins, mais une telle distinction ne manquerait pas d’ulcérer les autorités israéliennes qui l’accusent de connivence avec le Hamas.
L’agence onusienne pourrait éventuellement être récompensée conjointement avec son chef, l’Helvéto-italien Philippe Lazzarini.
Préserver l’ordre mondial
Une autre façon pour le comité Nobel d’aborder le Proche-Orient mais aussi l’offensive russe en Ukraine serait de distinguer la Cour internationale de Justice (CIJ) chargée de résoudre les litiges entre Etats par la voie juridique plutôt que sur les champs de bataille.
Plus haute juridiction de l’ONU, cette cour basée à La Haye a notamment ordonné à la Russie de suspendre son invasion de l’Ukraine et à Israël de suspendre ses opérations militaires à Rafah.
Des ordres restés sans effet sur le terrain mais qui accroissent la pression sur ces pays au regard du droit international.
«La CIJ a apporté des contributions importantes», relève Henrik Urdal, directeur de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo (Prio).
«Bien sûr, ce n’est pas une cour qui dispose de pouvoir ou d’une structure pour imposer ses décisions, mais elle s’appuie sur la communauté internationale pour assurer le suivi de ses jugements», dit-il.
Spécialiste du Nobel, l’historien Asle Sveen penche, lui, pour un prix au secrétaire général des Nations unies, le Portugais Antonio Guterres, éventuellement avec une des institutions dépendant de l’ONU.
«L’ONU a besoin de tout le soutien et de l’attention que l’organisation peut obtenir pour survivre face aux forces qui prônent que force fasse loi», souligne M. Sveen.
«Un prix de la paix à Antonio Guterres lui offrirait une occasion unique (...) de mettre en garde contre les dangers de marginaliser l’ONU et l’ordre mondial», fait-il valoir.
Faire l’impasse?
Parmi les autres Nobélisables sont évoqués la Cour pénale internationale (CPI), la campagne contre les robots tueurs, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme (BIDDH), l’initiative Sudan’s Emergency Response Rooms ou encore la militante afghane Mahbouba Seraj.
Selon Dan Smith, directeur de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), un signal fort du comité Nobel, dans le contexte actuel, serait de ne pas donner le prix.
«Peut-être est-il temps de dire: +oui, beaucoup de gens travaillent très dur, mais sans résultat et il faut que plus de personnes et de dirigeants mondiaux se réveillent et réalisent que nous sommes dans une situation extrêmement dangereuse+», a-t-il dit à l’AFP.
Mais cela serait vécu à Oslo comme un terrible constat d’échec, qu’il convient donc d’éviter.
«Je suis convaincu qu’il y aura encore une fois un candidat digne du prix de la paix cette année», a assuré le secrétaire du comité Nobel, Olav Njølstad.
La réponse tombera dans les murs de l’Institut Nobel d’Oslo vendredi à 11H000 (09H00 GMT).