Partis politiques. Une déshérence qui ouvre la porte aux idéologies populistes

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Les partis politiques marocains n’ont plus d’influence sur la population et deviennent de simples machines électorales. Du coup, la dépolitisation de la société ne cesse de prendre de l’ampleur à l’image de l’augmentation du taux d’abstention dans les élections. Démocratie en péril.

Le 01/04/2018 à 19h29

Quel rôle jouent les partis politiques marocains à part mener les campagnes électorales et se retirer de la place publique juste après l’annonce des résultats? Un comportement qui a poussé la population, déjà apolitisée, à se désintéresser de la politique et du coup à boycotter toutes les échéances qu’elles soient législatives, communales ou régionales. Du coup, le nombre d’électeurs inscrits ne cesse de baisser depuis 1997 (62% en 2016), le taux d’abstention continue d’augmenter (43% en 2016). Le nombre des bulletins nuls ou blancs est encore plus significatif du désintéressement de la population vis-à-vis de la politique (16% en 2002, 20% en 2007, 22% en 2011, 17% en 2016).

Ce faisant, les résultats engrangés par les partis politiques demeurent aléatoires face à la désertion des électeurs. Lors des législatives de 2016, le premier parti qui a récolté le plus grand nombre de voix est le PJD avec 1.360.000. C’est la deuxième fois que les islamistes dépassent la barre du million sachant qu’en 2007, ils n’ont pas dépassé 508.000 contre 494 000 au parti de l’Istiqlal et 408.000 à l’USFP. Difficile de croire qu’avec ces chiffres, ces partis peuvent prétendre à une quelconque représentativité à l’échelle nationale et qu’ils continuent de parler d’adhérents. Normal donc que seul 1% des jeunes adhère à des partis politiques et que 4% croient à la pratique politique contre 75% qui sont totalement désintéressés (HCR). 

Ecole buissonnière

Des chiffres qui en disent long sur le peu de confiance qu’éprouve la population envers les partis dont les dirigeants passent tout leur temps à colmater les brèches de la division. Ce qui fait qu’entre une échéance électorale et une autre, les «militants» se battent pour les postes au sein du parti, mais aussi et surtout au sein du gouvernement. Ce faisant la population reste dépitée par le manque de sérieux de ceux qu’elle a élus aussi bien au sein du Parlement que dans les collectivités locales. L’absentéisme au Parlement est devenu monnaie courante et il est inconcevable qu’un projet, aussi important, que la Loi de finances ne soit approuvée que par quelque dizaines de députés. Ces derniers montent au créneau quand il faut défendre leurs intérêts notamment leurs retraites et autres avantages sociaux. Le peuple peut attendre. 

Mais c’est dans la gestion des mairies et des communes que les élus sont épinglés par des dysfonctionnements, malversations financières et autre corruption. En contact direct avec la population, ils sont souvent interpellés par leurs administrés qui constatent que les deniers publics prennent d’autres chemins que l’éclairage, les routes et les infrastructures. La Cour des comptes a mis à nu la gestion calamiteuse de plusieurs présidents et conseillers, tous partis confondus, et nombre d’entre ont été déférés devant la justice.

Chute libre

Normal donc que la cote des partis soit aussi basse et que les électeurs les plus fidèles les boudent lors des élections. L’USFP, le PI, le PPS et d’autres partis de droite ont perdu beaucoup de leur base militante même si le PI arrive sauvegarder les meubles. Le parti socialiste d’Abderrahim Bouabid n’est que l’ombre de lui-même et perd de plus en plus de terrain dans les élections législatives (50 sièges en 2002, 38 en 2007, 42 en 2011 et 20 en 2016). Une hécatombe pour un parti qui se déchire et qui n’a pas cessé de laisser des plumes en cours de route (scissions). Ses camarades de l’ex-Koutla, le parti de l’Istiqlal et le PPS sont tout aussi laminés par des luttes intestines à la recherche d’un leadership partisan ou d’un poste ministériel.

Un virus qui a contaminé le PAM à cause des agissements de son secrétaire général, Ilyas El Omari, une fois démissionnaire, une fois pas, mais une chose est certaine ce parti ne se relèvera plus dans les prochaines échéances. Mais ce qui est vraiment étonnant dans ce champ politique cabossé, c’est que même le PJD, parti structuré, est tombé dans le piège de la division. Un parti dont le secrétaire général, Saâd-Eddine El Othmani, est chef de gouvernement, mais qui est souvent mis à mal par l’ex-chef de gouvernement, le PJDiste Abdelilah Benkirane.

Une guerre de tranchées qui n’augure rien de bon pour tous les partis politiques précités et qui risquent d’en subir une très lourde conséquence lors des prochaines échéances. Mais c’est la démocratie qui en prendra un coup car la déshérence des partis politiques accroît la dépolitisation de la société et du coup elle ouvrira les portes à toutes formes d’idéologies populistes.

Par Hassan Benadad
Le 01/04/2018 à 19h29