Batna, Bejaia, Boumerdes, Blida, Bouira et Chlef, Tipaza, Oran, Tlemcen, Saida et Sidi Bel-Abbes ont vécu une soirée infernale dans la nuit de vendredi 6 à samedi 7 novembre. De gigantesques incendies se sont en effet déclarés dans les forêts avoisinant ces villes de l’ouest et du centre de l’Algérie.
Deux personnes auraient péri dans ces incendies, selon les pompiers de la Protection civile qui, malgré d’importants renforts de l’armée, ont rencontré d’énormes difficultés pour maîtriser rapidement le sinistre, dont l’origine reste inconnue. Cependant, la simultanéité de ces incendies de forêts, en pleine période automnale, ouvre la voie à de nombreux questionnements.
Mais au lieu de faire face à leur ineptie et à leur incompétence chronique à faire face aux difficultés, les autorités algériennes, comme à leur habitude, ressortent la thèse du complot et la main de l'étranger.
En effet, et alors que la réponse aux causes de ces feux de forêts ne peut venir que d’une enquête impartiale, les théories les plus farfelues commencent déjà à fuser. La suspicion d’une certaine presse algérienne, prompte à voir des mains de l’extérieur partout, s’est déjà tournée vers le Maroc. Elle accuse tour à tour des migrants clandestins infiltrés par les services de renseignement marocains et des terroristes venus du Maroc pour mener des actions de déstabilisation en Algérie!
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«Ces attaques, ayant eu lieu dans le centre et l’ouest du pays, rendent l’hypothèse que celles-ci sont l’œuvre de terroristes infiltrés par la frontière ouest assez plausible. D’autant qu’un plan de déstabilisation du pays à partir du Maroc, au tout début du Hirak, vers le mois de mars 2019, avait été découvert…», écrit un site algérien connu pour ses accointances avec les services. Avant d’ajouter: «De toute évidence, il est plus aisé pour ces terroristes de s’infiltrer dans les zones proches de la frontière ouest du pays où ils disposaient certainement de complicités pour la préparation de ces attaques et de lieux de repli.» Rien que cela!
Le même délire est repris presque mot à mot par Saïd Bensdira, un youtubeur actif depuis Londres, naguère critique à l’égard du régime avant d’être récupéré pour mener la guerre à l’opposant Larbi Zitout et s’ériger en relai de la propagande algérienne. Dans son intervention, Saïd Bensdira incite les Algériens à mener la guerre aux résidents marocains en Algérie, accusés d’être des espions. Sans la moindre preuve, il martèle que le Makhzen est en train de détruire l’Algérie avec l’aide de drones israéliens.
Cependant, cette tentative classique visant à détourner les regards des Algériens vers l’extérieur intervient à un moment où il y a réellement le feu dans la demeure algérienne. La mort du Moudjahid du Hirak, Lakhdar Bouregaâ (87 ans), décédé mercredi dernier dans une clinique de la police algérienne, a failli allumer une nouvelle explosion populaire, dont a peur le pouvoir algérien. Un pouvoir plombé non seulement par l’hospitalisation à l’étranger du président Abdelmadjid Tebboune, mais encore sous le choc de la débâcle du référendum constitutionnel de dimanche dernier.
Ajoutons à cela la propagation effrénée du Covid-19 qui frappe dans toutes les institutions régaliennes du pays, à commencer par la présidence et l’armée, alors que le pouvoir algérien avait cru mener la bonne politique en publiant des bilans quotidiens ridiculement bas. Ce qui le confronte à un mensonge d’Etat qui a désarmé les citoyens face au virus en leur laissant croire qu’il avait été dompté. Une irresponsabilité criminelle qui laissera des traces durables. Si dans ce cocktail, on ajoute la baisse durable du prix des hydrocarbures qui constituent 98% des exportations algériennes, on comprend que la main de l’étranger– aussi grossière qu’elle puisse paraître– est le seul ressort qui reste aux autorités algériennes pour donner l’illusion d’une maîtrise de la situation.