Le SARS-CoV-2, virus responsable du Covid-19, serait sorti d'un laboratoire chinois basé à Wuhan. C’est ce qu’a affirmé hier, 16 avril 2020, dans un podcast diffusé sur le site français Pourquoi Docteur, le Professeur Luc Montagnier.
Une thèse complotiste, accréditée par un Prix Nobel de Médecine controverséColauréat avec Françoise Barré-Sinoussi et Harald zur Hausen du Prix Nobel de physiologie ou de médecine, pour la découverte, en 1983 du VIH, le virus responsable du sida, Luc Montagnier ne croit pas à l’hypothèse d’une contamination à l'intérieur du marché de Wuhan et affirme que «c'est une belle légende».
«Le virus sort d'un laboratoire de Wuhan», affirme ce biologiste, virologue renommé, mais pourtant décrié par ses pairs pour les nombreuses thèses contestées qu’il a déjà à son actif, notamment sa théorie selon laquelle des ondes électriques seraient émises par l’ADN, ou encore qu’un système immunitaire renforcé par une bonne hygiène de vie permet d’être protégé du Sida.
Il n’en demeure pas moins que selon le Professeur Montagnier, des manipulations génétiques auraient été effectuées dans un laboratoire de Wuhan, où des chercheurs auraient tenté d’utiliser un coronavirus pour mettre au point un vaccin contre le Sida. «C’est un travail d’apprenti-sorcier», estime-t-il.
«Le laboratoire de la ville de Wuhan s'est spécialisé sur ces coronavirus depuis le début des années 2000. Ils ont une expertise dans ce domaine», déclare-t-il ainsi.
Mais au delà de ces affirmations qui ne reposent, à ce jour, sur aucune preuve concrète, Luc Montagnier explique avoir analysé «dans les moindres détails» la séquence avec son collègue mathématicien Jean-Claude Perez.
«On n’a pas été les premiers, puisqu'un groupe de chercheurs indiens a essayé de publier une étude qui montre que le génome complet de ce coronavirus [a] des séquences d'un autre virus, qui est le VIH, le virus du sida», poursuit-il.
Pour Luc Montagnier, il ne peut s’agir en aucun cas d’une mutation naturelle dans le corps d’un malade atteint du Sida, comme pourraient arguer certains détracteurs de cette thèse, car selon lui, «pour insérer une séquence de VIH dans le génome il faut avoir des outils moléculaires», chose qui n’est pas à la portée de tout le monde.
Luc Montagnier, fervent opposant à la vaccination (ce qui lui vaut de nombreuses inimitiés), assure toutefois que la nature, qui «ne tolère pas n’importe quelles constructions moléculaires», serait en train d’éliminer cette séquence ajoutée par l’homme.
«Elle (la nature) essaie de l’éliminer, argue-t-il, en basant sa théorie sur «le nombre de mutations spectaculaires» auxquelles on assiste en ce moment.
«Les morceaux altérés, ajoutés par l’homme, sont enlevés par la nature en passant d’un patient à un autre», vulgarise-t-il en prenant l’exemple des patients américains, «les derniers infectés».
«Sur la côte Ouest, à Seattle, le virus qui infecte connaît une dégringolade énorme dans cette petite partie du génome du coronavirus» explique-t-il ainsi.
Selon lui, «c’est une lueur d’espoir. Car même si on ne fait rien, les choses vont s’arranger, mais quand même au prix de beaucoup de morts».
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A l’origine de cette thèse, une étude indienneCette étude indienne, réalisée par des chercheurs travaillant dans deux universités prestigieuses de New Delhi, a été publiée sur le site BioRxiv, avant d’être supprimée. Elle évoquait «une similarité étrange», «qui a peu de chances d’être fortuite», dans les séquences d’acides aminés d’une protéine du SARS-CoV-2, virus responsable du Covid-19, et celui du VIH-1.
Dans le texte initial, les chercheurs désignent ces séquences comme des «insertions», mais sans toutefois indiquer la manière dont elles auraient été insérées. Car au delà d’une manipulation humaine, il arrive aussi que des virus intègrent des bouts du génome d’autres virus. Les auteurs de l’étude s’avancent toutefois, en déclarant que ces insertions ne peuvent que difficilement être le produit du hasard.
Et de là à voir dans ces propos un complot, il n’y a qu’un pas…
Pourquoi cette thèse est-elle contestée? Tout d’abord parce que le site BioRxiv permet de publier des rapports préliminaires, sans que ceux-ci n'aient préalablement fait l'objet de relectures par des professionnels, comme c’est le cas des articles publiées dans des revues savantes.
Ensuite, parce qu’une fois que la communauté scientifique s’est penchée sur cette étude indienne, les scientifiques ont souligné le fait que les similitudes relevées étaient en réalité banales et communes à de nombreux virus.
En constatant que leur thèse servait surtout à alimenter des théories du complot, les chercheurs indiens ont préféré supprimer l’étude du site, sur lequel on peut désormais lire: «Ce document a été retiré par ses auteurs. Ils ont l'intention de le réviser en réponse aux commentaires reçus de la communauté des chercheurs sur leur approche technique et leur interprétation des résultats».
Mais derrière cette suppression, Luc Montagnier, lui, voit des pressions qui auraient été exercées sur les chercheurs indiens. Qu’à cela ne tienne, «la vérité scientifique finit toujours pas éclater au grand jour», conclut-il.
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Quand Washington s’en mêleCe débat qui agite la sphère scientifique gagne également les hautes sphères de la politique. En effet, la thèse d’un virus né dans un marché de Wuhan semble convaincre de moins en moins, et des responsables américains évoquent à leur tour la piste d'une erreur humaine.
Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a ainsi indiqué que les Etats-Unis «enquêtaient» pour faire toute la lumière sur les origines du virus qui aurait pu s’échapper d’un laboratoire de Wuhan.
«Nous menons une enquête exhaustive sur tout ce que nous pouvons apprendre sur la façon dont ce virus s’est propagé, a contaminé le monde et a provoqué une telle tragédie», a déclaré le chef de la diplomatie américaine sur la chaîne Fox News.
«Rien que le fait qu’il faille poser ces questions, rien que le fait que nous n’en connaissons pas les réponses, que la Chine n’a pas partagé les réponses, cela en dit long», a décrété Mike Pompeo.
«Ce que nous savons, c’est que ce virus est né à Wuhan, en Chine», a-t-il indiqué. «Ce que nous savons, c’est que l’Institut de virologie de Wuhan n’est qu’à quelques kilomètres du marché de rue. Il y a encore beaucoup à apprendre », a-t-il insisté.
Selon le Washington Post, l’ambassade des Etats-Unis à Pékin, à la suite de plusieurs visites à l’Institut de virologie de Wuhan, avait alerté à deux reprises, il y a 2 ans, le département d’Etat américain sur les mesures de sécurité insuffisantes dans ce laboratoire qui étudiait les coronavirus chez les chauves-souris.
De son côté, Fox News rapporte que «plusieurs sources», dont la chaîne ne précise pas la nature, pensent désormais que l’actuel coronavirus émane de ce même laboratoire. Toutefois, la chaine américaine conservatrice évoque un virus naturel étudié en laboratoire et ne surfe pas la vague des thèses complotistes selon lesquelles il aurait pu s’agir d’un agent pathogène créé par les autorités chinoises, voire d’une arme bactériologique.
Sa «fuite» ne serait pas volontaire, mais due aux mauvais protocoles de sécurité de cet institut, pourtant censé respecter les normes les plus strictes. Dans cette hypothèse, le «patient zéro» serait donc un employé de ce laboratoire, qui aurait ensuite propagé le virus dans la population après avoir été accidentellement contaminé.
Mais qu’en pense le Président américain? Interrogé mercredi à la Maison Blanche, Donald Trump s’est montré évasif.
«Je peux vous dire que nous entendons de plus en plus cette histoire. Nous allons voir», a-t-il répondu, assurant que cette «horrible situation» faisait l’objet d’un «examen très approfondi». Son secrétaire d’Etat n’a, lui, démenti ni les informations du Washington Post, ni celles de Fox News.
Et les Etats-Unis ne sont visiblement pas le seul pays à s’interroger sur les origines de cette pandémie. En effet, Emmanuel Macron a estimé pour sa part qu’il existait «des zones d’ombre» dans la gestion de l’épidémie de coronavirus par la Chine, déclarant au Financial Times qu'il y avait «manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas».
Confrontée à ces doutes émis de part et d’autre, la Chine a fait connaitre sa position en démentant la possibilité d’une erreur humaine.
Interrogé hier, jeudi, à ce sujet, un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, a déclaré selon l'AFP que «de nombreux experts médicaux réputés dans le monde estiment que l’hypothèse d’une soi-disant fuite n’a aucune base scientifique», estimant que l’origine du virus devait faire l’objet d’études de spécialistes. Mais de plus en plus de pays pensent que la Chine n’a pas dit toute la vérité sur la naissance de ce virus, qui paralyse actuellement la planète.