Entre le Maroc et l’Algérie, le tic-tac de la grande horloge diplomatique semble désormais audible. L’échéance évoquée par Steve Witkoff — émissaire de Donald Trump — approche sans que le moindre signal public ne laisse entrevoir une inflexion dans la crise durable entre Rabat et Alger. En octobre, l’intéressé avait dit croire à la possibilité d’un «deal» dans un horizon de soixante jours: nous y sommes presque, et le paysage, lui, demeure inchangé.
Sauf à parier sur des tractations souterraines — ces négociations qui n’existent qu’au conditionnel et ne se vérifient qu’au moment où elles aboutissent — rien, côté algérien, ne suggère qu’un virage serait amorcé dans le délai annoncé. Le discours officiel reste campé sur ses lignes traditionnelles, tandis que l’écosystème médiatique, lui, continue de reconduire la tension. Rien ne bouge sous le soleil d’Alger. Du moins, en apparence.
C’est dans ce clair-obscur, précisément, qu’a refait surface dans la presse l’hypothèse d’une médiation qatarie. Non officielle, non assumée, mais portée par un réflexe presque automatique: Doha a, au fil des crises, construit une réputation d’intermédiaire, de «go-between» capable de parler à des camps qui ne se parlent plus. Cette culture de la médiation est d’ailleurs revendiquée par la diplomatie qatarie elle-même, qui en fait un marqueur de politique étrangère.
Le Maghreb n’est pas une terre vierge pour ce type d’initiatives. Le Qatar, comme d’autres capitales du Golfe avant lui, a déjà tenté d’esquisser des passerelles. Mais l’obstacle est structurel: accepter une médiation, c’est reconnaître implicitement l’existence d’un contentieux bilatéral — donc endosser un statut de «partie» avec ce que cela implique en termes de responsabilités politiques. Or, depuis des années, Alger s’emploie à maintenir une posture de dénégation, préférant la gestion indirecte à l’aveu frontal.
«Le conflit a trop duré. Il appelle une issue qui, pour reprendre un lexique diplomatique bien connu, «sauve la face» à chacun. »
— Mustapha Tossa
Reste que l’hypothèse qatarie ne se lit pas seulement à travers le prisme de la «capacité à médiatiser». Elle soulève aussi une question de cohérence. Doha affiche une proximité stratégique avec Rabat, tout en entretenant, dans certaines séquences, une ambiguïté qui nourrit les procès d’intention. Dans un monde où l’influence ne passe plus uniquement par les chancelleries mais aussi par les récits, les plateformes et les perceptions, la diplomatie se juge autant à ses communiqués qu’à son environnement informationnel.
À cet égard, un détail technique a récemment pris une dimension politique: la plateforme X a commencé à déployer une fonctionnalité qui renseigne davantage sur l’origine d’un compte — notamment via l’affichage d’une zone géographique (pays ou région) selon les paramètres et les profils. De quoi alimenter, chez nous, une nouvelle lecture des campagnes d’hostilité en ligne: non pas des preuves juridiques, mais des indices, suffisants pour rallumer les soupçons et reposer la question des arrière-scènes.
Qu’elles soient impulsées par Washington ou évoquées du côté de Doha, les médiations visant à desserrer l’étau entre Rabat et Alger restent, sur le principe, bienvenues. Le Maroc ne les redoute pas: il parie sur la force d’un cadre onusien et sur une solution d’autonomie qu’il présente comme la base la plus réaliste et la plus praticable. En filigrane, une conviction: toute négociation sérieuse finira par ramener le débat à la même table, celle du compromis possible.
Le conflit a trop duré. Il appelle une issue qui, pour reprendre un lexique diplomatique bien connu, «sauve la face» à chacun. La vraie question, désormais, n’est pas tant de savoir qui médiatisera — les Américains, les Qataris ou d’autres — que de déterminer si Alger est disposée à reconnaître la nature du bras de fer, à en assumer les coûts et à en payer le prix politique… ou si elle préfère prolonger l’impasse, au risque de voir l’isolement régional et la lassitude internationale se transformer, peu à peu, en mise à l’écart.





