Les Émirats arabes unis sont, certes, et géographiquement parlant, un petit État, mais il s’agit de l’un des pays les plus riches et les plus influents sur la scène diplomatique et économique internationale, ce qui lui a valu d’ailleurs d’être accueilli récemment, et à bras ouverts, au sein du puissant bloc des États émergents des BRICS, où il rejoint la Russie, la Chine et l’Inde, entre autres grands de ce monde. Les Émirats arabes unis, c’est donc l’exact contraire de l’Algérie, vaste État créé par la France et tombé aux mains d’une mafia militaire qui a dilapidé ses richesses et l’a transformé en paria sur la scène régionale et mondiale, à cause de visions courtes, dont celle qui voudrait que tout pays ami avec le Maroc est vu comme un ennemi déclaré de l’Algérie.
Il n’est donc pas étonnant que la visite officielle qu’a effectuée le roi Mohammed VI les 4 et 5 décembre à Abou Dhabi, où un accueil chaleureux et à nul autre pareil lui a été réservé, ait semé un vent de panique à Alger. Cette nouvelle exacerbation du ressentiment enfoui et aigu à l’égard du Maroc et de ses nombreux amis, le pouvoir algérien a choisi de l’exprimer en confiant à ses porte-voix médiatiques la mission de déverser tout leur venin sur les Émirats arabes unis, coupables à ses yeux d’afficher un soutien sans faille et une solide amitié avec le Royaume du Maroc.
Mardi 12 décembre, tout ce que compte l’Algérie en médias locaux, de la presse écrite à la radio publique, en passant par la télévision d’État et les sites électroniques, a décoché un tir groupé ciblant le puissant et influent émirat du Golfe. On croirait assister à un concours d’articles de fiction sur un complot imaginaire dont l’Algérie serait victime, et où chaque média rivalise avec l’autre en désinformations, cherchant de la sorte à accaparer les faveurs du pouvoir militaire.
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Ainsi, selon ces médias, la visite du Roi à Abou Dhabi «ne vise pas à renforcer les relations bilatérales entre les deux pays, mais à financer et lancer une campagne médiatique d’intoxication, à travers la presse française et les réseaux sociaux, en vue de porter atteinte aux relations historiques de l’Algérie avec les États du Sahel et de déstabiliser la région». Ce «scoop» à la sauce algérienne, la meute médiatique au service du clan des généraux, qui soupçonne des «mains israéliennes», affirme le tenir d’une source «sécuritaire» tantôt «autorisée», tantôt «sûre». Elle balance même un chiffre rond, celui de 15 millions d’euros qui auraient été versés par les Émirats au Maroc en vue d’acquérir des rédactions entières en France, sinon de payer des journalistes français et africains en vue de déstabiliser l’Algérie avec des… plumes.
Cette prétendue campagne anti-algérienne, menée par les Émirats, le Maroc et Israël, viserait à faire croire aux autorités maliennes et nigériennes que leurs deux pays sont ciblés par des terroristes soutenus par Alger. Or, il est de notoriété que les bandes terroristes qui essaiment le Sahel sont dirigées dans leur ensemble soit par des ressortissants algériens, soit par des Sahraouis ayant fait leurs armes en Algérie et dans les camps de Tindouf, soit par des étrangers protégés par l’armée algérienne. Une réalité qui n’échappe pas aux dirigeants de ces pays du Sahel, et particulièrement le nouveau pouvoir à Niamey qui a sèchement refusé une médiation récente de l’Algérie, lui signifiant indirectement qu’elle n’est pas digne de confiance car elle est la principale partie prenante dans les actes terroristes qui ensanglantent la région.
Même la Libye, qu’il s’agisse de son gouvernement de Tripoli, dirigé par Abdel Hamid Dbeibah, ou de celui de Benghazi, sous la férule du maréchal Khalifa Haftar, serait également, selon l’un des médias algériens, mise à contribution, voire complice, dans ce «plan maroco-israélo-émirati» imaginaire visant l’Algérie. Pour preuve, ce média dit «confirmer l’implication de Mohammed Ben Zayed, sous-traitant d’Israël, dans la rencontre entre l’ex-ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla Mangoush, et le chef de la diplomatie israélienne, Eli Cohen, à Rome en août dernier».
L’allusion à la Mauritanie, autre voisin sahélien et maghrébin de l’Algérie, est également claire dans cette cabale médiatique contre le président émirati Mohammed Ben Zayed, dont la très forte amitié avec le président mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, récemment reçu avec les honneurs à Abou Dhabi en marge de la COP28, n’a pas échappé à Alger. Ces derniers mois, la Mauritanie est régulièrement accusée par les médias algériens de vouloir normaliser ses relations avec Israël, sous l’impulsion des Émirats, et même de vouloir abriter à sa frontière avec l’Algérie, dans la localité de Chegga, une base militaire émiratie, avec l’aide d’Israël.
Les Soudanais ne sont pas en reste, car dans le conflit sanglant qui oppose les généraux Abdel Fattah al-Burhan et Mohamed Hamdan Daglo, dit «Hemeti», les Émiratis soutiendraient ce dernier, qualifié à l’occasion de «terroriste» par les médias algériens, selon lesquels la déstabilisation du Soudan est un premier pas vers celle de l’Algérie.
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Toutes ces allégations ont été résumées par l’un des piliers médiatiques du régime algérien, le journal L’Expression, qui décrit «une agression tripartite contre l’Algérie», où «les Émirats arabes unis rallongent, Israël fournit la stratégie et le Maroc servira au besoin de porte-flingue». Selon ce média, «des sources sécuritaires crédibles tirent la sonnette d’alarme sur des actions menées en sourdine par les Émirats pour déstabiliser dans un premier temps le Soudan, puis l’Algérie, avant de s’attaquer enfin à toute la région du Sahel». On savait nos voisins atteints de complotite, mais là, leur mal atteint un niveau qui nécessite un internement.
Les attaques du régime algérien contre les Émirats datent de quelques mois, mais elles ont pris une tournure hystérique après la visite du Souverain à Abou Dhabi. Ainsi, le 22 juin dernier, ces mêmes médias algériens ont été manipulés par une source «sécuritaire autorisée et sûre» qui leur a révélé une prétendue expulsion de l’ambassadeur émirati à Alger, accusé d’espionnage au profit d’Israël. Ceci, avant que le ministère des Affaires étrangères du voisin ne joue rapidement aux pompiers pour démentir toute expulsion d’un quelconque diplomate émirati, précisant que l’Algérie entretient des «relations solides et privilégiées» avec les Émirats arabes unis, un «pays frère». Ces contradictions algériennes n’ont en fait rien de surprenant dans un pays qui avance à hue et à dia.