Un audit conduit par un cabinet international accable la Banque du Liban (BDL) et son ex-gouverneur Riad Salamé, poursuivi par la justice au Liban et en Europe, selon une copie obtenue vendredi par l’AFP. L’audit juricomptable, encore au stade préliminaire, a été mené par le cabinet Alvarez & Marsal. Il est l’une des conditions mises en avant par le Fonds monétaire international (FMI) avant le déblocage de toute aide internationale au Liban, pays en plein effondrement économique.
La position financière de la BDL «s’est rapidement détériorée» entre 2015 et 2020, selon le document. «Toutefois, cette détérioration n’a pas été signalée dans le bilan de la BDL présenté dans ses comptes annuels qui ont été préparés à l’aide de pratiques comptables non conventionnelles», ajoute le texte.
Ces pratiques ont notamment permis à la banque centrale «de surestimer les actifs, les capitaux propres et les bénéfices tout en sous-estimant les passifs et de clôturer chaque fin d’année avec les montants fixés par le gouverneur sans explication des montants retenus», selon le rapport préliminaire.
Dès 2016, M. Salamé, qui se défend de toutes malversations, s’est lancé dans des montages financiers comparés à une «pyramide de Ponzi». Le rapport critique «la concentration de l’autorité» exercée par l’ex-gouverneur, estimant que la «politique comptable de la BDL en matière de montages financiers était exceptionnelle par l’étendue du pouvoir discrétionnaire personnel et non vérifié accordé au gouverneur».
- « Défis » -
Alvarez & Marsal avait repris en octobre 2021 l’audit de la BDL, près d’un an après sa suspension faute d’avoir pu obtenir tous les documents requis. Le cabinet a souligné que la conduite de l’audit a dû faire face à «de nombreux défis», affirmant ne pas avoir été autorisé à se rendre sur le site de la BDL, ni à mener des entretiens avec le personnel ou les dirigeants de l’institution.
Le mandat de Riad Salamé s’est achevé le 31 juillet sans qu’un successeur ne lui soit trouvé, dans le pays en pleine crise politique.
Les Etats-Unis, avec le Canada et le Royaume-Uni, ont imposé jeudi des sanctions économiques pour corruption à son encontre, Washington estimant que ses «actions corrompues et illégales ont contribué à l’effondrement de l’Etat de droit au Liban». Selon le ministère des Affaires étrangères britannique, 300 millions de dollars américains (272 millions d’euros) auraient été détournés de la BDL.
Riad Salamé, ancien banquier d’affaires franco-libanais, fait également l’objet de deux mandats d’arrêt émis par la France et l’Allemagne, mais le Liban n’extrade pas ses ressortissants. Les enquêteurs européens se penchent sur les comptes de de la société Forry Associates Ltd, enregistrée aux Iles Vierges, dont le frère de l’ex-gouverneur, Raja Salamé, serait le bénéficiaire économique.
Cette société aurait été autorisée par la BDL à négocier des bons du Trésor libanais et des euro-obligations moyennant une commission, ce que nie le gouverneur. Cette commission aurait ensuite été virée sur des comptes bancaires suisses appartenant à Raja Salamé. Le rapport d’audit indique «qu’il existe des preuves de paiement de commissions illégitimes (..) pour un montant total de 111 millions de dollars».