L’ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan, qui a gouverné le pays de 2018 à 2002, comparaît ce mercredi devant un tribunal spécial après son arrestation pour corruption, qui a déclenché de violentes manifestations de ses partisans. Son arrestation est l’aboutissement d’une longue crise politique au Pakistan.
Quelques heures plus tôt, la puissante armée pakistanaise avait rejeté des accusations de l’ex-chef du gouvernement qui affirmait qu’un officier supérieur était impliqué dans un complot visant à l’assassiner. M. Khan fait par ailleurs pression pour obtenir des élections anticipées dans l’espoir de revenir au pouvoir.
De violentes manifestations ont éclaté après son arrestation. Des protestataires ont fait irruption dans la résidence du commandant militaire de Lahore (est) et ont bloqué les grilles d’entrée du quartier général de l’armée à Rawalpindi, près d’Islamabad. La police a fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau contre les manifestants à Karachi (sud) et Lahore.
Les États-Unis et le Royaume-Uni ont appelé au respect de «l’état de droit». Les autorités pakistanaises ont restreint l’accès à Twitter, Facebook et d’autres réseaux sociaux, selon l’organisme de surveillance d’internet NetBlocks.
«Cette arrestation est conforme à la loi», a insisté le ministre de l’Intérieur Rana Sanaullah. Elle a été effectuée par le principal organe de lutte contre la corruption, le National Accountability Bureau (NAB), «un organisme indépendant qui n’est pas contrôlé par le gouvernement», a-t-il souligné.
Une vidéo diffusée sur des chaînes de télévision locales a montré M. Khan poussé par des dizaines de paramilitaires dans une voiture blindée stationnée dans l’enceinte de la Haute Cour d’Islamabad. «Ils l’ont battu et l’ont traîné dehors», s’est plaint à l’AFP Ali Bukhari, un avocat du PTI, le parti de M. Khan. Le PTI a promis de contester l’arrestation. Son vice-président, Shah Mehmood Qureshi, a appelé à la poursuite des manifestations «de manière légale et pacifique» tout en condamnant la répression par la police.
M. Khan, 70 ans, est visé par plusieurs dizaines d’enquêtes judiciaires depuis son éviction en 2022. Il avait réussi jusqu’ici à déjouer différentes tentatives d’arrestation. Il comparaît ce mercredi devant un tribunal spécial qui se réunit dans un bâtiment de la police.
Accusations de tentative d’assassinat
Au cours d’un rassemblement organisé ce weekend à Lahore, M. Khan avait réitéré que le général Faisal Naseer, un officier supérieur des services de renseignement, était impliqué dans une tentative pour l’assassiner en novembre 2022 pendant un meeting. M. Khan avait été blessé d’une balle dans la jambe.
«Ces allégations fabriquées de toutes pièces et malveillantes sont extrêmement malheureuses, déplorables et inacceptables», avait commenté dans un communiqué l’armée, estimant que «cette propagande tapageuse visait à promouvoir des objectifs politiques».
«Ses allégations sans aucune preuve contre le général Faisal Naseer et les officiers de notre agence de renseignement ne peuvent pas être autorisées et ne seront pas tolérées», avait pour sa part réagi le Premier ministre Shehbaz Sharif, accusé par son prédécesseur d’avoir aussi joué un rôle dans son agression.
Élections anticipées
Les critiques à l’encontre de l’institution militaire sont rares au Pakistan, où ses chefs exercent une influence considérable sur la politique intérieure et la politique étrangère. L’armée a organisé au moins trois coups d’État au Pakistan depuis son indépendance en 1947, régnant pendant plus de 30 ans.
L’avertissement qu’elle a adressé lundi illustre à quel point les relations entre M. Khan et cette dernière se sont détériorées. Elle l’avait soutenu dans son accession au pouvoir en 2018 avant de lui retirer son appui. Imran Khan a été évincé de ses fonctions par un vote de défiance du Parlement en avril 2022.
Toujours extrêmement populaire, il fait depuis pression sur le fragile gouvernement de coalition pour l’organisation d’élections anticipées avant octobre. Officiellement, l’agression en novembre est l’œuvre d’un tireur solitaire qui, selon une vidéo diffusée par la police, a avoué en être l’auteur et qui est incarcéré.
Cette version a été rejetée par M. Khan qui a souligné que les autorités avaient refusé ses tentatives de déposer un rapport auprès de la police pour désigner les «vrais coupables». «Il n’y a aucune raison pour que j’invente des faits», déclarait l’ex-Premier ministre dans la vidéo diffusée mardi, avant son arrestation.