Diaspora: des identités plurielles ancrées dans leur marocanité

Jamal Belahrach, président de la Maison de la diaspora marocaine.

TribuneDans cette tribune, Jamal Belahrach, président de la Maison de la diaspora marocaine, livre une réflexion sur les identités multiples des Marocains du monde. Entre attachement aux traditions et hybridité culturelle, il explore les défis et les opportunités liés à l’intégration de la diaspora dans le projet de développement national, et appelle à une gestion rénovée, à même de renforcer son lien vital et indélébile avec sa marocanité.

Le 28/01/2025 à 08h57

Dans le dispositif de développement du Maroc, la question de l’identité et de l’intégration de la diaspora marocaine est un sujet d’une profonde actualité. D’autant plus à l’heure où, en réponse à l’appel de Sa Majesté le roi Mohammed VI, le pays cherche à redéfinir sa relation avec ses citoyens établis à l’étranger.

Avec plus de 5 millions de Marocains résidant à l’étranger, la diaspora représente une richesse humaine, culturelle et économique considérable pour le pays.

La diaspora marocaine a évolué depuis les premiers temps de l’émigration et, aujourd’hui, le profil des différentes générations complexifie l’approche pour pouvoir répondre aux différentes attentes. Il faut nécessairement analyser cette nouvelle démographie et cette nouvelle sociologie pour comprendre avec qui nous échangeons. Mieux qualifier, c’est mieux comprendre pour agir bien et durablement.

Incompréhensions, différences culturelles et défis de réintégration se posent avec acuité entre les Marocains de l’extérieur et ceux de l’intérieur. Comment surmonter ces obstacles pour construire une relation harmonieuse et mutuellement bénéfique? Comment transformer les différences en opportunités? Comment donner du sens à ce nouveau projet qui n’est pas anodin. Dans un monde en mutation et dans un Maroc qui se développe avec détermination, répondre à ces questions est l’affaire de tous.

La diaspora marocaine entretient avec son pays d’origine un lien nourri de préservation des traditions, de transmission de la langue arabe ou amazighe, et d’un attachement émotionnel profond. Pour beaucoup, le pays d’origine reste un ancrage identitaire, un point de référence culturel et familial. Cependant, ce lien n’est pas sans ambiguïtés. Les membres de la diaspora, en particulier les jeunes générations, ont souvent grandi dans des contextes culturels et sociaux très différents de ceux du Maroc. Ils ont été perméables à des systèmes éducatifs, des valeurs et des modes de vie qui ont façonné leur identité de manière hybride.

Cette hybridité culturelle est une force. Et parfois une source de tension. D’un côté, elle permet à la diaspora de jouer un rôle de passerelle entre le Maroc et le monde, en apportant des idées nouvelles, des compétences et des perspectives globales. De l’autre, elle peut créer un fossé avec les Marocains de l’intérieur qui ne partagent pas les mêmes références culturelles ou les mêmes attentes sociales. Les incompréhensions sont fréquentes, qu’il s’agisse des codes sociaux, des pratiques professionnelles ou même des modes de communication.

Il est crucial de rappeler que la diaspora marocaine n’est pas un bloc monolithique. Elle est, au contraire, extrêmement diverse et plurielle, tant dans ses origines que dans ses expériences, ses valeurs et ses attentes. Cette diversité doit être prise en compte afin de mieux comprendre les défis et les opportunités liés à l’intégration de la diaspora et à son rôle dans le développement du Maroc.

De qui parlons-nous?

La première génération est celle de nos parents, qui ont quitté le Maroc pour des raisons économiques. Ils ont maintenu un lien fort avec le Maroc, préservant les traditions, la langue et les valeurs culturelles. Ils concevaient leur retour au Maroc comme un aboutissement logique. Toutefois, ils n’avaient pas envisagé que leurs enfants s’ancreraient durablement dans le pays de résidence. C’est d’ailleurs pour rester «proches» de leurs enfants et de leurs petits-enfants que certains se font maintenant inhumer dans leur pays de résidence.

Ensuite viennent la deuxième et la troisième génération: les enfants et petits-enfants de la première génération. Nous avons grandi dans des contextes culturels et éducatifs très différents. Notre identité hybride mêle des éléments de notre héritage marocain à ceux de la culture de notre pays d’accueil. Pour nous, le Maroc est à la fois une source de fierté et de questionnement identitaire. Notre rapport au pays d’origine est plus complexe que celui de nos parents. Et j’en sais quelque chose.

Ensuite, il y a les étudiants et les professionnels expatriés. Ils sont généralement bien intégrés dans leur pays d’accueil, mais maintiennent un lien très fort avec le Maroc, notamment à travers des projets professionnels ou des initiatives de développement avec la famille restée au pays. Généralement, ils programment leur retour au Maroc après avoir acquis la nationalité du pays d’accueil et une belle expérience professionnelle pour mieux s’intégrer dans le milieu professionnel marocain.

«Les membres de la diaspora se heurtent parfois à des dynamiques sociales qu’ils ne comprennent pas, ou à des attentes décalées par rapport à leur expérience à l’étranger.»

Pour de nombreux membres de la diaspora, le retour au Maroc est un rêve, mais aussi un défi. Beaucoup aspirent à contribuer au développement de leur pays d’origine, que ce soit à travers des investissements, des projets entrepreneuriaux ou des initiatives sociales. Pourtant, ce retour est souvent semé d’embûches: différences culturelles et incompréhensions peuvent rendre l’intégration difficile. Les membres de la diaspora se heurtent parfois à des pratiques bureaucratiques complexes, à des dynamiques sociales qu’ils ne comprennent pas, ou à des attentes décalées par rapport à leur expérience à l’étranger.

Par exemple, les modes de gestion et de prise de décision dans le monde professionnel peuvent différer significativement de ce à quoi la diaspora est habituée. De même, les relations sociales, souvent basées sur des réseaux familiaux ou communautaires, peuvent paraître opaques à ceux qui ont vécu longtemps à l’étranger. Ces défis sont encore plus prononcés pour les jeunes générations de la diaspora qui peuvent se sentir déconnectées des réalités marocaines tout en étant tiraillées par leur désir de renouer avec leurs racines.

Pour relever ces défis, Sa Majesté a donné des orientations pour doter le pays d’une nouvelle doctrine pour la gestion de sa relation avec la diaspora. Cette doctrine pourrait reposer sur plusieurs piliers.

D’abord, identifier et définir ces diasporas marocaines pour apporter des réponses différenciées. Ensuite, pour mieux reconnecter ces diasporas à la société marocaine, il serait judicieux de créer le cadre d’une compréhension mutuelle en initiant des espaces de dialogue, des forums, des ateliers et des événements culturels pouvant servir de plateformes pour échanger des idées, des expériences et des perspectives. Ces échanges doivent être inclusifs et représentatifs de la diversité de la diaspora et de la société marocaine.

Pour renforcer cette connexion avec le Maroc, il est crucial de reconnaître et de valoriser les contributions de la diaspora -autres que le transfert des devises- que ce soit sur le plan économique, culturel ou social. Cela peut renforcer son sentiment d’appartenance et sa motivation à s’engager avec son pays d’origine.

Par ailleurs, pour faire société ensemble, il faut combler le fossé culturel et intellectuel en instaurant des programmes éducatifs et de sensibilisation (par exemple, des cours sur la culture marocaine pour la diaspora, ou encore des initiatives pour sensibiliser la société marocaine aux expériences de la diaspora).

En ce qui concerne les expériences de retour, le gouvernement et les organisations civiles doivent élaborer des politiques et des programmes facilitant l’intégration de la diaspora dans son pays d’origine, notamment des services d’orientation, des programmes de mentorat et des initiatives pour favoriser l’emploi et l’entrepreneuriat.

Les défis sont réels, mais les opportunités sont immenses. En surmontant les incompréhensions et en construisant une identité commune, le Maroc peut renforcer ses liens avec sa diaspora et en faire un acteur clé de son développement. Cela nécessite un effort concerté, fondé sur le dialogue, l’éducation et la reconnaissance mutuelle.

La diaspora marocaine n’est pas seulement une extension du Maroc à l’étranger: elle fait partie intégrante de son identité et de son avenir. En travaillant ensemble, la diaspora et la société marocaines peuvent construire un avenir partagé, fondé sur des valeurs communes et une vision collective du développement. C’est ce nouveau récit national que nous devons coécrire.

Le Maroc a tout à gagner à renforcer ces liens, car c’est dans l’unité et la diversité que réside sa véritable force. C’est l’invitation de Sa Majesté et, collectivement, nous devons être au rendez-vous.

Par Jamal Belahrach
Le 28/01/2025 à 08h57

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

En tant que MRE , je n’ai jamais supporté ce terme fort utilisé sans connaître sa vraie signification ! Nous ne sommes pas une communauté chassée de son pays ! Ce terme désigne habituellement les populations chassées de leur pays, qui entretiennent entre elles des liens affectifs, culturels, économiques et politiques par-delà les frontières… Nous sommes pas une diaspora , nous sommes à la rigueur des Marocains Résidents à l’étranger.

Questions : à quoi sert cette Maison de la diaspora marocaine ? Quelles actions mènent-elles ici ou là pour cette diaspora ? Comment se fait-elle connaître auprès des MRE ? A moins que ce ne soit une coquille vide !!

0/800