Surendettement: une «plaie» ignorée par les pays du Nord, 50 états concernés dans le monde

(De g. à d.) Le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar Mohammed bin Abdulrahman Al-Thani, le président de la République du Malawi Lazarus McCarthy Chakwera, le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres et la sous-secrétaire générale des Nations Unies et Haute Représentante pour les PMA, Rabab Fatima, lors de la 5e Conférence sur les pays les moins avancés (PMA5) à Doha le 4 mars 2023.. AFP or licensors

Pandémie, guerre en Ukraine, crise alimentaire, négligence des riches: une cinquantaine de pays en développement sont surendettés, voire risquent le défaut de paiement, certains dépensant 20% de leur budget pour rembourser les intérêts de leur dette, selon l’ONU.

Le 05/03/2023 à 07h18

Le chef du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Achim Steiner, a expliqué que la hausse chronique des taux d’intérêt épuisait les finances de pays déjà accablés par la crise du Covid-19, les conséquences de la guerre en Ukraine et leurs difficultés structurelles.

La situation pour eux «en termes de dette souveraine est vraiment très sérieuse», a-t-il expliqué dans une interview à l’AFP à Doha, en marge d’un sommet des Pays les moins avancés (PMA).

Selon une étude du PNUD parue le mois dernier, «52 pays sont soit surendettés, soit au bord du surendettement et potentiellement en défaut de paiement», a-t-il indiqué.

Ces économies «ne comptent que pour 3% de la dette mondiale, ce qui explique pourquoi les marchés ne s’en préoccupent pas autant qu’ils le devraient, mais elles représentent 40% des pauvres dans le monde et un sixième de la population mondiale».

«Pas tenable»

Et 25 de ces 52 pays utilisent «un cinquième du budget de leur gouvernement pour payer les intérêts de leur dette», a-t-il ajouté. «Ce n’est pas tenable».

Quelques heures auparavant, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres avait dénoncé à Doha les taux d’intérêt de «prédateurs» appliqués par les pays riches aux pays pauvres.

Plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement avaient surenchéri, dont le président du Timor-Oriental Jose Ramos-Horta, fustigeant «l’extrême insensibilité de taux d’intérêts de rapaces». La dette des PMA a plus que quadruplé en une décennie pour atteindre 50 milliards de dollars en 2021.

Le chiffrage de la dette publique mondiale est complexe, du fait de l’émergence de la Chine sur ce marché relativement récent et parce que plus de 60% de celui-ci sont entre les mains d’acteurs privés, a souligné Achim Steiner.

L’emprunt souverain avait déjà explosé avec la pandémie de coronavirus. «Maintenant, il y a la guerre en Ukraine, l’impact sur les cours mondiaux de l’alimentation et de l’énergie», a ajouté le cadre onusien, rappelant que l’inflation faisait monter les taux d’intérêt.

«Divisions géopolitiques»

Or, les pays occidentaux ne jouent pas leur rôle, a-t-il dénoncé. En 2020, le G20 était convenu d’un cadre commun pour la restructuration de la dette des PMA, mais sa mise en œuvre piétine depuis.

Les vingt pays les plus riches du monde «peinent à avancer en partie à cause de divisions géopolitiques et c’est évidemment une source d’inquiétude», a-t-il noté, relevant que ceux à qui plus personne ne veut prêter de l’argent devaient accepter des taux éreintants de 12 à 14%.

Dans le même temps, des pays africains comme le Nigeria, le Mali ou le Burkina Faso ont reculé de 10 à 20 ans en termes de développement, notamment sous le poids des violences politiques et attaques jihadistes. Avec à la clé «l’effondrement de la gouvernance et, au final, de la plateforme économique sur laquelle un pays doit opérer».

Au-delà des seuls PMA, la conjoncture mondiale affaiblit aussi la capacité des pays à revenus intermédiaires à investir dans les énergies renouvelables, a estimé Achim Steiner.

Or la guerre en Ukraine a considérablement augmenté l’importance de l’indépendance énergétique, ce qui devrait se traduire par une «augmentation exponentielle» des investissements dans les énergies propres dans les trois à cinq prochaines années, a-t-il noté.

Une transition énergétique que le Nord doit accompagner. «Nous devons être plus intelligents dans notre façon de faciliter ces transitions» et d’aider ces pays à ne pas être «encore plus vulnérables» dans les moments cruciaux, a-t-il suggéré.

Mais «en période de crises, au moins dans certains pays développés, il y a un recul de l’engagement d’investir l’un chez l’autre». «C’est regrettable, c’est sérieux».

Par Le360 (avec AFP)
Le 05/03/2023 à 07h18