Réseaux sociaux: suspendu au Brésil, X est aussi dans le collimateur de l’UE

Elon Musk, propriétaire et patron du réseau social X (anciennement Twitter).

Accusé de répandre de fausses informations, le réseau social X a été suspendu au Brésil mais l’étau se resserre également en Europe, où de premières sanctions de la Commission européenne pourraient tomber dès cet automne.

Le 05/09/2024 à 07h54

Les émeutes au Royaume-Uni, provoquées début août par de fausses rumeurs, ont rappelé le danger d’une expression non régulée sur Internet. Le suspect du meurtre de trois fillettes avait été présenté à tort comme un demandeur d’asile musulman. L’infox, relayée et amplifiée sur les réseaux sociaux, dont X, avait déclenché des violences islamophobes.

Dans ce contexte, le commissaire européen au Numérique, Thierry Breton, a adressé mi-août une mise en garde à Elon Musk, propriétaire du réseau social, qui avait répliqué en publiant un mème insultant sur son compte X.

Une démarche étonnante alors que le réseau social fait l’objet d’une enquête de Bruxelles initiée en décembre et qui pourrait lui valoir des amendes pouvant atteindre 6% de son chiffre d’affaires mondial. La Commission européenne devrait rendre ses premières décisions, d’ici quelques semaines, voire quelques mois. L’issue reste ouverte.

X a accès au dossier et peut exercer son droit à la défense, depuis que la plateforme été formellement mise en cause en juillet pour des violations au Règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA), la nouvelle législation de l’UE qui doit mettre fin aux espaces de non droit sur Internet.

À titre préliminaire, la Commission a établi trois infractions: les coches bleues censées certifier des sources d’information dignes de confiance trompent les utilisateurs; la transparence est insuffisante en matière de publicités (identité des annonceurs, montants, méthodes de ciblage...); et X ne respecte pas l’obligation de fournir à des chercheurs agréés un accès à ses données. L’enquête se poursuit sur deux autres griefs majeurs: diffusion de contenus illégaux et efforts insuffisants contre la manipulation d’informations.

La législation européenne oblige les plateformes à mettre en place un système de signalement des contenus problématiques et à retirer «promptement» toute publication illicite dès qu’elles en ont connaissance. Comme au Brésil, Elon Musk crie à la censure. «Le DSA est de la désinformation», a-t-il lancé en juillet, promettant de livrer bataille sur le terrain judiciaire.

L’UE rassemble 106 millions d’utilisateurs actifs de X, sur 300 millions au niveau mondial, selon la Commission européenne. C’est environ cinq fois plus qu’au Brésil et cela représente sans doute bien davantage en termes de recettes publicitaires. Difficile d’imaginer le réseau social se priver d’une telle manne.

Le DSA ne définit pas ce qui est illégal ou non, mais impose le respect des lois nationales aux entreprises du numérique qui s’en sont longtemps affranchies. Ainsi, les publications nazies sont interdites en Allemagne. Le harcèlement, les injures raciales ou sexistes, la diffamation, l’incitation à la violence ou l’apologie du terrorisme constituent des infractions en France.

Le DSA prévoit la possibilité pour la Commission de saisir un juge en Irlande, pays du siège européen de X, pour ordonner une suspension temporaire du service jusqu’à ce que cessent les infractions. «S’il le faut, l’Europe n’aura pas la main qui tremble», a averti à plusieurs reprises Thierry Breton.

Il s’agit cependant d’un dispositif de dernier recours, seulement activable en cas d’infractions répétées qui mettraient en danger la sécurité des personnes. «J’espère que la Commission réfléchira très, très sérieusement avant de s’engager dans cette voie, car il est évident que cela aurait un impact extrêmement négatif sur la liberté d’expression et l’accès à l’information», a déclaré à l’AFP Jan Penfrat de l’ONG European Digital Rights, qui défend les droits des utilisateurs de services en ligne.

Une suspension de X en Europe est «très peu probable», estime Alexandre de Streel, expert du groupe de réflexion Center on Regulation in Europe (Cerre). Cela nourrirait selon lui les accusations de censure. «Cette affaire va se finir devant la Cour de justice de l’Union européenne», prévoit-il, voyant dans X «la firme la moins collaborative» avec l’UE.

Par Le360 (avec AFP)
Le 05/09/2024 à 07h54