En 2025, l’Algérie va devoir procéder à des arbitrages économiquement vitaux mais politiquement explosifs

Bernard Lugan.

ChroniqueL’insoluble problème qui se pose au «Système» face à la croissance démographique est que, ne produisant pas de quoi habiller, soigner, équiper et nourrir sa population, l’Algérie doit donc tout acheter à l’étranger. En 2024, le quart des recettes tirées des hydrocarbures servit ainsi à la seule importation de produits alimentaires de base… dont l’Algérie était exportatrice avant 1962.

Le 24/12/2024 à 11h00

En Algérie, où il faudra bientôt compter les officiers supérieurs qui ne sont pas passés par la case prison (dix généraux-majors, soixante généraux et quatre-vingt-cinq colonels), l’année 2024 fut une fois de plus celle de l’immobilisme. En effet, au lieu d’entreprendre les réformes vitales exigées par la situation économique et sociale du pays, le président Abdelmadjid Tebboune et le général Saïd Chengriha, chef d’état-major-ministre, ont d’abord veillé à la survie du «Système», cette nébuleuse dans laquelle s’enchevêtrent le haut commandement militaire, le complexe militaro-pétrolier, la direction de l’islam national, les chefs des partis et des institutions publiques, ainsi que les juges. Le noyau dur du «Système» est l’association des anciens moudjahidines (l’ONM) dont, selon l’ancien ministre Abdeslam Ali Rachidi, «tout le monde sait que 90% de ces anciens combattants, les moudjahidine, sont des faux» (El Watan, 12 décembre 2015).

Politiquement, le «Système» s’est auto-piégé en faisant réélire le président Abdelmadjid Tebboune avec 94,65% des voix… En effet, comme les abstentions ont concerné au moins 85% des électeurs, le «Système», qui a donc perdu le peu de légitimité qui lui restait ,est donc apparu comme étant plus que jamais coupé de la population.

Un «Système» qui, de plus, a une épée de Damoclès économique suspendue au-dessus de sa tête, en raison de la totale dépendance de l’Algérie aux hydrocarbures, et donc à la variabilité de leurs cours. Pétrole et gaz fournissent en effet, bon an mal an, entre 95 et 98% des exportations, et environ 75% des recettes budgétaires d’une Algérie qui, n’ayant pas retenu la leçon des crises des années 1986, 1990 et 1994, n’a toujours pas significativement diversifié son économie.

Or, bloquée sur la monoproduction des hydrocarbures, dont les volumes exportables devraient baisser en raison de l’augmentation de la consommation intérieure et de l’épuisement progressif des gisements, et cela en dépit des annonces de nouvelles découvertes, l’Algérie va devoir satisfaire les besoins élémentaires d’une population en forte augmentation. Au mois de janvier 2024, le pays comptait ainsi 46,7 millions d’habitants (12 millions en 1962), avec un taux d’accroissement annuel de 2,15% et près de 900.000 naissances chaque année.

«Au lieu de se pencher sur les causes des échecs diplomatiques algériens, notamment sur celui de la politique saharienne, les dirigeants d’Alger campent sur leur soutien aveugle au Polisario.»

L’insoluble problème qui se pose au «Système» face à cette bombe démographique est que, ne produisant pas de quoi habiller, soigner, équiper et nourrir sa population, l’Algérie doit donc tout acheter à l’étranger. En 2024, le quart des recettes tirées des hydrocarbures servit ainsi à la seule importation de produits alimentaires de base… dont l’Algérie était exportatrice avant 1962.

Autre problème majeur, au lieu de se pencher sur les causes des échecs diplomatiques algériens, notamment sur celui de la politique saharienne, les dirigeants d’Alger campent sur leur soutien aveugle au Polisario. Or, ce mouvement, qui a bien compris que son combat pour la création d’un «État» sahraoui est perdu, a entrepris de «diversifier» ses activités en se spécialisant dans les trafics (voir à ce sujet ma précédente chronique intitulée «Algérie: le Polisario, un État dans l’État?»).

Le site Maghreb Intelligence a ainsi révélé que des opérations de fouille effectuées dans les aéroports et les ports algériens auraient permis la découverte de grandes quantités de drogue dissimulées dans des bagages à destination de Tindouf, quartier général du Polisario. À la suite de quoi, des consignes auraient été données aux services de sécurité algériens de ne plus contrôler les membres du Polisario impliqués dans ces filières criminelles.

Par Bernard Lugan
Le 24/12/2024 à 11h00