Quel «après-31octobre» à Bruxelles?

Florence Kuntz.

Florence Kuntz.

ChroniqueLe Conseil de sécurité de l’ONU a tranché: le plan d’autonomie marocain devient la référence du processus politique pour le Sahara occidental. Une bascule historique qui a d’immédiates répercussions outre-Atlantique. La résolution 2797 crée une pression politique sur l’UE, et scelle le cadre dans lequel États membres et Institutions européennes vont inscrire leurs relations avec Rabat.

Le 08/11/2025 à 10h00

Un vote historique, pour un texte qui porte la volonté de Donald Trump et la marque de la diplomatie américaine. Mais la dynamique pro-marocaine ruisselle aussi sur le Vieux Continent. Dans un discours louant l’avènement d’un «Maroc uni», le roi Mohammed VI a salué «les États-Unis d’Amérique, sous le leadership de notre ami le Président Trump». Pour ensuite remercier ses alliés européens, britanniques, espagnols et «plus spécialement» français; une mention qui honore Paris, privilège de son rang de membre permanent (qu’il serait suicidaire de vouloir partager à 27); et qui l’oblige… à prolonger «l’élan politique», engagé ces derniers mois, selon les mots du représentant français à l’ONU.

La liste des soutiens européens au plan d’autonomie s’est, il est vrai, densifiée depuis l’initiative française de l’été 2024, du Portugal à la Belgique, ralliement le plus récent et l’un des plus explicites. Et parmi les quinze membres du Conseil, tous les Européens– France, Royaume-Uni, Danemark, Grèce et Slovénie– ont voté pour la résolution 2797. Première vertu de ce vote, sur le Vieux continent: accélérer l’alignement des États membres sur une position marocaine devenue onusienne. Tous les regards se tournent particulièrement vers l’Allemagne, qui s’en tenait jusqu’ici à une neutralité prudente– qualifiant le plan d’autonomie de «sérieux et crédible», mais à titre de simple option. Berlin se retranchait derrière un règlement onusien qui, aujourd’hui, pourrait finalement la faire basculer.

Et cette dynamique dépasse les chancelleries européennes. C’est toute la machinerie institutionnelle de l’UE qui se trouve obligée par la résolution 2797, et des Institutions qui doivent désormais inscrire le partenariat avec Rabat dans ce cadre clarifié: le plan d’autonomie marocain n’est plus optionnel; il devient la référence politique reconnue par l’ONU, avec des implications directes pour la diplomatie européenne et les accords UE-Maroc.

««Young beautiful woman» aux yeux de Trump, Giorgia Meloni entretient avec le président Tebboune un lien personnel autant que stratégique. L’Italie, qui revendique un leadership méditerranéen et un rôle de pont entre les deux rives, apparaît comme le médiateur européen naturel pour traduire, aux côtés de Washington, le nouveau cadre onusien en dynamique régionale.»

—  Florence Kuntz

La Commission– qui n’a pas attendu ce vote pour manifester son soutien à Rabat, pourra trouver dans le nouveau processus international de quoi appuyer la révision de l’accord agricole. Le Parlement européen devra, lui, se prononcer sur l’accord révisé d’octobre dernier dans ce nouvel environnement politique. Quelle attitude adopteront les forces les plus hostiles au partenariat UE-Maroc? Quid de la gauche radicale, et de sa guérilla dans les instances parlementaires? Quels élus jusqu’au-boutistes resteront solidaires d’un Polisario qui rejette la résolution 2797? Et quels groupes et délégations nationales oseront, à l’inverse, participer à un dialogue constructif, notamment sur le sort des populations des camps de Tindouf? Enfin, la CJUE pourrait infléchir sa jurisprudence, en reconnaissant que le «consentement» peut s’exprimer au Sahara à travers des institutions locales mises en place par le Maroc, dès lors que celles-ci sont reconnues comme légitimes par l’ONU.

Reste à gagner «l’après-31 octobre», et pour les Européens, à soutenir pleinement le processus désormais engagé. La résolution 2797 appelle les parties– Maroc, Algérie, Mauritanie, Front Polisario– à participer, sans conditions préalables, aux discussions sur la base du plan d’autonomie proposé par le Maroc.

À New-York, les grandes manœuvres et le vote final– dont l’abstention russe– ont acté l’isolement d’Alger; mais en Europe, le gouvernement algérien conserve de solides soutiens: à la Commission européenne, au Parlement, et auprès de certains États membres. Dans ce contexte, Rome pourrait jouer un rôle clé. «Young beautiful woman» aux yeux de Trump, Giorgia Meloni entretient avec le président Tebboune un lien personnel autant que stratégique. L’Italie, qui revendique un leadership méditerranéen et un rôle de pont entre les deux rives, apparaît comme le médiateur européen naturel pour traduire, aux côtés de Washington, le nouveau cadre onusien en dynamique régionale. Sans promettre la paix en soixante jours. Mais avec un objectif clair et préalable à tout autre: ramener l’Algérie dans un processus dont elle s’est délibérément exclue en refusant de voter le 31 octobre.

Par Florence Kuntz
Le 08/11/2025 à 10h00