La presse algérienne décrit la France comme un pays à feu et à sang, voire un pays incapable de sécuriser le déplacement d’un chef d’État. Abdelmadjid Tebboune a annulé sa visite en France à cause «des manifestations sauvages qui aboutiraient à des actes de violence». C’est à travers cet alibi étonnant, et très peu flatteur pour Emmanuel Macron, que les médias affiliés au régime algérien ont justifié le report (ou l’annulation), annoncé le 18 avril courant, de la visite du président Abdelmadjid Tebboune en France, initialement prévue à partir du 2 mai prochain.
Se basant tous sur ce qu’ils appellent une «source autorisée», les médias algériens expliquent que «le renvoi à une date ultérieure» de la visite de Tebboune «a été motivé par la situation interne en France où les conditions ne sont pas réunies», en référence aux manifestations contre la réforme des retraites initiée par Emmanuel Macron.
Ce qui est troublant dans ce report, c’est que les premiers concernés par ce dossier, à savoir les services de communication de la Mouradia et de l’Élysée, n’ont pas daigné y apporter la moindre clarification.
Cela n’a pas empêché la «source autorisée» algérienne de faire un parallèle entre le report de la visite de Tebboune avec celui de la visite du roi du Royaume-Uni en France, en déclarant aux médias algériens que «ce sont exactement les mêmes raisons qui ont fait reporter la visite du roi d’Angleterre en France qui sont à l’origine du report de celle du président Tebboune».
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Certes, la visite en France de Charles III, qui devait se dérouler du 26 au 29 mars, a été reportée en raison du contexte social. Mais il n’y a aucune commune mesure entre la visite de Tebboune et celle du roi du Royaume-Uni. D’abord, la visite de Charles III intervenait au plus fort de la mobilisation contre la réforme des retraites et coïncidait justement avec une journée de mobilisation en France qui était prévue le 28 mars. À l’opposé de celle Tebboune où aucune journée de mobilisation n’est prévue aux dates de sa visite (2 et 3 mai). Ensuite, Charles III devait se rendre de Paris à Bordeaux par train. La porte de la mairie de Bordeaux incendiée par les manifestants, le 23 mars, ainsi que la forte mobilisation des cheminots ont rendu rédhibitoire ce déplacement. Tebboune n’allait pas prendre le train ni se rendre dans une ville dont la mairie venait de subir les assauts des mécontents de Macron. Alors, justifier ceci par cela est trop fort de café de la part de la junte algérienne.
Autre différence de taille, et au contraire de la «source autorisée» algérienne, le président français Emmanuel Macron en personne, le service de communication de l’Élysée et celui du palais de Buckingham ont clairement expliqué les raisons du report de la visite du couple royal britannique en France.
Ainsi, la décision du report de la visite de Charles III a été «prise par les gouvernements français et britannique, après un échange téléphonique entre le président de la République et le Roi, afin de pouvoir accueillir Sa Majesté le roi Charles III dans des conditions qui correspondent à notre relation d’amitié», écrit la présidence française dans un communiqué daté du 24 mars dernier. L’Élysée a même ajouté que cette visite royale a été reprogrammée pour le début de l’été prochain. Le roi Charles et la reine consort Camilla ont répondu qu’ils sont prêts à venir en France «dès que des dates pourront être trouvées», selon un communiqué de Buckingham Palace.
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La presse algérienne n’a donc pas poussé trop loin sa comparaison en évitant de se demander pourquoi cette communication entre les palais de Buckingham et de l’Élysée, avec tous ces égards pour le roi Charles III, n’a pas été dupliquée au cas algérien.
Si toute la presse algérienne a tenu à justifier l’annulation de la visite de Tebboune en France par les seules manifestations de Français contre la réforme des retraites, elle a occulté que ce sont surtout les manifestations d’opposants algériens, dont un grand nombre attendait Tebboune de pied ferme à Paris, qui seraient à l’origine de ce report.
La marche du 16 avril à Paris de 20.000 personnes en faveur de l’indépendance de la Kabylie a créé un vent de panique au sein du régime d’Alger, qui en a voulu aux autorités françaises d’avoir autorisé cette manifestation.
Il reste maintenant à savoir comment Emmanuel Macron va réagir à la raison invoquée par les médias du régime d’Alger pour justifier l’annulation de la visite de Tebboune. Aux yeux du régime algérien, la France est incapable de garantir les conditions de sécurité à un chef d’État étranger. Jupiter devrait avoir un sursaut d’orgueil.