«L’axe Ouargla-Nouakchott». Tel est l’itinéraire imaginaire ressassé par les médias et les officiels algériens, à leur tête le président Abdelmadjid Tebboune lui-même, pour justifier la présence dans une zone tampon du Sahara occidental de camions algériens, dont les chauffeurs auraient, selon Alger, été tués par des tirs de l’armée marocaine le 2 novembre 2021.
Si la première information annonçant cet incident l’a situé sur le territoire mauritanien, avant d’être retirée après le rapide démenti de l’état-major de l’armée mauritanienne, la prétendue destination des camions, à savoir la capitale mauritanienne, a été maintenue. Et c’est ce dernier mensonge qui a irrité le plus les autorités mauritaniennes.
Car non seulement l’axe routier Ouargla-Nouakchott n’a jamais existé, mais le trafic commercial routier entre l’Algérie et son voisin du Sud est tout simplement interrompu dans son ensemble depuis mars dernier, sur décision des autorités mauritaniennes qui ont invoqué des raisons de sécurité, liées aux tentatives d’infiltration de miliciens du Polisario vers la zone d’El Guerguerat.
Pour rappel, c’est suite à cette interruption du trafic, qui n’a pas été officiellement annoncée, mais notifiée par des canaux sécuritaires et diplomatiques aux autorités algériennes, que ces dernières ont dépêché leur ministre de l’Intérieur, Kamel Beldjoud, à Nouakchott, où il a débarqué le 1er avril 2021. Avant son retour chez lui, le même jour, il a procédé à la signature d’un protocole d'accord créant une «commission bilatérale des frontières», dont l’objectif prétendu est de booster la sécurité et les échanges tous azimuts au niveau des régions frontalières communes aux deux pays.
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Or, quelques jours seulement après le passage du ministre algérien à Nouakchott, on découvre qu’il n’avait pas réussi à faire plier les Mauritaniens en vue de laisser la voie ouverte au déjà très faible trafic commercial routier entre les deux pays. En effet, le 12 avril 2021, l’agence de presse officielle algérienne (APS) a annoncé l’«ouverture d'une ligne maritime destinée à l'exportation entre Alger et Nouakchott».
Un responsable algérien avait alors déclaré à l’APS et à la radio nationale algérienne, lors du lancement de cette ligne maritime Alger-Nouakchott, que «le convoyage des produits algériens vers la Mauritanie par voie maritime va permettre de les exporter plus facilement vers le Mali et le Sénégal ainsi que d’autres pays africains». Exit donc le passage terrestre entre les deux pays, ouvert pour la première fois en juillet 2018, même si la nouvelle ligne maritime n’a pas survécu non plus à son premier voyage. Un passage, créé juste pour perturber la liaison Maroc-Mauritanie, désormais fermé et certainement pour de bon.
Du moment donc que les frontières algéro-mauritaniennes sont fermées à la circulation, sauf cas exceptionnels, pourquoi l’Algérie s’entête-t-elle à faire croire que ses camionneurs, tués au Sahara occidental, se dirigeaient vers la Mauritanie?
C’est cette insistance algérienne sur l’inexistant axe Ouargla-Nouakchott qui a sorti les autorités mauritaniennes de leurs gonds. Ainsi, après avoir officiellement démenti toute présence ou attaque contre des camions algériens sur le sol mauritanien, Nouakchott a rapidement réagi en envoyant à Alger son ministre de l’Intérieur, Mohamed Salem Ould Merzoug, porteur d’un message verbal au président Abdelmadjid Tebboune.
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Evidemment, et même si les médias officiels mauritaniens ont très brièvement abordé cette visite, sans en déterminer l’objet, ni la durée, il est clair qu’il s’agit d’exiger des autorités algériennes de cesser leurs tentatives répétées d’entraîner la Mauritanie dans des incidents qui ne la concernent pas.
Pour mieux gommer l’objet réel de la visite de Mohamed Salem Ould Merzoug, l’Agence de presse algérienne a annoncé le lundi 8 novembre, et à la surprise générale, «l'ouverture des travaux de la première session du Comité bilatéral frontalier algéro-mauritanien», et la signature d’un projet de création d’une zone de libre-échange entre les deux pays.
Bien que reçu le jour même de son arrivée par le président Abdelmadjid Tebboune, le ministre mauritanien de l’Intérieur est maintenu quatre jours durant (du 7 au 10 novembre) à Alger, et subit tout un programme improvisé: visites dans différents services de la police algérienne, de la protection civile, virée à l’Ecole nationale d’administration d’Alger… avant d’achever ce marathon algérien par une rencontre avec le Premier ministre, Aymen Benabderrahmane.
Cette tendance à vouloir impliquer en permanence la Mauritanie n’est pas près de se dissiper en Algérie, comme le prouve la mort récente d’un dirigeant militaire du Polisario. Ce dernier aurait été tué ce mardi par l’armée marocaine non loin du mur de défense, alors qu’il circulait dans un véhicule banalisé portant une plaque minéralogique… mauritanienne.