Alper Gezeravci, un pilote de chasse de 43 ans, dont 21 dans l’armée de l’air, s’apprête à décoller pour l’ISS dans la nuit de mercredi à jeudi (à 22H11 GMT) depuis la base de Cap Canaveral, en Floride (sud-est des États-Unis), pour une mission de 14 jours. L’astronaute turc y conduira 13 expériences préparées par les universités du pays.
Il rejoindra la station internationale en compagnie d’un Suédois, d’un Italien et d’un Espagnol à bord d’une navette privée de la société Axiom, qui assurera ainsi sa troisième mission en partenariat avec l’agence spatiale américaine Nasa.
«Nous voyons cette mission comme le symbole d’une Turquie de plus en plus puissante et affirmée», a estimé mardi soir le président turc Recep Tayyip Erdogan. «Que ce voyage de notre frère Alper soit bénéfique à toute notre nation et à notre jeunesse», a ajouté le chef de l’État, qui avait lui-même introduit cette mission entre les deux tours de l’élection présidentielle, en mai 2023.
Ces premiers pas dans l’espace tombent à pic pour le président, soucieux d’imposer son pays sur la scène internationale. Pour Marc Pierini, diplomate et chercheur associé à l’Institut Carnegie Europe, qui salue «un véritable succès» avec cette première mission d’un astronaute turc, «elle n’a aucun rapport avec la capacité de la Turquie à être un acteur qui influencerait l’agenda politique mondial».
«Événement historique»
«Les fluctuations de sa politique étrangère ne laissent pas à Ankara l’espoir de jouer un rôle moteur sur la scène internationale», prédit-il, citant les atermoiements de la Turquie sur l’Otan, sa position sur le conflit ukrainien -dans lequel elle cherche à ménager les deux parties-, et son appui au Hamas palestinien, qu’elle a qualifié de «mouvement libérateur» face à Israël.
Néanmoins la Turquie mène un programme spatial sérieux à travers ses satellites et son agence spatiale, créée en 2018. «Cet événement historique va permettre de valider des objectifs technologiques et de galvaniser la fierté nationale du peuple turc», se félicite Halit Mirahmetoglu, directeur du Centre de l’espace et l’aviation Gühem, basé à Bursa (ouest de la Turquie).
L’envoi du premier Turc sur l’ISS était le premier des 10 objectifs de la stratégie spatiale turque présentée en 2021, rappelle le responsable qui est en route pour la Floride. Alors qu’Ankara s’illustre depuis plusieurs années avec ses drones de combat, à la fois performants et bon marché, M. Mirahmetoglu insiste sur «l’interconnexion des industries de l’aviation, de l’espace, de la défense et des logiciels».
La Turquie veut dès lors compter parmi les grandes nations spatiales: elle sait déjà «conceptualiser, construire et gérer les opérations de ses satellites géostationnaires et en orbite basse» et compte bien aller plus loin, assure-t-il, vers un «écosystème spatial» complet.
Quant au héros du jour, Alper Gezeravci, il mesure tout le poids symbolique de sa mission, se disant prêt à «emporter les rêves du peuple turc dans les profondeurs de l’espace». «Ce voyage n’est pas une finalité pour nous, juste le moyen de parvenir aux objectifs de nos études spatiales», a-t-il déclaré à l’agence officielle Anadolu.