De nouveau, ils soufflent sur les braises, comme l’atteste un récent discours du chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Saïd Chengriha, laissant entendre que le sceptre de l’islamisme violent plane encore sur l’Algérie. Est-ce le signal pour pousser Tebboune vers le banc de touche, comme cela été fait pour Chadli Bendjedid?
Mardi 25 avril, Saïd Chengriha, a prononcé à l’École supérieure de guerre son deuxième discours en l’espace de 6 jours. Mais c’est son intervention de jeudi 20 avril dernier, à la caserne des Forces de défense aérienne du territoire, nom de l’armée de l’air algérienne, qui a suscité beaucoup d’interrogations. Selon lui, l’Algérie est «une fois encore, face à de sinistres tentatives visant la sécurité et la stabilité de la nation. Ces vaines tentatives se sont manifestées dernièrement par le retour des activités de certains intégristes connus pour leurs discours religieux extrémiste, qui rappelle les années 90 du dernier siècle». Il est vrai que le ramadan qui vient de se terminer a été l’occasion pour les Algériens, à l’instar des fidèles dans tous les pays musulmans, de fréquenter en masse les mosquées durant ce mois de piété.
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Saïd Chengriha profite de ce regain de piété, somme toute habituel à chaque mois de ramadan, pour accuser ceux qu’il qualifie d’intégristes d’utiliser la religiosité des Algériens en vue d’«atteindre des objectifs politiciens douteux, qui s’inscrivent dans le cadre de projets destructeurs et d’agendas étrangers hostiles». En d’autres termes, c’est aussi une main étrangère qui serait derrière la résurrection du présumé intégrisme islamiste en Algérie, dont les activités sont menées «ouvertement», d’après Chengriha, «alors qu’elles se faisaient clandestinement et dans des espaces clos, sur instigation de cercles subversifs hostiles, qui nous ont habitués à ce genre de manœuvres à chaque fois que l’Algérie retrouve, en un temps réduit, son rôle pivot sur les scènes régionale et internationale».
Pour ceux qui en doutaient encore, ce discours éminemment politique, qui aurait dû être l’apanage du président algérien ou de son ministre de l’Intérieur, mais prononcé par le général Said Chengriha devant des cadres de l’armée de l’air, qui prenaient assidûment des notes écrites, exactement comme le font les généraux du dictateur nord-coréen, Kim Jong Un, donne la preuve que l’armée algérienne n’est pas seulement le principal parti politique en Algérie, mais constitue surtout, de par les nombreux services de renseignement qui lui sont directement rattachés, le laboratoire où sont produits à la chaîne les leurres et mensonges visant à tromper et terroriser les Algériens.
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D’ailleurs, frôlant le lapsus, Chengriha a déclaré que «le peuple algérien, qui a enduré les tourments du terrorisme barbare et a souffert des affres d’une cruauté aveugle, ne leur (les islamistes ou les généraux? NDLR) permettra jamais de le leurrer une nouvelle fois».
La question qui se pose est de savoir pourquoi Chengriha remet au goût du jour, à ce moment précis, la décennie noire des années 90 du siècle dernier? Est-ce pour rappeler aux Algériens que les généraux sanguinaires Mohamed Mediène, dit Toufik, ancien patron du sinistre Département du renseignement et de la sécurité (DRS), et Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, les deux principaux instigateurs du coup d’État contre le processus démocratique naissant en Algérie et le déclenchement en janvier 1992 de la sanglante guerre civile, sont toujours aux commandes? Et cela sans oublier le retour aux affaires de leurs acolytes dont, entre autres, Saïd Chengriha lui-même, le général Djebbar M’Henna, actuel chef des renseignements extérieurs algériens, le général Hassan Aït Ouarabi, le général Nacer El Djenn, le colonel Hocine Hamid, dit Hocine Boulahya, etc.
Est-ce la preuve des limites des généraux algériens dont le logiciel de fonctionnement est durablement enraciné dans le monde avant la chute du mur de Berlin et conditionne toutes leurs grilles de lectures? Est-ce une mise en garde à peine voilée adressée au président Terbboune, engagé dans une campagne électorale pour un second mandat qui n’a pas encore reçu le feu vert des militaires? Les propos menaçants de Chengriha ne peuvent se lire indépendamment des élections présidentielles, prévues fin 2024. Au début des années 90, le président Chadli Bendjedid a été contraint à démissionner par les militaires qui avaient brandi l’épouvantail de la menace islamiste.
Nombre de généraux qui avaient désigné un «haut comité de l’État» pour diriger l’Algérie après la démission de Bendjedid sont toujours aux commandes en Algérie. Pour avoir dit à Al Jazeera qu’un pays n’est jamais puissant par son armée, mais par son économie développée, Tebboune a été remis sèchement à sa place par l’armée dans le dernier numéro de la revue «El Djeïch» du mois d’avril qui a titré, en réponse, que l’Algérie est un État «fort par son armée».
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Les prochains mois sont ceux de tous les dangers pour Abdelmadjid Tebboune. Par ailleurs, le nouveau discours menaçant de Chengriha intervient moins d’un mois après les «fuites» savamment distillées par le clan Khaled Nezzar. Selon ce dernier, les anciens généraux du clan «badissiste-novembriste» de feu le général Gaïd Salah sont en train de peaufiner leur ancien projet d’alliance avec les islamistes de Rachad et du Front islamique du salut (FIS - dissous) pour prendre le pouvoir en Algérie et renvoyer les «janviéristes» en prison.
Comme exemple de cette présumée manœuvre, les porte-voix de Nezzar-Toufik citent les raisons du limogeage du général Abdelaziz Nouiouet Chouiter, bientôt jugé et emprisonné. Débarqué le 7 mars dernier de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), moins de six mois après sa nomination, le 11 septembre 2022, Chouiter serait accusé d’avoir coordonné et transmis des informations sensibles aux généraux en prison, Wassini Bouazza, ancien DGSI sous Gaïd Salah, et Abdelhamid Ghris, ancien SG du ministère de la Défense, en vue de comploter contre le duo Nezzar-Toufik. La menace du retour de l’intégrisme religieux en Algérie n’augure de rien de bon. Les mois à venir sont ceux de tous les dangers et la façade du pouvoir civil est celle qui est visiblement ciblée.