Qui veut la paix…

Rachid Achachi.

ChroniquePlutôt que de participer à la guerre, l’armée a pour vocation première d’en empêcher l’éclatement, protégeant ainsi les nations des drames humains qu’engendre tout conflit. Au Maroc, cette mission repose sur une stratégie de dissuasion alliant moyens matériels et formation de haut niveau. Cette capacité peut sembler coûteuse, mais elle est indispensable pour préserver la paix et défendre nos concitoyens.

Le 16/01/2025 à 11h00

Cela peut paraître contre-intuitif, mais l’une des premières missions de l’armée n’est pas de faire la guerre, mais de l’empêcher. Car en la rendant impossible grâce à sa capacité dissuasive, l’armée préserve le pays des drames et tragédies inhérentes à tout conflit, même si certains persistent à lui prêter un caractère romantique. Ceux-là, je les invite à visionner des vidéos de différents conflits, où les témoignages poignants des combattants sur la ligne de front font froid dans le dos. On peut y voir des soldats pleurer, non pas de peur ou de douleur, mais devant le caractère absurde et inhumain d’une destruction industrialisée d’êtres humains, souvent réduits à des statistiques de pertes. Or, chacun de ces morts est un individu à part, avec ses proches qui l’aiment, ses rêves et ses projets, qui prennent fin prématurément, souvent dans la vingtaine, à la suite d’un pas de trop sur une mine antipersonnel ou à une exposition à des éclats d’obus.

Ainsi, quand la guerre commence, cela signifie que l’armée a déjà échoué dans sa première mission: celle de l’empêcher. Il ne lui reste désormais qu’à accomplir l’autre mission, celle de la remporter avec le moins de pertes possible. Les Romains l’avaient compris très trop et l’ont immortalisé dans une maxime désormais célèbre: «Si vis pacem, para bellum» («Si tu veux la paix, prépare la guerre»).

Sur un autre registre, Sun Tzu, le fameux stratège chinois du 6ème siècle avant J.C, écrivait déjà dans son célèbre traité «L’art de la guerre» que «gagner toutes vos batailles n’est pas la meilleure chose; l’excellence suprême consiste à gagner sans combattre».

De ce fait, la capacité de dissuasion d’une armée ne se résume pas de manière triviale au nombre de chars, d’avions de guerre et de munitions, mais englobe aussi la qualité de ses commandants et leur niveau de préparation stratégique, l’effectivité et le niveau de formation de ses soldats, l’aptitude et la capacité de combat de son armée et d’autres critères qu’il serait long d’énumérer ici.

Combien d’armées nous ont été présentées comme colossales, mais qu’on a vu fondre comme neige au soleil lors d’une guerre réelle? Ne nous disait-on pas que l’armée irakienne de Saddam était la quatrième armée du monde?

Sur ce terrain, bien que la quantité puisse avoir son importance, la qualité est ce qui permet de convertir une masse de soldats et d’armement en armée opérationnelle et efficace. Et sur ce plan, nous, Marocains, devons être fiers de notre armée qui, malgré des moyens financiers relativement faibles en comparaison avec d’autres, affiche une capacité de dissuasion de nature à amener nos potentiels adversaires à y réfléchir à deux fois avant d’oser entreprendre quoi que ce soit.

«Nous disposons de centres de formation, d’académies et d’écoles militaires qui constituent des motifs de fierté pour notre pays et les piliers de l’efficacité de notre armée.»

J’ai eu récemment la chance d’échanger avec plusieurs officiers supérieurs de notre armée, et ce qui m’a le plus marqué, c’est avant tout leur niveau de culture stratégique et leur expertise pointue dans différents domaines.

Nous disposons à cet effet de centres de formation, d’académies et d’écoles militaires qui constituent des motifs de fierté pour notre pays et les piliers de l’efficacité de notre armée. Je peux citer à cet égard le Collège royal de l’enseignement militaire supérieur (CREMS), qui contribue avec efficacité à préparer nos officiers supérieurs à affronter et surtout à maîtriser la complexité d’un environnement régional et international de plus en plus instable, à travers une approche pluridisciplinaire, mettant l’accent sur la réflexion stratégique et une compréhension poussée des technologies émergentes et des ruptures qu’elles provoquent autant sur le champ de bataille militaire stricto sensu que sur celui de la guerre cognitive et informationnelle.

Ainsi, avant de vous indigner face à l’achat d’une frégate, d’un système de DCA ou d’un lance-roquette multiple par nos Forces armées royales en raison de leur coût, ou en partant du principe que la construction de nouveaux hôpitaux ou écoles soit plus prioritaire, rappelez-vous à cet instant que sans une capacité de dissuasion importante, aucun de ces hôpitaux ou écoles ne pourrait tenir debout si une guerre venait à éclater. Les ruines de Gaza, de Sievierodonetsk ou d’Alep sont malheureusement là pour en témoigner.

Oui, les hôpitaux et les écoles sont évidemment vitaux et importants, mais il ne faut aucunement se tromper d’interlocuteurs. Pour les infrastructures civiles, c’est au gouvernement qu’il faut à juste titre reprocher tel ou tel manque, tel ou tel échec. Quant à l’armée, elle a le devoir de maintenir sa capacité de dissuasion. Et si le coût de cette dissuasion vous paraît élevé, demandez-vous combien coûte une guerre?

Car de même qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu, il faut rendre à l’armée ce qui appartient à l’armée et au gouvernement ce qui appartient au gouvernement.

Par Rachid Achachi
Le 16/01/2025 à 11h00