C'est un paradoxe. Alors qu’il préside une commission qui engloutit à elle seule les deux tiers du budget de l’Union africaine (UA) et qui a pour mission le maintien de la paix en Afrique, l’Algérien Smaïl Chergui n’a pas hésité à souffler à nouveau sur les braises dans la région nord-ouest de l'Afrique. Le commissaire à la paix et la sécurité de l’Union africaine a saisi au bond l’occasion du décès, mercredi dernier à Madrid, de M’Hamed Khadad, ex-dirigeant du Polisario, pour servir l’agenda anti-marocain des dirigeants de son pays. En agissant de la sorte, le commissaire algérien viole sciemment le droit de réserve auquel l’astreint la haute fonction qu’il occupe au sein de l’organisation panafricaine.
Dans un tweet, publié et repris ce samedi 4 avril par l’agence de presse officielle algérienne, l'APS, Smaïl Chergui déclare être «profondément attristé par la disparition de M'hamed Khadad, négociateur hors-pair et artisan de premier plan du processus de paix au Sahara occidental. Mes condoléances émues à sa famille, au leadership de la RASD et au peuple sahraoui», écrit-il en substance.
Après ces larmes de crocodile qu'il a versées après le décès de son ex-collègue, agent comme lui de l’ex-Département du renseignement et de la sécurité (DRS) algérien où ils se sont connus, Smaïl Chergui a profité de cette tribune qu'il s'est octroyée pour tresser des lauriers aux séparatistes du Polisario, hébergés, financés et armés depuis quatre décennies et demi par Alger avec ce seul objectif: porter atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc.
Faute d’avoir pu soutirer le moindre message de condoléances de la part d’une haute personnalité de l’organisation panafricaine, comme Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA, ou de Cyril Ramaphosa, chef de l’Etat sud-africain, et actuel président de l’UA, et non moins défenseur acharné des thèses séparatistes du Polisario, Smail Chergui a trouvé une parade, insidieuse, pour consoler Alger. Il s’est rabattu sur sa haute fonction de chef en charge de la paix et de la sécurité à l’Union africaine, pour faire croire que les membres de la commission qu'il préside compatissent suite au décès de ce chef polisarien que fut M’Hamed Khadad.
Néanmoins, cette démarche ne peut plus tromper puisque tout un chacun sait déjà pertinement que l’Union africaine s'était dessaisie, depuis juillet 2018 lors de son sommet à Nouakchott, du dossier du conflit créé autour du Sahara et a réservé l'exclusivité de la gestion de ce dossier, au grand dam de l’Algérie et du Polisario, à la seule Organisation des Nations Unies et aux membres de son Conseil de sécurité.
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Cette initiative de Smaïl Chergui s’explique aussi par son obligation d’assujettissement au régime algérien, qui lui assure une résidence dorée à Addis-Abeba. Depuis 2013, les autorités algériennes mettent en effet à sa disposition une villa cossue, louée à 130.000 euros par an, tout en continuant à lui verser son salaire d’ambassadeur d’Alger accrédité à Moscou, un poste qu’il est pourtant censé avoir quitté depuis plusieurs années.
D’ailleurs, pour mieux servir l’agenda de son pays, Smaïl Chergui signe ses tweets en se référant certes à sa fonction à l’Union africaine, mais en mettant plus en valeur cette mention «ambassadeur S. Chergui», fonction pour laquelle il émarge sur le budget de l’Etat algérien, et pour laquelle il est, à ce jour encore, grassement rémunéré.
Le 26 janvier dernier, il avait d'ailleurs déjà pondu un tweet dans la même veine, où il annonçait avoir reçu le soi-disant représentant du Polisario auprès de l’Union africaine, avec lequel il aurait discuté de la décision du Maroc de parachever la délimitation des frontières de ses eaux territoriales, une décision entrée en vigueur le 30 mars dernier.
Revenons à ce dernier tweet en date à propos du décès de M’Hamed Khadad, qu’il a qualifié d’«artisan de premier plan du processus de paix au Sahara Occidental{Sic, Ndlr}», un post dans lequel Smaïl Chergui fait aussi mine d’oublier que le disparu, en plus d’être une taupe des services de renseignements algériens, a aussi été un faucon du Polisario.
En effet, devant la cascade des revers diplomatiques accumulés par le Polisario depuis le retour du Maroc au sein de l’UA, le «Monsieur Minurso» du Polisario s'était toujours affiché comme un fervent va-t-en-guerre. Fustigeant régulièrement les instances ONU, qu’il accuse d’être acquises aux thèses du Maroc, M’Hamed Khadad menaçait régulièrement d’une imminente reprise des armes contre le Maroc. Une position belliqueuse que lui a souvent disputée Brahim Ghali, qui savoure aujourd’hui, secrètement, la disparition d'un homme que l’Algérie aurait pu lui préférer à la tête du mouvement séparatiste.