Dès son arrivée à Alger le 29 octobre, le chef de la diplomatie a constaté le comportement inhabituel du policier qui accompagnait la délégation marocaine. Celui-ci tenait son téléphone portable d’une main faussement nonchalante, et la dirigeait de façon insistante vers le chef de la délégation marocaine. Interloqué par cette manœuvre, Nasser Bourita a demandé à regarder le téléphone du policier algérien de plus près, et a découvert que la fonction de l'enregistrement vocal était activée. Sans faire le moindre esclandre, Nasser Bourita a immédiatement demandé à ce que ce policier-barbouze soit remplacé par un autre.
Au cours de cette même journée, le chef de la diplomatie marocaine a pris part à une réunion préparatoire au sommet de la Ligue arabe, à laquelle participaient les ministres des Affaires étrangères des Etats membres. Nasser a découvert qu'une chaîne tout-info du service public algérien, AL24 news, qui se présente comme partenaire de la Ligue arabe, a diffusé une carte des Etats membres de cette institution, en amputant le Royaume du Maroc de son Sahara. La chaîne algérienne n'a pas hésité à falsifier la carte officielle de la Ligue arabe, à la seule fin d’isoler le Sahara du reste du Royaume. Nasser Bourita a demandé au secrétariat de la Ligue arabe de réagir à ce qui est une atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc de la part d'un média officiel algérien, qui se présente comme un partenaire de l’instance panarabe. Le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, qui présidait la réunion, a ignoré la demande de Bourita, qui ne s’est pas laissé faire, et a réitéré sa demande à laquelle le secrétariat de Ligue arabe a donné suite.
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La ligue arabe a par la suite publié un communiqué dans lequel elle affirme qu’elle n’avait pas de partenaire médias, et que la carte de la chaîne du service public algérien était différente de celle de la Ligue arabe. La chaîne AL24 news a également été tenue de présenter ses excuses et a imputé cette falsification à «une erreur du service en charge de l’infographie».
Mais Nasser Bourita n'a pas été pour autant au bout de ses peines. Au dîner, il a découvert que le régime algérien l’avait placé tout au bout de la table, entre le représentant des Comores et celui du sultanat d’Oman. Il n’y avait aucune logique alphabétique ou protocolaire pour justifier ce plan de table, à l’exception d'une volonté délibérée d’humilier le chef de la diplomatie marocaine, qui a logiquement refusé de prendre part à ce dîner et a quitté la salle.
Cette violation des traditions diplomatiques par le régime algérien a provoqué de l'embarras et de l'indignation parmi les membres des délégations arabes. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, est passé voir Nasser Bourita, pour lui transmettre le fait que Ramtane Lamamra organisait, le lendemain, un déjeuner en son honneur. Un déjeuner qui n’était pas prévu au programme officiel. Le chef de la diplomatie marocaine s’est d’abord étonné, devant le secrétaire général de la Ligue arabe, que ce soit lui et non celui qui était l’hôte de ce repas, qui lui adressait cette invitation. Il a expliqué à Ahmed Aboul Gheit qu’il n'acceptait pas les lots de consolation.
En quittant le dîner, Nasser Bourita n’a en aucune manière demandé un traitement privilégié, mais a formellement protesté contre un plan de table qui n’obéissait à aucune logique protocolaire, et qui avait visiblement pour objectif de l’humilier. Par respect pour le secrétaire général de la Ligue arabe, Nasser Bourita s’est fait représenter par un cadre du ministère à ce déjeuner, prétendument organisé en son honneur.
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Ce n’est pas fini. L’annonce de la non-participation du roi Mohammed VI au sommet d’Alger a poussé Ramtane Lamamra à accorder un entretien à la chaîne panarabe Al-Hadath, au cours duquel il a émis de stupéfiants aveux, regrettant une réunion manquée entre le roi Mohammed VI et le président Tebboune, qui aurait pu, selon ses dires, changer la face du Maghreb.
Nasser Bourita a voulu répondre le jour même, le 1er novembre, à cette étonnante déclaration de Lamamra. Le chef de la diplomatie marocaine a convié les médias à un point de presse à l’hôtel Sofitel. Le régime algérien a tout mis en œuvre pour empêcher cette rencontre entre le ministre et les journalistes. Ceux-ci, comme les cameramen, se sont retrouvés littéralement encerclés par des policiers en civil, et leur matériel leur a été carrément confisqué. L’équipe d’Al Jazeera a bien tenté de résister, mais les autorités algériennes ont retiré leur accréditation à trois de ses membres.
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Quand Nasser Bourita est arrivé dans le hall de l’hôtel, il n'a pu que constater le fait que les journalistes et les cameramen avaient été embarqués dans un bus, à destination d’un autre hôtel.
Une seule représentante des médias, Giselle Khoury, journaliste vedette de Skynews Arabia, était restée dans le hall de l’hôtel où se trouvait Nasser Bourita. Son caméraman avait, lui, été contraint d’embarquer dans le bus. Giselle Khoury a proposé au ministre marocain des Affaires étrangères d'effectuer une interview avec son iPhone. Mais dès la formulation de sa première question, le volume de la musique dans le hall a été augmenté, à fond. «On se serait cru dans une discothèque», a confié un témoin de la scène, que Le360 a pu interroger. Strictement impossible de s’entendre.
Qu’à cela ne tienne, Nasser Bourita et la journaliste ont pris un ascenceur, pour accéder à l’étage supérieur. Pas de musique, ils ont pu commencer l’enregistrement de la vidéo. Mais c’est là bien mal connaître les techniques des barbouzes algériennes, qui n'ont pas hésité à couper le wi-fi dans l'ensemble de l’hôtel. Sans Internet, la journaliste ne pouvait donc plus envoyer à sa rédaction la courte interview qu'elle comptait mener. Et si elle l’enregistrait, son téléphone se retrouverait confisqué par la police politique algérienne, aussitôt que Nasser Bourita aurait quitté sa compagnie.
Tout ce qu’a pu faire cette journaliste, c’est de rédiger un article.
Au cours des quatre jours que Nasser Bourita a passés à Alger, son homologue algérien Ramtane Lamamra ne lui a dit bonjour qu'une seule fois.
La déclaration d’Alger soumise à approbationCe harcèlement, digne d’un Etat voyou, n’a toutefois pas détourné le chef de la diplomatie marocaine de l’essentiel: le texte de la déclaration finale du sommet d’Alger.
Nasser Bourita a imposé une réunion pour valider ce texte. Lamamra s’y est opposé, affirmant que «la tradition dans les sommets arabes est de faire confiance au pays qui abrite le sommet», ce à quoi Bourita a rétorqué: «le respect de la tradition s’impose effectivement quand la confiance règne. Ce qui n’est pas le cas ici».
Ramtane Lamamra a essayé de s’opposer à la réunion demandée par Bourita, en prétextant un accueil de délégations, prévu de longue date.
Soutenu par d’autres ministres arabes, le ministre marocain des Affaires étrangères a affirmé de façon catégorique que si le texte de la déclaration n’était pas soumis à approbation avant sa diffusion, le Maroc et d’autres pays s’y opposeraient. Pour éviter un scandale, Ramtane Lamamra a donc été contraint de battre en retraite, et finalement d’accepter de soumettre le texte de la déclaration finale à une validation au cours d'une réunion.
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C’est au cours de cette même réunion que le Maroc a posé sur la table ses propositions, dont celle saluant la présidence par le roi Mohammed VI du comité Al-Qods. Il faut rappeler que l’Algérie a émis à maintes reprises des objections quand les Etats membres de la Ligue arabe ont salué le rôle du comité Al-Qods, présidé par le roi Mohammed VI.
Nasser Bourita a insisté sur le fait que la déclaration d’Alger contienne bien cette mention.
C'est donc à Alger même, dans ses terres, que le régime a été contraint d'avaler des couleuvres, en se retrouvant à devoir n’émettre aucune réserve, cette fois-ci, sur le rôle du comité Al-Qods, contrairement à ce qui avait eu lieu à New York, le 16 avril 2022. Ce jour-là, le représentant permanent de l’Algérie auprès de l’ONU, Nadir Larbaoui -celui-là même qui a été désigné par Ramtane Lamamra pour présider les travaux du sommet arabe à Alger- avait entravé l’adoption d’un communiqué du Groupe arabe à New York, au seul motif qu’il se référait au Comité Al-Qods, et à l’action de son président, le roi Mohammed VI. Ce même Nadir Larbaoui a même été lire, ensuite, devant Abdelmadjid Tebboune et les chefs de délégations arabes, la déclaration d’Alger. Un texte qui évoque donc les revers subis par ce régime. Tout un symbole.
La déclaration d’Alger a également salué l’organisation par le Maroc de l’important forum de l'«Alliance des civilisations des Nations Unies», qui aura lieu à Fès, les 22 et 23 novembre 2022.
L’erreur de vouloir servir à la fois l’agenda interne et la Ligue arabeLe régime algérien voulait à tout prix éviter une condamnation de l’Iran dans le texte de la déclaration finale. Si la déclaration finale ne nomme pas l’Iran, il n’en demeure pas moins que ce pays y est clairement critiqué, pour son rôle déstabilisateur de plusieurs Etats arabes. En effet, la déclaration finale précise que le sommet d’Alger entérine l'ensemble des résolutions qui ont été adoptées lors du Conseil de la Ligue des Etats arabes, réuni au niveau des ministres des Affaires étrangères, qui s’est tenu au Caire les 6 et 7 septembre 2022. Et les résolutions adoptées dans la réunion du Caire ciblent nommément l’Iran. D’ailleurs, cette décision procédurale consistant à entériner toutes les résolutions adoptées lors de la réunion interministérielle du Caire explique en grande partie l’ordre du jour, sommaire, du sommet d’Alger.
Ce qui a sans doute le plus contrarié le régime algérien, c’est que le Royaume du Maroc a davantage contribué au texte de la déclaration finale que l’Algérie, qui a pourtant été le pays hôte de ce sommet.
Paralysé par sa haine féroce du Maroc, le régime algérien n’a pas su réunir les conditions à même de conduire à d'éventuels succès, qui seraient leurs, à ce sommet. Un diplomate arabe a parfaitement su résumer ce double échec: «le pouvoir algérien n’a pas su trancher entre l’agenda interne, résolument hostile au Maroc, et le succès du sommet. En courant à la fois après l’agenda interne et le succès du sommet, l’Algérie n’a obtenu ni l’un ni l’autre».