Le 11 mars dernier, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU a décidé de désigner la diplomate américaine Stephanie Turco Williams en tant qu’émissaire onusienne en Libye par intérim. Elle remplace ainsi le Libanais Ghassan Salamé, qui venait de démissionner pour «raisons de santé», et dont elle était l’adjointe politique depuis 2018.
Contrairement à ce qui a été rapporté par certains journaux algériens, qui ont annoncé la nomination imminente de Ramtane Lamamra comme émissaire de l’ONU en Libye, Antonio Guterres a juste sondé séparément, et de façon informelle, les membres du Conseil de sécurité pour prendre leur avis sur le nom du futur successeur de Ghassan Salamé, en poste depuis 2017.
Certes, sur le papier, le background de Ramtane Lamamra avait de quoi le rendre éligible à ce poste: plusieurs fois ambassadeur de son pays depuis 1976, chargé de missions de paix en Afrique au nom de l’Union africaine puis de l’ONU, Commissaire de l’UA à la paix et la sécurité, ministre des Affaires étrangères de Bouteflika, Haut représentant de l’UA… Mais lors de toutes ces missions, il faut reconnaitre que la réussite a été rarement au rendez-vous pour le diplomate algérien. Hormis la recherche du prestige de la fonction, il risque de se casser à nouveau les dents sur une réalité géopolitique d’autant plus complexe, que la Libye était devenue depuis 2011, année de la chute du régime de Mouamar Kadhafi, l’objet de convoitises tant internes qu’entre puissances régionales, proches ou lointaines.
Lire aussi : Libye: Washington s'oppose à la nomination de l'Algérien Lamamra, selon la presse américaine
Pire, Lamamra avait vu d’un mauvais œil que le Maroc, bien que non frontalier avec la Libye, ait été le premier pays à jouer un rôle diplomatique déterminant en vue de mettre fin à la guerre civile dans ce pays. En effet, dès 2015, et après plusieurs mois de tractations et de négociations sous l’égide de l’ONU, les différentes factions libyennes sont parvenues à signer, à Skhirat, un accord historique qui préconise la formation d’un gouvernement d’union nationale et le partage du pouvoir, en plus d’être unanimement salué par la communauté internationale.
A sa manière, l’Algérie, qui avait à l’époque vainement tenté de détourner les négociations inter-libyennes et les domicilier chez elle, a aussi applaudi l’Accord de Skhirat. Alors ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, en signant le communiqué qui se félicite de cet accord, s’est montré peu diplomate en laissant libre cours à sa marocophobie. Il a ainsi sciemment omis de citer, dans ledit communiqué, le nom du pays parrain ainsi que ville où cet accord entre frères-ennemis libyens a été paraphé.
Aujourd’hui encore, et malgré la complexification de la crise libyenne par l’entrée en scène de puissances régionales rivales comme le Turquie, l’Egypte, la France, la Russie et les Emirats arabes unis, et malgré aussi l’intensification de la guerre civile entre les partisans d’Al-Serraj et ceux de Khalifa Haftar, l’Accord de Skhirat reste d’actualité.
Lire aussi : Recruté par Guterres, l’ex-MAE algérien, l’impénitent Ramtane Lamamra, ressert la soupe au Polisario
Aux yeux de l’ONU et de l’Union africaine, qui l’a d’ailleurs rappelé lors de son récent sommet tenu en février dernier à Addis-Abéba, le contenu de l’Accord de Skhirat est la base de tout règlement politique et pacifique de la crise libyenne. C’est dire que cet accord constitue la feuille de route pour le futur envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU en Libye, et qui ne sera pas Ramtane Lamamra.
En tout cas, les médias algériens s’accordent aujourd’hui à rapporter que le président américain aurait déjà brandi son veto contre la nomination de l’ancien chef de la diplomatie algérienne comme émissaire en Libye. Selon l’un de ces médias, «le complot ourdi par les Emiratis et leurs alliés égyptiens et marocains pour empêcher la désignation du diplomate algérien RamtaneLamamra en Libye se précise.»
Lire aussi : Pour la Russie, "l'accord de Skhirat est la seule base pour un règlement à long terme en Libye"
Il est quand même étonnant de relever que la source de la presse algérienne n’est autre qu’un article dithyrambique sur la candidature de l’Algérien au poste onusien vacant en Libye, paru dans les colonnes du média américain “The Hill“. Présentant Ramtane Lamamra comme un diplomate «bien considéré dans la région et dans le monde comme un pacificateur pratique, y compris dans les cercles diplomatiques américains pour avoir entretenu des liens positifs avec Washington». “The Hill“, qui est tantôt un quotidien, tantôt un hebdomadaire, tantôt paraissant uniquement sous forme digitale, ajoute que Lamamara a reçu le soutien de «14 membres du Conseil de sécurité», mais que c’est Donald Trump qui a exprimé à Guterres son opposition à cette nomination, même si la Libye n’est pas une préoccupation majeure pour Washington. C’est très probablement un article initié par l’un des cabinets de lobbying payés par Alger, dans l’espoir, vain, de repêcher le candidat Lamamra.