Dans un discours prononcé hier à l'ouverture des travaux de la rencontre annuelle entre le gouvernement et les walis, sous la thématique de la «promotion de l’économie nationale et développement local», le président algérien Abdelmadjid Tebboune n’a pas manqué de disserter à sa façon sur nombre de questions régionales.
«Concernant le dossier du Sahara», a-t-il dit, «nous le considérons comme une question de principe pour l’Algérie, parce que ce dossier relève de la Commission de décolonisation de l’ONU».
Cette déclaration est surprenante à plus d’un titre, puisque le président algérien en appelle ici à l’ONU alors que son pays a fermement rejeté en novembre dernier, dans un communiqué officiel, la dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara, à savoir la résolution 2602, votée le 31 octobre 2021 à la majorité écrasante des 15 membres de l’exécutif onusien (13 voix pour et 2 abstentions: celle de la Russie et de la Tunisie vassalisée).
Autrement dit, un vieux principe éculé qui traîne encore dans la paperasse d’une simple commission onusienne qui n’a d’ailleurs plus de raison d’être, est encore brandi par l’Algérie comme expédient pour s’opposer aux décisions récentes de la plus haute et plus puissante instance de l’ONU.
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C’est donc un président hors-sol et compulsif qui a martelé devant les agents d’autorité de son pays, ainsi que l’inévitable chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Saïd Chengriha, assis au premier rang: «nous n’avons aucune visée sur le territoire d’autrui». A quoi bon alors armer et financer le Polisario et renforcer régulièrement ses milices avec les enfants des camps sahraouis de Tindouf?
Le président algérien a également fait montre d’ingratitude à l’égard du Maroc en affirmant que l’Algérie, le Mali, le Niger et la Libye sont liés par des liens familiaux très forts, sans parler, dans le même registre, de son voisin marocain, avec lequel il partage, historiquement et plus que tout autre pays de la région, la plus forte communauté de liens.
Pire encore, Tebboune défend le séparatisme au Maroc, alors qu’il affirme s’y opposer fermement, heureusement d’ailleurs, au Mali: «nous n’accepterons jamais que le nord du Mali se sépare de son sud».
De même, en abordant le dossier libyen, le président algérien a indirectement renié la solidarité du Maroc avec l’Algérie dans sa guerre de libération contre le colonialisme. Critiquant la politique de l’autruche que son pays a adoptée face à la crise libyenne, il a déclaré: «nous avons été impassibles face à notre voisin libyen qui partait en lambeaux. Nous avons fait semblent de ne rien voir, ni entendre. Même chose au Sahel… Notre politique est de soutenir les peuples qui nous ont soutenus, comme le peuple libyen». Pas la moindre référence, donc, aux sacrifices du peuple marocain qui a activement aidé le peuple algérien à arracher son indépendance.
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Tebboune s’est aussi livré à un exercice qui ressemble à la présentation, tout en rose, de son bilan de mi-mandat.
Avant son arrivée au pouvoir, dit-il, la «diplomatie algérienne était dans la gadoue depuis plusieurs années». C’est finalement grâce à lui, à l'en croire, qu’elle a repris de la vigueur aujourd’hui, au point que «le secrétaire général de l’ONU, les Etats-Unis d’Amérique, l’Union européenne, la Chine et la Russie sont unanimes à reconnaître que l’Algérie joue un rôle important dans la sécurité et stabilité au niveau de tout son voisinage, mais aussi en Afrique», a-t-il assuré avec aplomb.
Avec l’entrisme que permet le régime algérien au chiisme des mollahs d’Iran et le soutien financier et militaire aux séparatistes du Polisario, «l’Algérie de la paix» que promeut Tebboune est dans les faits très éloignée de ce qu'est ce pays haineux, malade de son identité, qui mobilise de très importants moyens financiers, et toute sa diplomatie, à la seule fin de contrer l’intégrité territoriale de son voisin de l’ouest.
Comme d’habitude, Tebboune, qui a été à un doigt d’aller à la prison d’Al Harrach, tout comme les anciens Premiers ministres de Bouteflika, avant d’être parachuté par le défunt chef de junte, Gaïd Salah, à la Mouradia, a fait parler de faux chiffres. Sur le plan de la lutte contre la pauvreté, «il ne reste que 18% de zones d’ombre, alors que 82% ont été traitées avec succès», a-t-il tonné, toute honte bue. Les harragas algériens qui arrivent par centaines chaque jour sur les côtes espagnoles apprécieront sans doute ces «succès» claironnés par un président à la fois illégitime et hors-sol.
L’Algérie a réalisé «5 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures pour cette année 2022», a-t-il encore lâché, sans sourciller. Ce qui n’est pas mal comme record commercial pour un pays qui n’exporte, hors hydrocarbures, que des dattes truffées de pesticides, au point qu'elles constituent le chemin le plus court à différentes formes de cancer. Ce pays qui importe tout, y compris des maçons chinois pour construire des logements sociaux, serait donc en train de créer un miracle continental en dopant les exportations...
Malgré ce mépris patent pour le destin des Algériens, dont les besoins les plus urgents sont ignorés par leurs dirigeants, Tebboune n’a pas hésité à affirmer que «le citoyen, c’est l’alpha et l’oméga de ce pays». S’il a dit être «fier» de la nouvelle chambre des députés, «élue dans la transparence et loin de l’argent sale… même si c’est avec un faible taux de participation», il fait semblant d’oublier que le citoyen algérien l’a rejeté, lui, sa nouvelle constitution et sa «nouvelle Algérie».
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Tebboune a été élu en décembre 2019 à l’issue d’une présidentielle où le taux de participation a culminé –selon les chiffres officiels– à quelque 39% seulement (dont 16% de votes blancs) sur 24,4 millions d’électeurs inscrits. Son élection a été immédiatement rejetée par le Hirak à travers son slogan-culte: «Tebboune lamzawar, jabouh Laaskar» («Tebboune l’usurpateur a été imposé par les militaires»).
Cette tendance au rejet s'est d'ailleurs confirmée lors du référendum constitutionnel de 2020, où 5,6 millions de votants seulement se sont exprimés, soit un taux de participation de 23,7%. Ces records historiques de boycott des élections sont officiellement confirmés par l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). Les chiffres réels doivent donc être bien en deçà de ceux communiqués par cette autorité.
Conscient de cette réalité, qui confère un caractère illégitime à sa présidence, Tebboune martèle, gesticule, menace, multiplie les coups de menton à la seule fin de simuler une autorité… à laquelle fait cruellement défaut le ralliement du peuple.