Il y aura un avant et un après le 7 octobre 2023 pour Israël et sa classe politique, mais aussi pour toute la région, et notamment Gaza, où il pleut des bombes chaque jour depuis plus d’un mois. C’est l’analyse que fait l’historien et politologue israélien Bruce Maddy-Weitzman.
Notre interlocuteur, également professeur à l’Université de Tel-Aviv, commence par faire un parallèle entre ce qui s’est passé le 7 octobre courant dans les localités jouxtant Gaza et les crimes perpétrés contre les Juifs par les nazis.
«Du point de vue israélien, l’horrible massacre de 1.400 hommes, femmes, enfants et bébés perpétré par les terroristes du Hamas le 7 octobre a constitué l’événement le plus traumatisant de l’histoire du pays. Cela rappelle les crimes perpétrés en partie par les Einzatsgruppen nazis, spécialisés dans les meurtres en masse, la torture, le viol et le pillage», affirme le politologue.
C’est dire l’ampleur du traumatisme subi le 7 octobre par les Israéliens et même dans les rangs des élites modérées ayant toujours appelé à faire prévaloir la voix de la raison et de la paix. Bruce Maddy-Weitzman fait d’ailleurs partie de ces élites israéliennes opposées aux politiques de l’actuel gouvernement Netanyahu et qui ont vu dans les Accords d’Abraham une occasion inespérée pour instaurer la paix et ouvrir une nouvelle page entre l’État hébreu et les pays arabes.
Lire aussi : Être ou ne pas être une cause
Le 7 octobre n’a pas été qu’un jour de désolation pour Benjamin Netanyahu. «La société israélienne a mis de côté ses profondes divisions internes qui se sont dévoilées dans les manifestations massives et soutenues (contre la réforme de la justice défendue par Netanyahu, ndlr) et s’est désormais unie autour d’un seul objectif: détruire le Hamas physiquement, mais aussi ses infrastructures. Pour Israël, il s’agit d’une question existentielle», explique le politologue, qui ne se fait toutefois pas d’illusions quant à la fin du Hamas.
Netanyahu par la petite porte
Par contre, il est tranchant quant à l’avenir politique de Benjamin Netanyahu, qu’il estime fini. «Quelle que soit la fin de cette phase de la guerre, il y aura probablement un tsunami de protestations publiques appelant à la démission de Netanyahu, au remplacement de son équipe par un nouveau gouvernement et à des élections. En fin de compte, je pense que la pression du public sera suffisante et que sa carrière se terminera dans la disgrâce», affirme le politologue.
Lire aussi : Gaza: à Paris, le Maroc réitère son appel à un cessez-le-feu immédiat
Reste aussi l’avenir de Gaza, et là aussi, difficile d’arrêter un scénario précis, mais Bruce-Maddy Weitzman semble favoriser une issue politique réalisable d’après lui: qu’elle soit dirigée par une sorte de coalition internationale avec les Palestiniens de Gaza (sans le Hamas) et de l’Autorité palestinienne ainsi que des pays qui se porteraient volontaires, aussi bien européens qu’arabes. Et avant tout, il faut d’abord penser au sort des deux millions d’habitants de cette bande réduite à un vaste champ de décombres et de cadavres et où on manque de tout. «Une tâche herculéenne», résume amèrement notre interlocuteur.
Pari réussi pour l’Iran et le Hamas
Pour Bruce Maddy-Weitzman, l’Iran et le Hamas ont réussi le pari de porter un coup dur au processus de normalisation entre les pays arabes et Israël. «À la veille du 7 octobre, un accord de normalisation saoudo-israélien semblait imminent. Pour Netanyahu, cela aurait été la dernière plume à son palmarès, prouvant aux sceptiques que les relations d’Israël avec les pays arabes ne dépendaient pas de la résolution de la question palestinienne», analyse-t-il.
Lire aussi : L’attaque inédite du Hamas: une tentative de torpiller la normalisation israélo-saoudienne, téléguidée par Téhéran?
«En fait, l’une des motivations des actions du Hamas était de prouver le caractère erroné de cette thèse, et il y est parvenu. Les relations d’Israël avec les membres des Accords du Golfe (Bahreïn et Émirats arabes unis) seront menées discrètement jusqu’à ce que la poussière retombe, et les contacts avec les Saoudiens, qui détestent les Frères musulmans, et donc le Hamas, seront encore plus discrets, pour ne pas dire gelés», affirme notre interlocuteur.
Pour les relations entre le Maroc et Israël, Bruce Maddy-Weitzman appelle à privilégier les «intérêts stratégiques et économiques» du Royaume, ne cachant pas sa déception de voir des manifestations de soutien aux Palestiniens «non interdites par les autorités» dans plusieurs villes du pays.