Le Plan bleu, projet relevant du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), vient de publier un nouveau rapport intitulé «La Méditerranée à l’horizon 2050», qui détaille des objectifs, des scénarios et des changements à engager. Ce travail a fait l’objet, les 4 et 5 février à Tanger, de plusieurs ateliers de débats entre les responsables de Plan bleu et une vingtaine de chercheurs et d’experts associés à l’Institut royal des études stratégiques (IRES), dirigé par Mohamed Tawfik Mouline.
Après ceux de 1989 et 2005, c’est donc le troisième rapport de prospective s’inscrivant dans le Plan d’action pour la Méditerranée. Il s’est fixé trois objectifs: anticiper les évolutions des écosystèmes méditerranéens marins, appréhender les voies d’une transition de la région vers un développement durable, et enfin identifier les risques de crises ou de ruptures. Il s’agit globalement d’une interrogation sur l’avenir de la Méditerranée dans les décennies à venir. C’est la première destination touristique du monde, avec quelque 360 millions de visiteurs, la région de la planète qui se réchauffe le plus vite après l’Arctique et celle qui compte 60% de la population mondiale en déficit hydrique. Elle est confrontée à de grandes incertitudes et à des tendances appelées à s’aggraver durablement: hausse des températures et partant du niveau de la mer d’environ 40 cm, avec des effets sur la protection des côtes, et changement climatique et démographique, avec de grands besoins en eau et en énergie.
Sur le plan méthodologique, ce rapport a mis en exergue des spécificités de cette région. Ce n’est pas seulement une projection, mais plutôt une prospective: intégration des ruptures possibles, visions des acteurs, scénarios contrastés (négatif, moyen et positif), identification des chemins de transition vers les scénarios souhaitables, déclinés en plusieurs étapes dans une perspective systémique, accompagnée de recommandations pour les décideurs.
Si des bifurcations et même des ruptures ne sont pas engagées, d’ici 2050, la Méditerranée accusera une situation bien plus alarmante qu’aujourd’hui, avec une transformation majeure de tout l’écosystème marin, couplée à une dégradation générale des conditions écologiques d’habitabilité de tous ses territoires. Des causes internes vont conduire à cette situation, mais également des causes externes, tels le climat ou encore le contexte économique et géopolitique.
«Des “solutions de rupture” s’avèrent nécessaires, tant il est vrai que l’attentisme et la “politique des petits pas” ne peuvent constituer une solution stable, opératoire et tenable à long terme.»
Il importe donc de prioriser les politiques pour faire face à cette situation, en élaborant des «solutions de rupture», tant il est vrai que l’attentisme et la «politique des petits pas» ne peuvent constituer une solution stable, opératoire et pratiquement tenable à long terme. Des tendances lourdes sont là, pesant de tout leur poids, préoccupantes et porteuses de risques de crises graves, voire de l’éventualité d’effondrements locaux. L’engagement de tous doit être rapide à travers des politiques de résilience, de prévention et d’adaptation au changement climatique.
La région méditerranéenne doit pouvoir compter sur ses propres forces, mais elle n’arrivera pas à surmonter les défis devant elle sans son implication active dans des politiques à l’échelle mondiale. Sur la table, dira-t-on, se trouvent bien des scénarios de développement durable. Il reste à leur donner des formes nouvelles de coopération et de partenariat. Avec qui, et entre qui et qui? Entre l’Europe et les rives sud et est, Sud-Sud aussi, et enfin entre la Méditerranée et les régions voisines (en Afrique) et la communauté mondiale.
Dans le registre des transitions à mener, le rapport insiste sur la nécessité des innovations dans la gouvernance. Référence est faite à la décentralisation, la mobilisation des sociétés civiles, l’application et l’extension du droit ainsi qu’à des incitations et des transferts économiques. Des blocages et des freins à l’action ne sont pas à minorer, tant s’en faut. Mais une progression et des avancées significatives peuvent conforter de nombreuses marges de manœuvre: la valorisation des atouts potentiels propres à la Méditerranée (diversité culturelle, capacités d’adaptation, énergies renouvelables, potentiel de la jeunesse des pays de la rive sud, etc.), des opportunités ouvertes au niveau international (droit des océans, financements pour le climat et la biodiversité, etc.) et des possibilités encore inexploitées de coopération et de mobilisation de l’intelligence collective régionale, sans oublier la pression des risques et des attentes sociales.
Dans cette même ligne, il faut mentionner les attentes et les demandes d’acteurs économiques et de territoires pour infléchir les modèles actuels de développement -économie bleue, sur-tourisme, pratiques écologiques (économie circulaire, gestion de l’eau en bien commun, agro-écologie, etc.). Un accord est possible sur un minimum de mesures, conclut le rapport. Mais cela ne suffira pas face aux ruptures écologiques et sociales à venir. Le Plan bleu veut plaider et œuvrer pour les transitions à entreprendre. Il compte prolonger son rapport par des réflexions plus concrètes par sous-régions, avec des trajectoires à moyen et long terme.
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