Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, n’a pu cacher sa désolation et sa déception, lundi 22 novembre, lorsqu’il a fait part de ses soucis avec les avocats devant la commission de la Justice et la législation à la Chambre des conseillers.
Le quotidien Assabah rapporte, dans son édition du mercredi 23 novembre, que le ministre a fait un long récit sur les négociations qu’il a engagées avec les robes noires pour trouver un consensus sur leur nouveau régime fiscal.
Il a, lors de cette intervention, tenu à souligner qu’il n'avait pas mêlé le roi au le conflit qui l’oppose aux avocats, précisant qu’il avait tout simplement donné des explications sur l’impossibilité de retirer des chapitres de la loi des Finances relatifs à la fiscalité des avocats, car ils ont été exposés au Conseil des ministres présidé par le souverain.
«J’espérais introduire des amendements au projet de loi de Finances en accord avec l’Association des barreaux du Maroc (ABAM). Je ne m’attendais pas à ce que les avocats reviennent sur les accords conclus, que ce soit avec le ministre délégué, Fouzi Lakjaâ, ou avec le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. J’ai été surpris que des bâtonniers contestent cet accord et participent à des manifestations. Aussi, je suis prêt à présenter ma démission s’il s’avère que j’ai failli à mon devoir envers mes confrères», précise-t-il.
Le ministre s’est confié aux parlementaires en affirmant qu’il avait été beaucoup plus peiné par le silence des bâtonniers et les avocats qui connaissent la vérité que par les accusations, les injures et les propos diffamatoires des contestataires. «J’ai toujours agi de bonne foi vis-à-vis des avocats, et mon seul souci était de leur donner la valeur et le poids qu’ils méritent pour que leurs engagements soient compatibles avec leurs devoirs. Mais j’ai été fortement déçu après leur dénonciation de l’accord, faisant fi du statut du bâtonnier, président de l’ABAM», a martelé le ministre.
Assabah souligne que Ouahbi a évoqué un rapport international sur le Royaume indiquant que les avocats marocains ne payaient pas leurs impôts. Ce qui est considéré par le Groupe d'action financière (GAFI) comme un blanchiment d’argent. Autant dire, ajoute Ouahbi, que «l’avocat qui déclare 10.000 dirhams de revenus annuels alors qu’il en gagne beaucoup plus et possède une villa ou un appartement et une voiture sera poursuivi pour blanchiment d’argent. Ce processus sera obligatoire à l’échelle planétaire et impose à l’avocat marocain de s’adapter à ce qui se passe autour de lui dans ce village qu'est devenu le monde. Un monde qui a connu beaucoup de changements car, par le passé, l’avocat qui défendait des sociétés étrangères percevait ses honoraires en transférant le montant dû via l’office de change», note Ouahbi.
Aujourd’hui, poursuit-il, «cette procédure n’est plus acceptable en Europe en l’absence d’un document attestant le paiement des impôts. Chaque contrevenant sera poursuivi pour blanchiment d’argent ou évasion fiscale. Il lui sera interdit d’exercer, car les banques le dénonceront auprès des services concernés».
Et le ministre de se plaindre auprès des membres de la commission de la Justice et de la législation. «J’ai été consterné quand j’ai entendu certains dire que j’avais renié ma profession et décidé de ma propre initiative d’instaurer un nouvel impôt pour les avocats. Ce qui n’est pas vrai, car j’ai seulement voulu réorganiser le paiement des impôts de façon transparente. Ces désagréments m’ont rappelé feu Abderrahim Bouabid et Mhamed Boucetta, qui défendaient le peuple et non l’argent. L’un d’eux a été, d’ailleurs, emprisonné parce qu'il avait défendu le peuple. Il est important que les anciens bâtonniers soient du côté de la logique et de la vérité, et non du mensonge».
Abordant le projet de loi régissant la profession d'avocat, Abdellatif Ouahbi a souligné qu’il avait présenté un avant-projet à d’anciens bâtonniers et aux dirigeants de l’ABAM qui, après l’avoir étudié, ont estimé qu’il contenait des points positifs et d’autres négatifs. Mais, poursuit-il, il a été surpris quand cet avant-projet a fuité pour déclencher une vague de protestations qui l’a obligé à envoyer des copies aux bâtonniers. Mais, au lieu de l’examiner, ces derniers se sont insurgés contre l'ouverture du dialogue sur cet avant-projet, oubliant de s’intéresser au projet de loi régissant la profession, conclut le ministre de la Justice.