Hier, jeudi 26 août 2021 dans l’après-midi, le procureur général près la Cour d'Alger a donné devant les médias locaux ce qu’il dit être les conclusions de l’enquête sur l’assassinat abject, le 11 août dernier, de Djamel Bensmaïl. Ce jeune homme a été lynché à mort, immolé et sa dépouille a été profanée par des dizaines de personnes à Larbaa Nath Irathen, une commune près de Tizi Ouzou, l’un des épicentres de la contestation populaire antirégime (Hirak).
Le crime de Djamel Bensmaïl a été perpétré devant un commissariat sous le regard étonnamment passif d’une dizaine de policiers, qui n’ont même pas procédé à des tirs de sommation pour disperser un groupe de personnes en colère, et auxquelles, très vraisemblablement, les agents qui ont arrêté le défunt ont communiqué une fausse information, le fait qu’il s’apprêtait à mettre le feu dans une forêt à proximité.
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Selon les médias officiels algériens, dont l’APS, la justice algérienne a annoncé à cette occasion, «l'émission de mandats d'arrêt internationaux contre les commanditaires de ce crime, en tête desquels le président du mouvement terroriste "MAK", Ferhat Mehenni, en état de fuite».
Le procureur général près la Cour d'Alger a fait l’impasse sur les policiers qui ont arrêté Djamel Bensmaïl, qui l’ont transporté dans la fourgonnette d’où il a été extrait par un groupe de personnes qui l’attendaient devant le commissariat. Qui a alerté ce groupe de personnes d’une arrestation dont seule la police était au courant et qui les a informé du lieu où la fourgonnette le transportait? Ces éléments, déterminants pour faire la lumière sur le crime odieux de Djamel Bensmaïl, le procureur général les a passés sous silence, trop empressé à énoncer l’identité des prétendus commanditaires du meurtre.
Pour ce magistrat algérois, il ne fait plus aucun doute qu'à l'origine de ce meurtre se trouvent, selon les termes qu'il a employés, «l'implication d'éléments établis à l'étranger et une planification préméditée par le mouvement terroriste "MAK" pour créer un climat de terreur et d'instabilité, outre la propagande autour de celui-ci (le meurtre, Ndlr) pour créer un climat de terreur et d'instabilité et provoquer les citoyens».
Rappelons que le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), dirigé par un artiste lyrique réfugié en France, Ferhat Mehenni, a toujours revendiqué une lutte à caractère pacifique. Il n’y a aucune trace d’un appel au meurtre ou à la violence dans les interventions de son fondateur, ou de ses militants.
Le MAK a augmenté les rangs de ses militants quand l’armée algérienne a interdit, pendant le Hirak, le port de symboles amazighes, en se focalisant sur le drapeau amazighe, et a surtout lancé ce mot d’ordre raciste, qui pourrait conduire au pire: «zéro Kabyle».
Le 18 mai 2021, la junte militaire a classé le MAK en tant qu'«organisations terroriste», ainsi que le mouvement conservateur Rachad. La junte a qualifié ces deux mouvements de terroristes, alors même qu’ils n’ont jamais appelé à la violence. Le régime n’a à aucun moment fourni la moindre preuve de l’implication de ces deux mouvements dans des actes de violence. La figure prééminente du MAK est Ferhat Mehenni, qui est réfugié en France. Quant à la figure prééminente de Rachad, il s'agit de Mohammed Larbi Zitout, un ancien diplomate, aujourd'hui réfugié au Royaume-Uni.
Tout comme son motif hautement ridicule, à savoir un meurtre qu’il n’a pas commis, ce mandat d’arrêt international, qui n’a aucune chance d’aboutir, n’aura servi finalement qu’à livrer de nouveau le régime algérien à la risée du monde. D’ailleurs, les mandats d’arrêt internationaux émis par la justice algérienne contre les opposants au régime n’ont aucune valeur pour les autorités judiciaires européennes.
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Mais le régime algérien veut faire croire que la décision administrative récemment prise par le ministère espagnol de l’Intérieur de renvoyer dans son pays le gendarme Mohamed Abdallah est l’exécution du mandat d’arrêt international émis contre ce dernier le mois de mai dernier, et pourrait servir de «jurisprudence» pour les autres pays européens.
En lançant un mandat d’arrêt contre Ferhat Mehenni, tambour battant, et relayée par la horde des médias propagandistes, la junte militaire démontre encore une fois avec éclat qu’elle a perdu tout sens de la mesure et que ce sont désormais des crises d’hystérie et des coups de sang qui dominent comme mode de gouvernance pour l'Algérie.