Il est de ces pratiques, comme les vices de forme à répétition et le clientélisme à souhait, auxquelles une instance comme l’Union africaine (UA) reste perméable, et la 36ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’organisation (18-19 février à Addis-Abeba) a apporté son lot d’«anecdotes» en la matière. Exemple en est le déroulement, dans le cadre de cette conférence, de l’adoption du rapport annuel du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA, qui, n’eut été la vigilance des membres de la délégation marocaine, aurait été le théâtre d’une énième violation par les représentants de la junte au pouvoir en Algérie des règles et procédures de l’instance panafricaine.
Tout a commencé par l’adoption à l’unanimité, dimanche 19 février 2023, dudit rapport annuel du CPS sur les questions de la paix et de la sécurité en Afrique, dans lequel le Maroc s’est distingué doublement. La première victoire est que le dossier du Sahara atlantique, dans tous ses aspects, n’est pas une seule fois cité dans le rapport. Une confirmation de plus que cette question relève désormais de la compétence exclusive des Nations unies, alors que la junte algérienne déploie des efforts colossaux pour l’imposer dans l’agenda de l’UA. La seconde victoire est la recommandation figurant dans ce même rapport en vue de l’adoption par l’UA de la Déclaration de Tanger, qui avait couronné les travaux, tenus du 25 au 27 octobre 2022 dans la ville du Détroit, de la première Conférence politique de l’UA sur la promotion du lien entre la paix, la sécurité et le développement dans le continent.
Peu alertes et manquant terriblement de réflexe, les représentants algériens, dont le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane et, surtout, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, n’y ont vu que du feu et ont laissé échapper une occasion en or de nuire aux intérêts du Maroc. Et pour cause, le temps d’intervention qui leur était imparti pendant les débats relatifs à l’adoption du rapport annuel du CPS, soit 3 minutes, ils l’ont consacré à... redorer le blason bien terne de leur président.
La délégation algérienne a consacré ces précieuses minutes à la lecture d’un message d’Abdelmadjid Tebboune. Il s’agit de la missive/appel d’offres dans laquelle le président algérien annonçait octroyer 1 milliard de dollars US à l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement, une coquille vide censée distribuer des financements pour des projets de développement dans les pays africains. La promesse est en réalité destinée à rallier des pays du continent à l’Algérie, précisément dans son hostilité, et c’est peu dire, envers le Maroc. Mais passons.
N’ayant pris conscience de l’occasion manquée que trop tard, le chef de la diplomatie algérienne a tenté de rattraper le coup. Alors que le rapport était déjà adopté, Lamamra a demandé la parole, indiquant que la délégation de son pays avait des amendements à apporter. Ceci, en dehors non seulement du temps et du délai imparti à l’Algérie, mais surtout en violation totale des règles et procédures de l’UA. «Le seul moment où les pays membres de l’UA ont le droit d’émettre des commentaires ou des amendements est celui des débats. Après, une fois que le rapport est adopté, c’est trop tard. C’est la procédure, et elle est claire et nette. Or, l’Algérie en a profité non pas pour discuter du fond du rapport, mais pour lire le discours de Tebboune, sans formuler de réserve ou d’amendement sur le rapport proprement dit qui a été adopté à l’unanimité», nous raconte une source qui a assisté aux débats.
Cela n’a pas empêché Lamamra de revenir à la charge, profitant cette fois d’un bref changement à la tête de la présidence de l’Assemblée. Le président comorien avait en effet cédé sa place au vice-président botswanais. Habitué des basses manœuvres, Lamamra a demandé la parole, étant sûr que le président du Botswana allait la lui accorder. Le chef de la diplomatie algérienne est intervenu pour dire qu’il avait des amendements au sujet du rapport qui venait pourtant d’être unanimement adopté. Sans surprise, le vice-président de l’UA est allé dans le sens de la délégation algérienne. Victoire, a crié Lamamra, qui est venu serrer très fort la main du Premier ministre algérien, qui ne savait pas vraiment ce qui venait de se manigancer, ni ce qu’il faisait là.
Cette victoire algérienne a duré le temps du déjeuner. Après la pause déjeuner, les travaux ont repris. La délégation marocaine a préparé sa riposte pendant cet entracte. Riposte facilitée par les pratiques de voyous de la junte. Et justement, après le déjeuner, les Comores ont repris la présidence de l’Assemblée. L’ambassadeur du Maroc à l’UA, Mohamed Arrouchi, a demandé un point d’ordre et expliqué de façon imparable que le représentant algérien a violé les règlements et procédures de l’UA en demandant l’amendement d’un rapport après son adoption à l’unanimité. Devant la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, organe suprême de l’UA et garant du respect des règles et procédures de l’organisation, le représentant du Maroc a appelé à corriger une flagrante violation desdites règles et procédures. Après s’être concerté avec le secrétariat et le conseil juridique de l’UA, le président de l’Assemblée a invalidé l’amendement octroyé à Lamamra par un président du Botswana complice d’une violation flagrante des règles de l’UA. Et le Maroc a obtenu gain de cause avec l’adoption du rapport sans les «retouches» algériennes.
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Dépité et ayant grande peine à cacher sa colère, Lamamra s’est réfugié dans le silence. Avec son Premier ministre, il s’est même mis en retrait, laissant à l’adjoint de l’ambassadeur de l’Algérie auprès de l’UA l’honneur d’occuper la première rangée de la délégation algérienne.
La cuisante défaite et l’humiliation subies par la délégation algérienne, la junte tente désormais de la laver… à coups de mensonges et de désinformation. La couleuvre étant trop grosse à faire avaler, et pour maquiller la cinglante gifle, le pouvoir algérien a mandaté «l’agence sahraouie» (SPS) pour diffuser des fake news au sujet de la Déclaration de Tanger. Ceci, en nourrissant sciemment une grande confusion entre celle-ci, une émanation de l’UA, et l’Appel de Tanger, soit l’initiative prise par plusieurs anciens Premiers ministres et ex-ministres des Affaires étrangères de pays africains, réunis à Tanger dans le cadre des 14èmes MEDays, et qui ont appelé, le 4 novembre 2022, à l’exclusion de l’UA de la fantomatique RASD. Relayée par des médias algériens tous acquis à la junte, SPS nous apprend ainsi que «l’Appel de Tanger» a été rejeté par l’UA, alors qu’il n’en a jamais été question. Du moins pas encore.
Pour le moment, c’est la Déclaration de Tanger qui figure dans le rapport adopté dimanche à l’UA. Lamamra a tenté par les pratiques anciennes auxquelles il est bien rodé de la retirer. En vain. La même vacuité de sa démarche attend inéluctablement les tentatives de la junte à faire avorter l’Appel de Tanger. Le milliard de dollars que veut distribuer Tebboune ne changera rien à l’affaire. C’est inexorable!