Le 17 septembre dernier, le ministre mauritanien de l’Intérieur, Mohamed Ould Merzoug, a reçu l’ambassadeur d’Algérie à Nouakchott, Noureddine Khandoudi. Un fait qui aurait pu passer inaperçu de prime abord, tant les rencontres entre ministres mauritaniens et chefs de missions diplomatiques accrédités à Nouakchott sont monnaie courante, voire quotidiennes. Sauf que pour cette fois-ci, il s'est agi d’une convocation d’urgence déguisée, puisque Ould Merzoug a transmis au diplomate algérien les vives protestations de la Mauritanie face aux multiples violations de son territoire par les hommes armés du Polisario, établis en territoire algérien.
Pour circonscrire cette colère mauritanienne et la crise diplomatique qui risque de s’ensuivre et éclater au grand jour, Noureddine Khandoudi a donné des garanties que les exigences mauritaniennes seront non seulement transmises à Alger, mais satisfaites le même jour.
L’Agence mauritanienne d’information (AMI - officielle) l'a pris au mot et a calmé le jeu en relatant, dans une dépêche datée du mardi 17 septembre, une rencontre «normale», dont le but présumé était de «discuter de l’activation du projet algérien de construction de la route Tindouf-Choum», reliant la Mauritanie et l’Algérie. Pour rappel, ce projet date du lendemain du coup d’Etat de Houari Boumedienne contre Ahmed Ben Bella, mais jusqu’au jour d’aujourd’hui, pas un seul kilomètre de ce tronçon n’a été réalisé du côté algérien. De même, il aurait été question, toujours selon cette dépêche de l’AMI, de la coopération en matière de formation par l’Algérie de plusieurs policiers et gendarmes mauritaniens, ce qui constitue, en soi, une indication effleurant le volet sécuritaire pour lequel Khandoudi a été convoqué.
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De quoi s’agit-il au juste ? Rien de moins que le fait que la Mauritanie n’en finit pas, depuis les deux derniers mois, de subir les contrecoups des interconnexions tribales du Polisario dans sa région nord. Ce qui a permis à ce dernier de semer une anarchie sécuritaire à partir de la zone tampon située à l’intersection des frontières mauritano-maroco-algériennes, et plus précisément dans la localité de Bir Lahlou. C’est dans cette zone tampon, théâtre de récents accrochages entre factions tribales et narcotrafiquants du Polisario, que des Sahraouis de Tindouf ont détenu pendant plusieurs jours deux ressortissants mauritaniens kidnappés, début septembre, à partir de la ville de Zouerate.
Quelques jours plus tard, c’est à nouveau un berger mauritanien qui s’est retrouvé ligoté et battu près de cette frontière par des hommes armés. Ces derniers lui ont volé une partie de son cheptel camelin, avant de l’emmener à Tindouf, dans l’objectif sûrement de le transformer en esclave, comme ils ont l’habitude de le faire pour les hommes et femmes de couleur kidnappés dans la région.
Ces deux rapts de Mauritaniens coïncident avec la fuite rocambolesque à partir de la prison de Bir Moghrein, la ville la plus au nord du pays, d’un trafiquant de drogue sahraoui qui vient juste de commencer à purger une peine de 10 ans de prison ferme. Là encore, des Sahraouis de Tindouf étaient venus sur place pour verser des pots-de-vin aux gardes de la prison afin de manigancer sa fuite sous prétexte de maladie nécessitant une évacuation vers un hôpital.
Il faut reconnaitre que la mobilité de ces malfaiteurs en Mauritanie a été facilitée par les ramifications familiales et tribales locales dans ce vaste territoire dominé par la tribu Reguibat, ajoutées à l’octroi anarchique de la nationalité mauritanienne à de nombreux Sahraouis de Tindouf sous l’ère de l’ancien président Mohamed Ould Abdelaziz, en vue de booster sa base électorale. Une situation à laquelle le nouveau président, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, compte rapidement mettre fin, comme promis lors de sa campagne électorale.
Finalement, et quelques heures seulement après la convocation de l’ambassadeur d’Alger à Nouakchott, une délégation composée de militaires algériens et du Polisario s’est rendue brièvement dans la ville de Fdérik, 30 km à l’ouest de Zouerate, pour remettre les deux premières personnes kidnappées aux autorités administratives, sécuritaires et militaires mauritaniennes.
Pour ce qui est du berger, et dans le but peut-être de cacher les séquelles des maltraitances et violences qu’il a subies au moment de son rapt, l’Algérie a promis de le remettre dès sa sortie de l’hôpital de Tindouf où il aurait été admis après avoir été blessé, selon le Polisario, par «l’explosion d’une mine marocaine près du mur de défense».
Un mur de défense marocain que les autorités sécuritaires mauritaniennes comptent justement dupliquer, dans le but de sécuriser la ville minière de Zouerate. Selon le site régional zoueratemedia, ce mur prendra la forme d’une haute digue de sable et de pierres, parsemée de différents postes de contrôles tenus par l’armée et les différents corps des forces de sécurité, qui vont ainsi filtrer les personnes et les biens entrant ou sortant de la ville. Ce mur de défense, selon le média mauritanien, «vise à mettre fin aux trafics en tous genres», et portera un sérieux coup aux «dealers» sahraouis.
Rappelons que ce mur de défense sera d’autant plus facile à ériger que ses fondements ont été déjà édifiés en 1977-78 par les Forces armées royales, lorsque le Maroc avait envoyé des troupes pour protéger la ville de Zouérate, qui venait de subir, le 1er mai 1977, l’attaque surprise d’une colonne du Polisario, commandée par un certain ... Brahim Ghali, en personne.