En juillet dernier, le Maroc donnait l’exemple en Afrique en légalisant le cannabis à usage médical et industriel. Bien entendu, cela implique des contrôles stricts de l’offre et de la demande. Aujourd’hui, le royaume a tout à gagner en allant encore plus loin. C’est en tout cas ce que semblent défendre des chercheurs internationaux, comme Khalid Tinasti, Secrétaire exécutif de l'ONG suisse GCDP (Global Commission on Drug Policy) et chercheur invité au Global Studies Institute de l'université de Genève. Dans la version électronique de Jeune Afrique du 16 septembre, il explique pourquoi il est déjà temps de «s’occuper» de l’usage récréatif de cette plante.
Mais avant, rappel de quelques faits: au Maroc, les montagnes du Rif sont le premier producteur illicite mondial de cannabis. La superficie cultivée était estimée en 2018 à 47.500 hectares, et une grande partie de la production, utilisée par des trafiquants, est souvent saisie par les autorités européennes. La légalisation telle que décrétée par le Maroc permet donc, selon Khalid Tinasti, de réduire les nuisances des trafiquants et de développer une filière juridiquement et financièrement protectrice des paysans du Rif. C’est d’ailleurs dans cette même lignée que se sont inscrits les membres de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) qui, dans leur rapport final, recommandaient également cette légalisation pour usages médical et industriel afin de valoriser ce secteur économique et de protéger les paysans.
Aujourd’hui, et même si cette légalisation est encore récente, il est déjà temps pour le Maroc d’envisager d'aller plus loin. Dans Jeune Afrique, le Secrétaire exécutif du Global Commission on Drug Policy appuie la proposition du rapport sur le nouveau modèle de développement. Les peines de prison seraient, selon cette recommandation, remplacées par des sanctions civiles et administratives, accompagnées tout de même par un renforcement des mesures préventives. Pour le chercheur, cette position de la CSMD, «qui semblait révolutionnaire il y a encore quelques mois, est somme toute juste, pragmatique et ancrée dans l’environnement politique, social et culturel». Elle est également en ligne avec le droit international et les meilleures pratiques mondiales.
A ce niveau, l’initiative entreprise par le Portugal en 2001 est présentée comme un modèle en la matière. A l’époque, le gouvernement local, mené par l’actuel SG de l’ONU, Antonio Guterres, avait mis en place un dispositif efficace de dépénalisation. Il s’est matérialisé par la création de «commissions de dissuasion devant lesquelles les consommateurs pouvaient recevoir une sanction pécuniaire pour usage occasionnel, ou avoir un premier contact avec les services sanitaires en cas d’usage problématique», écrit le chercheur dans Jeune Afrique. Résultats: le problème de surpopulation des prisons a sensiblement baissé. Au Maroc, où la problématique de la surpopulation carcérale est encore plus importante, et où une bonne partie des détenus le serait pour des faits liés à la consommation et la détention de cannabis, on devrait logiquement assister aux mêmes effets en cas de dépénalisation.
Certes, aucune donnée ne permet aujourd’hui de prouver un quelconque impact de la dépénalisation sur la baisse du trafic et de l’usage illicite de la culture de cannabis. Cependant, «la dépénalisation représente une politique de réduction des risques permettant des investissements orientés vers la prévention, l’éducation et l’intégration sociale», écrit aussi le chercheur de GCDP. Alors, le prochain gouvernement entendra-t-il cet appel?