L’adjudant-chef Gharmit Benouira, ancien secrétaire particulier et homme à tout faire d’Ahmed Gaïd Salah, ex-chef d’état-major de Abdelaziz Bouteflika, n’est pas (ou n’est plus) exilé aux Emirats arabes unis.
Exfiltré le 5 mars dernier, avec son épouse et ses deux enfants, par l’ancien puissant chef des renseignements militaires algériens (le général Wassini Bouazza, en prison depuis le 13 avril dernier), Gharmit Benouira donne ces jours-ci des sueurs froides aux actuels maîtres de l’Algérie.
En effet, selon les médias proches de l’armée algérienne, l’ancienne boîte noire de Gaïd Salah aurait commencé à ouvrir sa boîte de Pandore, en se confiant d’abord aux services secrets de la Sublime Porte, avec lesquels il aurait négocié la nationalité turque en contrepartie de la mine d’informations qu’il détient sur l’armée algérienne. La nationalité turque ainsi qu’un autre patronyme lui auraient été attribués le jeudi 23 juillet.
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Pour se représenter la gravité de cette défection, il convient de souligner qu’en dépit de son petit grade dans la hiérarchie militaire, l'adjudant-chef Gharmit Benouira était le secrétaire particulier de Gaïd Salah qui faisait trembler tous les généraux. Durant la toute-puissance de l’ancien chef d’état-major de l’armée algérienne, Benouira était au courant de tous les dossiers stratégiques liés à la gestion, à la sécurité et à la défense de l’Algérie. Il a fui l’Algérie avec ces dossiers, estampillés «secret défense», dans ses bagages.
L’empressement avec lequel le régime turc a offert un accueil bienveillant à Benouira porte à croire que celui-ci a négocié sa deuxième nationalité, moyennant remise de ces dossiers à Ankara. Le pays, dirigé par Recep Tayyip Erdogan (un nostalgique de la grandeur de l’Empire ottoman), ne cache pas ses visées expansionnistes et s’est implanté militairement en Libye, pays avec lequel l’Algérie partage une frontière longue de 1.000 km. Détenir les dossiers de la «boîte noire» de Gaïd Salah donne un précieux avantage au régime turc qui peut s’en servir pour dissuader toute velléité d’activisme diplomatique ou d’intervention militaire par le pouvoir d’Alger.
Gharmit Benouira aurait également, toujours selon ces médias proches de l’armée, fourni à Larbi Zitout, opposant algérien proche des islamistes (Mouvement Rachad) et résidant à Londres, des informations «personnelles» sur les quatre officiers supérieurs qui constituent aujourd’hui le noyau du pouvoir réel en Algérie. Il s’agit bien évidemment des généraux Saïd Chengriha (chef de l’état-major de l’armée), Abdelghani Rachdi (directeur général de la sécurité intérieure), Mohamed Bouzit, alias Youcef (directeur général de la sécurité extérieure) et Sidi Ali Ould Zemerli (directeur central de la sécurité de l’armée).
Ainsi, pour ce qui est du primus inter pares, à savoir Saïd Chengriha, on apprend, à partir des premiers déballages de Benouira, que ses quatre enfants sont grassement émargés sur le budget de l’Armée nationale populaire (ANP).
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Ainsi, le capitaine Chengriha-fils a été formé, non pas en Algérie, mais dans des écoles militaires françaises du temps où son père était à la tête de l’armée de terre. Déjà bien intégré dans les «réseaux», cet informaticien de formation, pompeusement qualifié d’ingénieur, est actuellement l’un des hommes les plus puissants de l’armée algérienne où il est plus craint que son géniteur.
Le général Chengriha a également choyé ses trois filles, toutes liées par des contrats, qu’on imagine juteux, avec l’armée. Ainsi l’une d’entre elles serait médecin spécialisée en endocrinologie, détentrice de l’un des cabinets médicaux privés les mieux équipés de tout Alger. Non pas que la clientèle se bouscule devant sa porte, mais parce qu’elle a un contrat avec l’hôpital militaire de Aïn Naadja, principale infrastructure médicale de la capitale algérienne.
La deuxième fille de Chengriha serait une architecte de formation, et dont le bureau croule sous les projets immobiliers, dont de nombreux projets d’habitat relevant de l’armée, toujours selon les révélations de Gharmit Benouira.
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Enfin, la 3e fille de Chengriha travaille, elle, comme gérante d’un hôtel militaire. Probablement un autre Club des pins, réservé aux seuls hauts gradés de l’armée algérienne.
Selon les médias proches de l’armée, ces révélations participent en fait d’un complot contre l’Algérie, mené par les services secrets de la Turquie, militairement présente en Libye, où l’Algérie cherche aussi à mettre pied. «De premières informations avaient fait état de la présence de Gharmit Benouira aux Emirats arabes unis, mais il s’est avéré qu’il se trouvait entre les mains des services secrets turcs, qui font ainsi montre d’un autre acte d’hostilité à l’égard de l’Algérie», écrit un journal algérien, avant d’ajouter: «la volonté de nuire à l’Algérie est confirmée, les autorités turques se rendant ainsi coupables d’un chantage qui ne dit pas son nom».
Bien que l’on soit encore face à du menu fretin en matière de déballage attendu de la part de Gharmit Benouira, l’armée algérienne donne déjà des signes de fébrilité, comme en atteste le communiqué du ministère de la Défense nationale, datant du 23 juillet, qui dément «des allégations fallacieuses et infondées qu’ils (les réseaux sociaux) attribuent à Monsieur le général de corps d’armée, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire, à propos des évolutions récentes de la situation en Libye». L’armée algérienne n’est pas sereine, et le pire reste à venir.