Selon des projections publiées dans la nuit de dimanche à lundi du Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE, droite pro-européenne) reste, avec 179 sièges, contre 216 actuellement, la première force de l'hémicycle.
Forts de cette victoire, les dirigeants du PPE ont immédiatement réclamé la présidence de la Commission pour leur chef de file (ou "Spitzenkandidat" selon le terme allemand souvent usité) l'Allemand Manfred Weber, un conservateur dont le profil divise.
Les sociaux-démocrates (S&D), deuxième parti du Parlement à l'issue du scrutin, avec 150 sièges (contre 185), ont balayé d'un revers de main cette demande, laissant augurer de longues tractations dans la course désormais ouverte aux postes clés des institutions européennes.
Si le PPE et les sociaux-démocrates (S&D) restent les deux principales formations de l'hémicycle européen, ils perdent leur capacité à réunir à eux seuls une majorité pour faire passer des textes législatifs. La fin d'une époque.
Ils devront composer avec les écologistes, qui grimpent de 52 à 70 sièges, grâce à leurs bons résultats en Allemagne et en France, et les Libéraux (Alde), dont le parti du président français Emmanuel Macron, qui obtiennent 107 sièges contre 69 actuellement.
Le Français, l'un des dirigeants les plus attachés à l'approfondissement de la construction européenne, a perdu de peu dimanche le duel phare de ces élections face au parti d'extrême droite de Marine Le Pen, le Rassemblement National, avec 22,41% contre 23,31% pour le RN selon des résultats définitifs, soit 0,9 point d'écart.
Le RN a immédiatement appelé à la "constitution d'un groupe puissant" au Parlement européen réunissant les formations eurosceptiques, des forces hétéroclites qui n'ont pas réussi par le passé à se fédérer.
Après la sortie du Royaume-Uni de l'UE, les deux listes obtiendront le même nombre (23) d'eurodéputés.
Le Pen espère, avec la Ligue de Matteo Salvini arrivée sans surprise en tête en Italie avec environ un tiers des voix, fédérer une large alliance de partis nationalistes, eurosceptiques et populistes. Leur groupe parlementaire, l'ENL, est crédité de 58 sièges contre 37.
Difficile cependant d'envisager aujourd'hui un rapprochement avec le groupe populiste EFDD -- où siège le Mouvement Cinq Etoiles italien et que devrait rallier le nouveau parti europhobe de Nigel Farage, grand vainqueur des élections au Royaume-Uni avec 31,7% des voix (29 sièges) -- tant leurs divergences sont parfois profondes.
Et même en additionnant les gains de ces groupes avec les 58 sièges du groupe ECR (tories britanniques et Polonais au pouvoir du PiS, vainqueurs des européennes), l'extrême droite, les eurosceptiques et les europhobes, restent, avec 172 sièges, loin de la majorité au Parlement européen (376).
Les partis d'extrême gauche passent pour leur part de 52 à 38 sièges.
"La vague de partis nationalistes et eurosceptiques est très contenue, si on met de côté le RN et la Ligue", estime Eric Maurice, analyste à la Fondation Robert Schuman, interrogé par l'AFP.
"Si le dirigeant populiste hongrois Viktor Orban ne bouge pas, je ne vois comment les lignes des groupes actuels pourraient bouger", ajoute-t-il.
Largement vainqueur de l'élection européenne dans son pays, le parti du Premier ministre hongrois est suspendu du groupe démocrate-chrétien du PPE, en raison de ses dérapages anti-Bruxelles.
En Autriche, le parti conservateur du chancelier autrichien Sebastian Kurz est arrivé largement en tête, devant les sociaux-démocrates et le parti d'extrême droite FPÖ, touché par l'"Ibizagate", selon des estimations.
En Espagne, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez est le seul socialiste à sortir grand vainqueur du scrutin dans un grand pays.
Les élections européennes ont également été marquées par les bons résultats des écologistes, qui espèrent devenir un interlocuteur indispensable dans ce paysage politique plus fragmenté que jamais.
Ils finissent, en France, à une inattendue troisième place avec 12% des voix. Ce résultat fait écho au score enregistré en Allemagne par les Verts, deuxièmes du scrutin, selon les sondages, juste derrière le camp centre-droit d'Angela Merkel, qui enregistre un plus bas historique.
"Une grande victoire !", s'est réjoui la tête de liste des écologistes au Parlement européen, l'Allemande Ska Keller. "Je suis sur un petit nuage", a renchéri l'eurodéputé belge Philippe Lamberts.
Si le taux de participation à ces élections reste inférieur à celui des scrutins nationaux, il atteint cependant, avec 50,5%, son niveau le plus élevé depuis 20 ans, selon le Parlement européen.
Cette mobilisation marque un coup d'arrêt à l'érosion continue qui caractérise les européennes depuis 1979.
Plus de 420 millions d'Européens étaient en âge de participer au scrutin, afin d'élire pour 5 ans les 751 membres du Parlement européen, une assemblée qui n'a eu de cesse d'accroître ses pouvoirs.
Le Royaume-Uni avait lancé cet immense scrutin dès jeudi, se résignant à l'organiser en catastrophe après le nouveau report du Brexit, avec une date butoir désormais fixée au 31 octobre. Le mandat des élus britanniques doit cesser à la sortie de leur pays de l'Union, et leurs sièges seront en partie redistribués à d'autres pays.
Les nouveaux équilibres au sein de l'hémicycle seront déterminants dans la course aux postes clés des institutions européennes. En particulier celui du successeur à la tête de la Commission européenne de Jean-Claude Juncker, membre du PPE, qui devra obtenir le soutien de la moitié de l'hémicycle.
Les chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent dès mardi pour un sommet afin d'échanger sur les prochaines nominations.