C’est divulguer un secret de polichinelle que d’affirmer que les partis de la majorité se sont mis d’accord pour n’être jamais d’accord. La charte de la majorité qu’ils ont signée est un document mort-né, car les frères ennemis ne peuvent cohabiter sans que leurs divergences ne les poussent, immanquablement, à ouvrir les hostilités sur tous les fronts.
Le quotidien Assabah rapporte, dans son édition du mercredi 2 septembre, que le dirigeant du PJD, Abdallah Bouanou, qui avait déjà mené plusieurs campagnes de dénigrement contre certaines composantes de la majorité, est revenu à la charge pour verser dans la victimisation. Lors d’un séminaire organisé par la Chabiba du PJD, il a fait allusion au harcèlement que subit son parti que l’on cherche, dit-il, à atomiser électoralement. Et de passer à l’attaque pour mettre en garde contre des lois électorales taillées sur mesure. Du coup, le bouillonnant dirigeant islamiste a appelé à plus de «clarté politique» tout en défiant les partis de révéler leurs requêtes électorales afin, précise-t-il, «que chaque parti annonce la couleur et ce qu’il défend». Des propos qui ont poussé les dirigeants des composantes de la majorité à s’interroger sur les parties visées par cette provocation de Bouanou.
Un dirigeant de la coalition gouvernementale, qui a requis l’anonymat, a indiqué que la charte de la majorité avait été rapidement rendue caduque par la multiplication des tiraillements entre ses membres. Il y a eu depuis, ajoute le même intervenant, plusieurs incidents de parcours dont le PJD est largement responsable, de par son manque d’homogénéité. C’est d'ailleurs Benkirane qui, le premier, a lancé les hostilités en s’attaquant à son rival, Saâd-Eddine El Othmani.
Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rappelle l’épisode de la guerre des mots et des maux qui avait opposé l’ex-ministre de la Jeunesse et des sports, Rachid El Alami, à plusieurs dirigeants du PJD. Une guerre qui aurait pu faire éclater la majorité gouvernementale, n’eût été l’intervention de plusieurs parties de bonne volonté pour désamorcer la crise. Mais si la tension a baissé d’un cran, les composantes de la coalition gouvernementale n’en ont pas réussi pour autant à appliquer la moindre des dispositions de la charte de la majorité. Plusieurs facteurs ont contribué à cet échec dont, en premier lieu, l’absence de rencontres périodiques pour régler les dossiers les plus épineux.
Ce manque de coordination donne lieu à des déclarations contradictoires des chefs des partis de la majorité, comme ce fut le cas au sujet de la réforme des établissements publics. Mieux encore, les partis de la majorité ont été incapables de présenter une requête commune sur la réforme des lois électorales, alors que leurs homologues de l’opposition ont parlé d’une seule voix. Cette rivalité entre les partis de la coalition gouvernementale va aller crescendo avec l’approche des élections de 2021. Les premiers coups de semonce ont déjà été donnés, laissant présager une prochaine dissolution de la majorité.