Le pastoralisme et ses problèmes

Bernard Lugan.

Bernard Lugan.

ChroniqueEn Afrique, le pastoralisme est loin d’être anecdotique: il totalise entre 10 et 45% du PIB du continent et fait vivre plus de 260 millions de personnes. Aujourd’hui, ce mode d’organisation socio-économique connaît de profondes mutations qui sont à l’origine de nombreux conflits et qui vont en provoquer bien d’autres dans les décennies à venir.

Le 16/07/2024 à 11h00

Dans l’Afrique sud-saharienne traditionnelle, les hommes appartenaient à trois grands types culturels, parfois mixtes ou associés, reposant sur la chasse, sur l’élevage et sur l’agriculture.

Les pasteurs élevaient des bovins, des ovins, des dromadaires ou des caprins. Souvent, ils pratiquaient un élevage mixte. Dépendant des pâturages et de l’eau, ces nomades déplaçaient régulièrement leurs campements et c’est pourquoi leurs réalisations artistiques étaient légères et faciles à transporter: récipients à lait décorés, vannerie, armes, etc.

En général, les pasteurs ne constituèrent pas d’États, car ils n’en eurent pas la nécessité, les grandes zones pastorales ouest-africaines ou est-africaines n’étant pas convoitées par les agriculteurs. La grande exception se trouve en Afrique interlacustre, région favorable tant à l’agriculture qu’à l’élevage et où, très tôt, apparût la compétition pour l’espace. C’est ainsi que, «pour sauvegarder les biens de la vache contre la rapacité de la houe», les éleveurs tutsi-hima constituèrent des États dans lesquels ils dominaient les hommes de la glèbe.

Le pastoralisme est la règle dans les vastes zones arides et semi-arides peu favorables à l’agriculture dans lesquelles les hommes développèrent des sociétés basées sur la mobilité.

Les zones pastorales représentent 40% des terres africaines avec de grandes différences selon les pays. Les grandes aires propices au pastoralisme vont des hautes montagnes aux régions semi-désertiques et même désertiques, 10% du désert du Sahara permettant une certaine forme d’élevage transhumant.

Aujourd’hui, le pastoralisme est loin d’être anecdotique puisqu’il totalise entre 10 et 45% du PIB des pays africains et qu’il fait vivre plus de 260 millions de personnes. Il représentait ainsi 80% du PIB agricole du Soudan avant la partition du pays, 50% de celui de l’Algérie, 44% de celui du Mali et 29% de celui du Burundi. En revanche, il ne totalise que 5% du PIB agricole de la Côte d’Ivoire. Quant à la part du pastoralisme dans le PIB total, elle est de 27% au Tchad, de 14% au Burundi, de 13% au Cameroun et de 9% en République centrafricaine. En Éthiopie, l’industrie du cuir constitue la seconde source de devises après le café.

Le pastoralisme connaît de profondes évolutions et mutations contemporaines qui sont à l’origine de bien des conflits et qui vont en provoquer bien d’autres dans les décennies à venir pour plusieurs raisons dont les deux principales sont:

- La démographie. Alors qu’à l’époque précoloniale, les pasteurs avaient une faible croissance démographique, aujourd’hui, cette dernière a explosé, avec une moyenne de 2,5 à 3,5% par an, ce qui entraîne un doublement tous les 25-30 ans; d’où une charge insupportable pour le milieu, d’autant plus que les frontières ont coupé ou cloisonné les zones de transhumance.

- Les conditions d’accès à l’eau et les évolutions climatiques sont des causes de plus en plus fréquentes de conflictualité comme nous l’observons par exemple au Kenya, au Nigeria ou encore en Centrafrique.

Par Bernard Lugan
Le 16/07/2024 à 11h00