L’escalade judiciaire autour de l’ancien président a replacé Donald Trump, un dirigeant à la fois révélateur et amplificateur des divisions du pays, au coeur de l’échiquier politique. Dès les premières annonces de son inculpation par la justice new-yorkaise, les parlementaires républicains se sont rués sur Twitter, dénonçant une «persécution politique», «un scandale absolu», «un triste jour pour l’Amérique».
À coups d’interviews, tweets et communiqués, ils ont fait bloc autour du candidat à la présidentielle, érigé en martyr. Même son rival républicain Ron DeSantis, qui flirte avec une candidature en 2024, a volé au secours de Donald Trump dénonçant une inculpation «contraire aux valeurs de l’Amérique». Côté démocrate, les élus se sont contentés de saluer timidement l’annonce en affirmant que «personne n’était au-dessus des lois».
«Pas mon président»
Un des seuls à garder le silence dans cette affaire: le président démocrate Joe Biden, qui n’a pas officiellement lancé sa campagne, mais sait que tout commentaire pourrait nourrir l’argumentaire d’une instrumentalisation de la justice martelé par le milliardaire républicain.
«Aujourd’hui, l’opinion publique voit tout sous le prisme des divisions politiques», souligne Wendy Schiller, professeure de sciences politiques à l’université Brown. Dès jeudi soir, pendant que les progressistes moquaient les «larmes des trumpistes», un groupe de partisans de l’ancien président s’est rendu devant sa luxueuse résidence pour crier sa colère.
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Plusieurs d’entre eux agitaient des drapeaux «Biden n’est pas mon président» et «Trump a gagné», énième rappel que plus de deux ans après la défaite du milliardaire à l’élection de 2020, des millions d’Américains restent fermement convaincus que la présidentielle lui a été «volée».
«Divorce national»
Le principal intéressé a lui-même attisé les flammes depuis son réseau Truth Social, accusant les démocrates d’être les «ennemis des hommes et des femmes qui travaillent dur dans ce pays». «Ce n’est pas moi qu’ils visent, mais vous, je suis juste en travers de leur chemin», a-t-il écrit sur sa plateforme.
Des propos qui alimentent les fantasmes autour d’un «divorce national» prôné par certains membres de la droite dure, comme l’élue Marjorie Taylor Greene, tant les divisions dans ce pays paraissent parfois impossibles à réduire.
Dans certains foyers américains, des pans entiers de l’actualité américaine,, des questions de genre, de l’avortement ou de démocratie, sont devenus tabous, tant les débats qui en résultent sont enflammés. Le sujet des armes à feu a même donné lieu à de violentes invectives entre progressistes et conservateurs dans les couloirs du Congrès cette semaine, après une terrible fusillade dans une école du Tennessee.
«Un cadeau pour les candidats»
Gare à ne pas surjouer les divisions, alertent toutefois les experts. De la guerre de Sécession aux affrontements autour des droits civiques et la guerre du Vietnam, la société américaine a par moments été bien plus profondément fracturée et en proie à la ségrégation qu’elle ne l’est aujourd’hui, estiment-ils.
La différence: «Nous sommes un pays plus divers et plus engagé politiquement qu’il ne l’a jamais été», affirme Wendy Schiller. «Quand il y a davantage de voix qui s’expriment, cela peut vouloir dire que les échanges deviennent plus violents et bruyants», analyse la politologue. «Mais il est impossible de comparer ça à la situation d’il y a 50 ans, lorsque tant de personnes étaient réduites au silence», assure-t-elle.
Si l’inculpation de Donald Trump donne l’impression de creuser davantage les tranchées, elle est surtout «un cadeau politique pour les directeurs de campagne et les stratèges des deux grands partis», estime auprès de l’AFP Robert Talisse, expert sur la polarisation politique à l’université Vanderbilt.
«L’inculpation donne aux deux camps une occasion d’attiser l’indignation parmi les citoyens», affirme le professeur. Plusieurs ténors républicains, dont l’ancien président, se sont d’ailleurs dépêchés de lancer des campagnes de levées de fonds pour combattre une «inculpation aux fins politiques». Et vendredi, le milliardaire a annoncé avoir récolté en moins de 24 heures plus de quatre millions de dollars pour sa campagne de 2024.