Ce billet fait suite à celui du 1er août dans lequel j'ai plaidé pour une gestion plus participative de la lutte contre la Covid-19. Je propose de convertir les mosquées en structures sanitaires provisoires et dirai comment, après avoir expliqué pourquoi il faudrait envisager une telle option.
La croissance accélérée des infections et des cas nécessitant des soins médicaux exerce sur le système hospitalier une pression grandissante qu’il ne peut plus absorber.
La mobilisation de la médecine militaire, dès la première phase de la pandémie, a permis de partager le fardeau avec la santé civile, mais cela ne suffira pas.
Conscient des capacités limitées du système hospitalier, le ministère de la Santé a instauré, par circulaire du 13 août, un nouveau protocole. Les citoyens appartenant à une catégorie à risque ou suspectant une infection doivent d’abord subir un test sérologique dans un dispensaire de quartier. Seuls les cas positifs sont orientés vers l’hôpital le plus proche pour subir un test PCR. Si l’infection est confirmée, mais que le patient ne présente pas de symptômes préoccupants, on lui demande de se confiner chez lui.
Dans l’absolu, le confinement des cas bénins à domicile est une idée de bon sens. Dans le contexte marocain, ce n'est pas une si bonne idée.
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Le confinement à domicile est une option adéquate pour ceux qui vivent dans des familles nucléaires et disposent d’un logement où il est possible d’isoler une personne. Pour les autres Marocains, plus nombreux, qui vivent dans des quartiers populaires à forte densité de population et ceux -les mêmes en général- qui vivent à plusieurs dans un espace réduit, il est impossible d’isoler strictement des personnes infectées. De plus, notre culture qui nous fait courir au chevet d’un proche dès que nous apprenons sa maladie aggrave encore les risques de contamination en chaîne.
Que faire alors?
Pour réduire encore la pression sur les hôpitaux et éviter la propagation sur les réseaux sociaux d’images dégradantes, tant pour les malades offerts en spectacle que pour le pays, les autorités devraient envisager la transformation des mosquées, dans les villes et les campagnes, en structures provisoires de santé.
Les patients positifs dont les symptômes ne nécessitent pas de soins intensifs seraient confinés dans une mosquée de leur quartier. Ils seraient ainsi isolés, mais proches de leur milieu familial et passeraient quelques jours dans un lieu relativement confortable, équipé de sanitaires, et spirituellement réconfortant. Les pratiquants pourraient y accomplir les cinq prières quotidiennes dans un collectif.
Comme il existe souvent plusieurs mosquées dans le même quartier, il serait facile de créer des lieux d’accueil séparés pour les hommes et les femmes ou pour d’autres catégories de la population comme les jeunes et les personnes âgées.
Les autorités civiles locales devraient avoir la pleine responsabilité de la gestion des mosquées-hôpitaux. Les communes, premier échelon de la démocratie représentative, devraient assumer l’approvisionnement des patients. Pour cela, elles utiliseraient leurs ressources budgétaires, recevraient des subventions de la région et de l’Etat et feraient appel aux dons des citoyens et bienfaiteurs. Là où c’est possible, les communes pourraient impliquer des associations citoyennes dans cette responsabilité.
Les autorités de santé auraient la responsabilité de l’encadrement médical. On pourrait imaginer une présence permanente d’infirmiers sur place et le passage quotidien d’un médecin. Seuls les patients dont les symptômes s’aggravent seraient transférés vers les hôpitaux.
L’auteur sait que la mise en œuvre de cette recommandation peut soulever des problèmes. Par exemple, faudrait-il contraindre les personnes infectées à séjourner dans une mosquée ou les laisser choisir leur lieu de confinement? Faudrait-il prendre en charge le confort des patients, comme la literie et l'alimentation, ou leur laisser ainsi qu'à leur famille cette charge?
Comme toujours, le diable est dans les détails, mais l’enjeu est beaucoup trop grave pour écarter cette piste avant examen. Il n’est pas interdit d’expérimenter la formule dans quelques quartiers pendant deux ou trois semaines, avant de la généraliser sur le territoire national. Et puis, la dynamique de la pandémie permet de convertir les mosquées en structures sanitaires au fur et à mesure des besoins.
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Comme les spécialistes ne voient pas arriver sur le marché un vaccin ou un traitement miracle avant plusieurs mois, dans le meilleur des cas, le pays doit organiser une résistance dans la durée et mobiliser tout son potentiel.
Le Maroc compte 52.000 mosquées, dont une ou deux dans chaque commune rurale. En supposant qu’une mosquée puisse héberger 20 personnes, chiffre très minoré pour les mosquées urbaines, cela ferait un potentiel d'un million de lits (oui, vous avez bien lu) disponibles en quelques jours.
En activant ce potentiel, le Maroc montrerait qu’il est capable d’innover, dans la deuxième phase de gestion de la pandémie et redonnerait aux Marocains la fierté éprouvée dans la première phase.