Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France en Algérie, a rapporté à plusieurs reprises ce propos que lui avait tenu, en se rengorgeant, un ex-Premier ministre algérien -qui croupit d’ailleurs en prison aujourd’hui, comme beaucoup d’anciens dirigeants de la Mecque des concussionnaires: «Notre système est opaque.» Il s’en vantait, le bougre!
Mais le système mis en place par des généraux autoproclamés, anciens caporaux de l’armée française recyclés, n’est pas seulement opaque, il est également d’un narcissisme grotesque.
Ainsi El Moudjahid, la feuille de propagande des ganaches d’Alger, claironnait, ou plutôt klaxonnait en première page, vendredi 31 janvier dernier, ce titre triomphant: «Un mois de batailles et de gloires!»
Oh là! De quoi s’agissait-il? Du siège de Stalingrad? Du pont d’Arcole de Bonaparte? Des 7.000 hoplites grecs tenant tête aux cent mille soldats de l’armée perse de Xerxès? Non. Il s’agissait de quelque chose d’autrement plus formidable: la présidence par l’Algérie du Conseil de sécurité de l’ONU. Alger, maître du monde!
Soyons sérieux. En fait, il s’agissait d’une présidence toute protocolaire (la Chine vient de lui succéder pour un mois) et qui signifiait seulement que le dénommé Amar Bendjama, commis d’Alger qui est à la diplomatie ce que la grosse caisse est à la flûte à bec, était chargé de donner la parole à qui la demandait lors des réunions dudit Conseil. En somme, c’était un petit job banal de modérateur de débat.
«Le scribouillard d’El Moudjahid ajoute que l’exploit bendjamique a suscité “l’admiration de nombreux observateurs”. C’était sans doute des amateurs de grammaire, des amoureux de la syntaxe.»
Mais voici le plus cocasse: chaque fois qu’il devait laisser s’exprimer le représentant d’Israël, l’amer Bendjama avait imaginé une astuce «kolossale», cousue de câble blanc: il ne disait pas «Je donne la parole…», mais «La présidence du Conseil de sécurité donne la parole au représentant d’Israël».
D’un point de vue sémantique, les deux phrases signifient exactement la même chose. C’est bonnet blanc et blanc bonnet. Mais le plumitif d’El Moudjahid en a mouillé son pantalon de joie et d’admiration. Voici ce qu’il écrit, mot pour mot, en page 3 de son canard: «Cet échange, où même le silence trouve toute son éloquence, a été mené avec doigté et subtilité. Il constitue un véritable cas d’école en diplomatie, où l’Algérie a su démontrer son savoir-faire en restant attachée à sa position de ne pas reconnaître Israël comme État.»
En somme, «les batailles (livrées) et les gloires (récoltées)» par ledit Bendjama se sont résumées à ceci: il a remplacé le pronom personnel «Je» par le substantif «La Présidence». Quelle prouesse! Quel extraordinaire acte de bravoure! Quel inouï fait d’armes! On en reste baba (au rhum).
Le scribouillard d’El Moudjahid ajoute que l’exploit bendjamique a suscité «l’admiration de nombreux observateurs». C’était sans doute des amateurs de grammaire, des amoureux de la syntaxe.
On a les victoires qu’on peut. Surtout quand on peut peu.
Opaque et narcissique, ces deux adjectifs désignent par leurs initiales le ‘on’ collectif des caporaux. Il était donc normal qu’ils aient parachuté au sommet de leur État un ‘on’ en civil. Mais le ‘on’ en chef, le militaire, reste tapi dans l’ombre.
On n’a pas fini de rigoler.
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