En Tunisie, le nationalisme eut deux courants, celui des milieux lettrés de la bourgeoisie d’une part et, d’autre part, celui du prolétariat socialiste qui s’incarna dans l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), organisation syndicale née en 1924.
L’indépendance s’y fit donc à la fois au profit de nouvelles élites issues de l’école française, comme Habib Bourguiba, ou bien du syndicalisme. Cependant, les anciennes élites ne furent pas écartées et encore moins éliminées comme cela fut le cas en Algérie après l’indépendance.
Fondé en 1919, le Parti libéral constitutionnel ou Destour avait des demandes modérées, puisqu’il militait pour des réformes démocratiques et une plus grande participation des Tunisiens aux affaires. Il fut néanmoins interdit en 1933, et au mois de mars 1934 naquit le Néo-Destour, dont Habib Bourguiba, un jeune avocat largement influencé par la Révolution française de 1789, prit la tête.
Dans un premier temps, le nouveau parti ne demanda pas la fin immédiate du Protectorat, puis il se radicalisa, se prononçant pour l’indépendance de la Tunisie. Le Résident général Marcel Peyrouton fit alors arrêter Bourguiba et les principaux responsables du Néo-Destour.
En 1936, le Front populaire nomma un nouveau Résident général en la personne d’Armand Guillon. Les prisonniers furent libérés, mais la tension demeura, illustrée le 9 avril 1938 par de graves émeutes dont Tunis fut le théâtre. Pour y mettre un terme, l’état de siège fut instauré et les responsables nationalistes furent une nouvelle fois arrêtés, tandis que le Néo-Destour plongeait dans la clandestinité.
En Tunisie, la situation fut ensuite compliquée du fait de l’occupation du pays par les troupes germano-italiennes. Certains nationalistes furent alors tentés de s’appuyer sur elles pour arracher l’indépendance. Ce ne fut pas le cas de Habib Bourguiba qui, à la veille de l’entrée des Alliés à Tunis, le 7 mai 1943, avait fait la déclaration suivante:
«Tunisiens, mes amis, faites bloc autour de la France. Hors la France, il n’est pas de salut, car la France, une fois libérée n’oubliera pas ses vieux amis».
Le 13 mai, les forces germano-italiennes capitulèrent, et le 14 mai, le bey Moncef qui avait constitué un gouvernement sans l’aval de la Résidence de France fut destitué par le général Giraud, en totale violation du Traité de protectorat. Il fut remplacé par Lamine Bey. À partir de ce moment, les indépendantistes accélérèrent leurs revendications.
Le charisme de Habib Bourguiba, le soutien fourni à l’UGTT par les syndicats américains et la montée en puissance des revendications nationalistes à l’ONU firent que l’inéluctabilité de l’indépendance s’imposa.
Le 11 avril 1950, Lamine Bey écrivit au Président de la République française Vincent Auriol, pour lui demander une accélération des réformes. Trois jours plus tard, le 14 avril, Bourguiba présenta une proposition d’autonomie interne.
Le 31 octobre 1951, les autorités tunisiennes se firent plus pressantes, demandant à Paris «la consécration dans un temps minimum de l’autonomie interne». La tension monta alors d’un cran entre la France et la Tunisie.
Au début de l’année 1952, une nouvelle tentative de compromis échoua et des troubles se produisirent, entraînant l’arrestation de Habib Bourguiba par les autorités françaises. Au mois de mars, Moncef Bey constitua un gouvernement sans l’aval de la Résidence de France, laquelle exigea qu’il en limoge les ministres. Devant son refus, ces derniers furent à leur tour arrêtés. La Tunisie traversa alors des moments troublés.
La situation se détendit en 1954 avec, à Paris, l’arrivée aux affaires d’un nouveau Président du Conseil, le radical-socialiste Pierre Mendès-France. Le 31 juillet, ce dernier se rendit en Tunisie accompagné du maréchal Juin et effectua une visite solennelle au Bey pour lui annoncer que la France ne s’opposait plus à l’autonomie interne de la Tunisie.
Les négociations de fond, entreprises en avril 1955, conduisirent à un ensemble de Conventions ouvrant la voie à l’autonomie interne, prélude à l’indépendance.
Le 1er août, Habib Bourguiba regagna Tunis où il reçut un accueil triomphal. Le 10 août, par un vote du Parlement français, la Tunisie se vit reconnaître l’autonomie interne. Le 3 juin 1955, Edgar Faure, successeur de Pierre Mendès-France, signa les Conventions qui mettaient fin à la participation de la France au gouvernement et à l’administration de la Tunisie. Il ne restait plus qu’à achever le processus menant vers l’indépendance, ce qui se fit à la suite de la Conférence d’Aix-les-Bains du mois d’août 1955 et qui était destinée à régler à la fois la question du Maroc et celle de la Tunisie. Le 20 mars 1956, sous le cabinet Guy Mollet, la Tunisie obtint son indépendance.
Moncef Bey fut destitué en 1957 par les nouvelles autorités tunisiennes et la République proclamée au mois de juillet de la même année.